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Chroniques d'Outre-Monde | Eric Avezance | 2015

Le Jardin des Délices | Le Pacte des Confins

Par | 09/02/2015 | Lu 1636 fois




Tome 1 - Le Jardin des Délices (2015)

La fragile alliance qui unit les mondes du Centre est en grand péril. Dans toutes les dimensions du Multivers, des créatures monstrueuses et impitoyables apparaissent, déchaînant partout où elles passent leur redoutable bestialité. Dans les lointaines contrées du Nadir, d’étranges nécromanciens vouant un sombre culte à une terrifiante entité mécanique, défient l’ordre établi par les chevaliers du Zénith et le conseil des êtres célestes d’Eden. 

Ces faits seraient-ils liés ? Est-ce là une nouvelle fourberie des démons du clan Rakshasa, pourtant jadis chassés au-delà des Confins ? Ou bien faut-il chercher des coupables ailleurs, peut-être là ou nul ne s’attendrait à les trouver ? Alors que toute une civilisation sombre peu à peu dans le chaos, il semble que le seul salut des humanités réside en ce monde mystérieux et sauvage objet de toutes les convoitises appelé Jardin des Délices.

Fiche de lecture

Deux pirates de l'espace, Bartolomé Ortigosa et son fidèle Lothor se sont emparés par ruse de « La Dame du vide », un énorme vaisseau spatial qui leur sert de cargo céleste. Ils convoient Noxius, un archonte aussi laid qu'inquiétant, accompagné de la dangereuse cohorte de ses adeptes, uniquement parce qu'ils espèrent être bien payés. Parvenus à leur destination, ces sectateurs du mal détruisent un gros bloc de cristal sacré pour en extraire une sorte de boule bizarre, la « Sphère des âmes », qu'ils veulent ramener avec eux. Estimant que cette tâche supplémentaire n'est pas prévue dans son contrat, Bartolomé tente de le renégocier. Mal lui en prend. Trahi par Lothor, il est immédiatement assassiné... Messire de Bérécie, un richissime marchand obèse menant une vie de larve, fait appel à la maison Ombrelame, spécialisée dans les assassinats en tous genres, pour qu'elle le débarrasse d'un concurrent déloyal. Zeïd, un tueur particulièrement efficace et dépourvu du moindre état d'âme, se voit confier cette mission délicate. Le condamné devra être exécuté à l'arme blanche et en respectant des consignes très précises...
 
Etrange mixture composée d'intrigues, d'horreurs, de tueries et de monstruosités plus étranges ou plus repoussantes les unes que les autres, le Multivers d'Eric Avezance est une suite de mondes bizarroïdes, une sorte d'empire galactique incroyable qui s'étend sur plusieurs dimensions et se retrouve bouleversé de fond en comble par l'irruption de forces maléfiques sous la forme d'une secte obscure dont le pouvoir s'accroît à mesure qu'elle répand autour d'elle la souffrance, la mort et le chaos.
 
Aux confins de trois styles littéraires, la fantaisie, la science-fiction et l'horreur (on sent nettement l'influence des grands maîtres, Tolkien, Herbert et Lovecraft, entre autres) et s'inspirant d'histoires de samouraïs (le code de l'honneur des nobles du japon ancien est très présent) mais également de la mythologie (revisitée) et même de l'écologie, Eric Avezance nous propose une intrigue originale et qui tient bien la route.
 
Le fracas de batailles fort bien décrites, les innombrables péripéties d'une histoire qui relève de l'épopée fantastique maintiennent l'intérêt tout au long d'un ouvrage passionnant et de belle longueur (524 pages fort denses, mais jamais lassantes). Seule la fin ouverte déçoit un peu dans la mesure où elle laisse le lecteur sur sa faim. L'auteur a certainement prévu d'écrire une suite et sans doute plusieurs tomes pour compléter ses « Chroniques d'Outre-monde ». Cette manière de procéder qui cherche à fidéliser le lecteur en créant une addiction est en train de devenir la règle dans ce genre particulier. Doit-on le regretter ?
 
L'auteur dispose d'une très belle et très sombre imagination. Il sait embarquer son lecteur dans des mondes aussi étranges qu'inquiétants et en compagnie de personnages ou de monstres  improbables et dérangeants. Cerise sur le gâteau, il possède surtout une fort belle plume et démontre de très réels talents de conteur. Il sait créer des décors et des atmosphères très SF/Fantaisie, dignes de ceux des plus grands, en usant et en abusant peut-être un peu de néologismes et autres inventions lexicales souvent poétiques. Quel film formidable pourrait tirer de ce texte un metteur en scène de talent comme Peter Jackson ! Seul petit reproche : quelques coquilles, heureusement assez peu nombreuses et quelques confusions de vocabulaire (« résonner » confondu plusieurs fois avec « raisonner »).
 
Conclusion : pour un coup d'essai (si c'est le cas), c'est un coup de maître ! Ecrivain talentueux et prometteur, Eric Avezance saura-t-il suffisamment se renouveler pour maintenir l'intérêt du lecteur sur une plus longue distance ? Arrivera-t-il à transformer l'essai ? Il faudra attendre (avec impatience) la suite de cette sombre et passionnante saga pour le savoir.

Tome 2 - Le Pacte des Confins (2015)

Les royaumes du Centre ont été anéantis, assimilés par le Dieu-Monde et ses légions de fanatiques. Guidés par Dame Euphorbe, puissante élémentaliste du Jardin des Délices, quelques survivants ont trouvé refuge en Apremonde, un monde éloigné des Confins, berceau d’une humanité primitive. Là-bas, les démons du clan Rakshasa ont bâti un empire secret déchiré par d’incessantes rivalités politiques.

Tandis que la menace non-morte s’étend peu à peu à tout le Multivers, de nouveaux conflits éclatent. Un mystérieux Guide au charisme troublant et aux intentions funestes plonge le monde dans le chaos. Face à l’adversité, une poignée d’humains, de démons et de réfugiés d’outre-monde nouent une ténébreuse alliance, le Pacte des Confins.

Fiche de lecture

A Berlin, aux toutes dernières heures de la deuxième guerre mondiale, alors que le Führer s'apprête à se suicider dans son bunker, il reçoit la visite de l'étrange Seigneur Synfaël, un démon particulièrement puissant qui se présente accompagné de sa sœur, la succube Hécate de Colutrée. Synfaël propose au Guide vaincu et désespéré de l'aider à prendre la fuite vers l'Outre-monde en passant dans une autre dimension de la réalité... Nathanaël Flint, capitaine du vaisseau pirate « La Morsure de l'Aube » doit faire face à la révolte de son équipage qui n'a pas réalisé la moindre prise en 40 jours standard de navigation cosmique. Sans le moindre état d'âme, Flint se débarrasse du meneur juste au moment où une éventuelle proie se présente enfin... Un gros ogre anthropophage regagne ses pénates dans un lointain désert. Au fond de sa carriole brinquebalante, il ramène une jeune fille ligotée dont il rêve de pouvoir se régaler une fois qu'il l'aura mise à mijoter assaisonnée d'une bonne sauce et de quelques épices...
 
Comment qualifier « Le pacte des Confins » d'Eric Avezance ? Roman de dark fantasy ? Chroniques oniriques et poétiques ? Conte philosophique permettant une plongée époustouflante dans les glauques profondeurs des arcanes du Mal ? Exploration des vices, délires et mauvais penchants de l'âme humaine ? Dystopie ? Uchronie ? Un peu de tout ça et encore beaucoup plus.
 
Cet ouvrage, le second d'une saga qui comporte deux tomes de plus de 500 pages chacun, représente en fait une véritable « expérience » littéraire aussi déroutante qu'enthousiasmante. Visiblement, Eric Avezance est un visionnaire, un auteur inspiré qui possède un don d'imagination hors du commun pour ne pas dire extraordinaire. Son œuvre est un maelström, un tourbillon de puissance, un tsunami démentiel qui vous emportent dans des mondes parallèles incroyables avec leurs cortèges de créatures démoniaques, de succubes, de trolls, de shoggots, de kobolds (dont le charmant petit Skalf...), d'ogres sales, bêtes et méchants, de gorgones, d'homuncules, de cyborgs (comme l'extraordinaire homme de fer Panzergeist) et au travers d'une multitude d'évènements et de rebondissements (il s'en passe des choses dans toutes les dimensions du Multivers, ça déménage dur, croyez-moi!). Batailles rangées, duels, affrontements titanesques, complots, trahisons, assassinats, tortures, scènes gore ou humoristiques se succèdent à un rythme effréné.
 
Il y a aussi une touche de Lewis Carroll (très sombre bien sûr) chez Avezance : avec sa Reine de Coeur, on est un peu dans une « Alice aux pays des merveilles » transformée en « Eva-Lys au pays des horreurs ». Le lecteur y a vu bien sûr une bonne dose de Tolkien pour les grands combats et les monstres inquiétants et surtout pas mal de Jeffrey Ford pour la mystique de la douleur, sans parler de l'influence de l'esprit chevaleresque des samouraïs ni de celle des légendes nordiques.
 
Au sortir d'une lecture qui ne laisse pas indifférent, on ne peut que conseiller à tout le monde de lire ce livre et le précédent. Mais attention, en se laissant emporter par le flot car il s'agit d'une narration très particulière, un peu en forme de puzzle ou de kaléidoscope. On saute d'un personnage à l'autre, d'un plan ou d'un événement au suivant, selon un découpage quasi cinématographique avec des angles de prises de vues différents et parfois surprenants. L'ensemble donne une impression un peu éclatée, manquant apparemment d'un fil d'Ariane bien visible. Cela demande un effort au lecteur lequel finit par découvrir que toute cette épopée sauvage et barrée possède néanmoins sa logique particulière.
 
Belle plume, jolie narration, plus originalité dans l'inspiration et la présentation : résultat bluffant. A noter cependant la présence de scories et coquilles indignes d'une telle œuvre. Mais que cela n'empêche personne de lire cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) aussi original que passionnant !

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