Classe de Lune | François Sautereau | 1988

Par | 19/04/2024 | Lu 672 fois




Illustration et quatrième de couverture

Classe de Lune @ 1988 Rageot Éditeur | Illustration de couverture @ Nathaële Vogel | Photo @ Bruno Blanzat, édition privée
Classe de neige, de mer ou classe verte, c’est dépassé. Le CM2 de Christophe se prépare à une grande première : une classe de Lune !

Formés et informés, entraînés, habillés et conditionnés pour cette expérience unique, les élèves semblent fin prêts pour que le voyage se passe dans les meilleures conditions.

Mais la Lune réserve bien des surprises et une drôle de musique aux jeunes Terriens…

Fiche de lecture

C’est un hasard de boîte-à-livres qui m’a fait découvrir cet auteur. Je pensais le passer à mes enfants sans même y jeter un œil, et finalement un dimanche après-midi a suffi pour que j’embarque en classe de lune.

D’après sa fiche Wikipédia, François Sautereau (1943-2014) est exclusivement un auteur jeunesse, plutôt orienté SF. Sorti du lycée Henri IV, plutôt une bonne base, il a d’abord été animateur de centres de loisirs avant de se mettre à écrire, à 34 ans.

Son histoire commence de la même manière que le roman Îles de l’espace d’Arthur C. Clarke : un jeune homme gagne un concours qui lui permet de partir dans l’espace. Ici, c’est toute une classe qui obtient le premier prix Kapok, retransmis en trivision, grâce à un travail de groupe audiovisuel. Le héros principal n’a rien du narrateur intra-diégétique habituel, timide, à la découverte du monde :  c’est un petit mec qui n’hésite pas à bourrer de coups de lattes ses potes pour s’assurer une place à côté de Sonia, sur laquelle il a jeté son dévolu. Il ira jusqu’à l’embrasser de force, façon Rocky le premier soir avec Adrienne. Un gars de 10-11 ans plutôt à l’aise, qui drague les adultes de la station Pénélope, traite de gros le brave Métrasse, et charrie sa frangine sur son poids :
« — Avoue que tu es jalouse ! lui ai-je lancé un soir de grand vent.
— Jalouse, moi ? Pouah ! Elle est bonne ! Mais de quoi, grand Dieu ? Et puis j’ai mes examens de danse.
— Sur la Lune, ma vieille, tu ferais des bonds de dix mètres et des entrechats à n’en plus finir !
— Quel avantage ?
— Eh bien, ai-je répondu, l’avantage, vois-tu…. C’est que là-haut, tu pèserais quelques kilos de moins !
Nous nous sommes poursuivis autour de la table ovale, pareils à deux vieux satellites ennemis sur l’orbite de la haine. Finalement, elle m’a haussé les épaules et s’est enfermée dans sa galaxie mal rangée. »

Classe de Lune est un récit classique d’aventures, avec un vrai mystère et de la vraie SF dedans. Il ne transpose pas mécaniquement le déroulé d’une classe découverte sur la Lune, mais joue le jeu didactique, avec un petit dossier en fin d’ouvrage sur le système solaire, l’homme dans l’espace etc. L’énigme à résoudre débouche sur une véritable exploration de l’histoire de l’humanité, à l’échelle du roman jeunesse certes, mais qui rappelle que la SF française a toujours su faire le pont entre les premiers hommes et les derniers, à l’instar de J-H. Rosny Aîné (de La guerre du feu à La mort de la Terre).

C’est l’occasion de quelques réflexions sur l’homme qui n’a « jamais été sauvage à l’aube de son existence, (…) le cheminement était inverse, l’homme devenait sauvage ». Il n’évolue pas, « il apprend chaque jour à mieux connaître ce qu’il est », et les progrès techniques modernes n’ont rien changé à sa nature profonde.

Nous sommes en 1988, l’auteur décrit un futur XXIe siècle où l’ECU a fini par être la monnaie unique (l’euro n’existait pas encore à l’époque), et les promesses d’avenir se sont accomplies, les crises annoncées ont été surmontées. La classe de Christophe a une image de mixité sociale qu’on commençait à mettre en avant, œcuménique et laïque à la fois. Dans l’avenir de cette époque, on conçoit l’espace comme un lieu encore désertique mais « ultra-civilisé ».

Je retrouve dans ces pages l’état d’esprit que véhiculaient les médias jeunesse de l’époque. C’étaient les années Touche pas à mon pote (j’avais l’autocollant de la main jaune sur mon BMX). J’avais 7 ans en 1988, mon Journal de Mickey abordait des dossiers sur l’écologie, la nature, Jean-Louis Étienne, Claudie Haigneré, Maurice et Katia Kraft. Je me souviens d’un reportage avec plans en coupe sur des projets de villes sous l’eau. On connaissait les maux de la Terre, mais on avait encore l’idée que la nouvelle génération saurait faire mieux que la précédente. Ça me désole aujourd’hui qu’on ne se projette plus que dans l’après-catastrophe, qu’on n’envisage qu’une seule alternative : l’adaptation, la résilience.

Cette pente s’amorçait déjà dans un passage de Classe de Lune : l’extraction minière des Terriens sur le satellite met en péril une forme de vie. Attention spoiler : ils ne s’arrêteront pas.
Classe de Lune @ 1988 Rageot Éditeur | Photo visuel intérieur @ Bruno Blanzat, édition privée

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