Montage et réalisation @ 2024 Siebella ChTh (sur la base d'un fond de www.canva.com)
Déjeuner sur l'herbe
Le groupe de retraités avait prévu ce pique-nique de longue date. Non en fonction de la météo comme vous pourriez le croire, puisqu'ils vivaient sous bulles depuis des décennies déjà, c'est-à-dire depuis la propagation (malencontreuse ou pas) de produits chimiques censés contrôler les caprices du climat, mais plutôt de la disponibilité de ce bout de terrain. Il faut dire qu'il ne restait plus de terre véritable dans chacune des cités que comptait aujourd'hui notre belle planète bleue.
Aussi, la location de ce terrain vert et arboré était-elle largement assurée. Surtout qu'il avait été mis sous cloche et choyé par les premiers scientifiques ayant compris la gravité et l'urgence de l'impact des produits chimiques sur notre sol, à cette époque très ancienne. Bien entendu, depuis, les choses avaient quelque peu changé...
Nos joyeux retraités étaient ainsi nommés parce qu'ils avaient simplement atteint le plafond des 70 ans, l'âge où l'on ne sert plus à rien. Statut décrété par des générations précédentes, et l'on y songeait même plus aujourd'hui. Le travail, comme on le connaissait autrefois, avait pris une tout autre forme. À présent, à partir de la trentaine, chacun était nanti d'une certaine quantité de "Jeutons" censée le faire vivre décemment, le temps d'en obtenir davantage par lui-même. Plus de loyers, plus de factures, plus de taxes non plus. Dans chaque cité, le pouvoir en place était composé de dix personnes différentes en tout point, qui avaient été désignées par un ordinateur central. Et elles avaient pour obligation d'être des gestionnaires irréprochables. Puis plus haut dans la hiérarchie de ce nouveau monde, un autre groupe de vingt personnes celui-ci, qui était le garant de la fabrication et de l'organisation de la distribution des Jeutons pour chaque cité. On payait donc tout en Jeutons, et le seul moyen d'en gagner d'autres était le jeu. Là aussi, chaque cité était pourvue d'une sorte de Casino où l'on pouvait donc jouer et gagner, ou perdre. Voilà ce qu'était devenu le terme "gagner sa vie"... ou la perdre, ce qui se produisait couramment.
Revenons à nos retraités, dont vous avez hâte de connaître les aventures je n'en doute pas.
Ah, une dernière chose tout de même, avant de poursuivre ! J'allais oublier de vous parler de nos amis les Robots. Car bien que les humains de cet autre temps n'aient plus grand-chose à faire de leurs journées, ils avaient tout de même pensé à créer des êtres artificiels pour effectuer leurs basses besognes. Ainsi, vivant au milieu des humains pour leur bien-être et leurs plaisirs, ces robots faisaient partie intégrante de cet étrange monde...
Ils étaient quinze hommes et femmes, entre 70 et 75 ans. Quinze amis, couples ou voisins ayant économisé pour louer ce précieux bout de terre à l'occasion de l'anniversaire de deux d'entre eux puis du gros gain ramassé au Casino par un autre. Le prix de la location du terrain pour la demi-journée étant assez conséquent, à l'image de la grande rareté du bien. Ces quinze-là avaient donc décidé de s'offrir du bon temps en organisant un grand pique-nique. Sous la bulle, la température idéale qu'ils avaient demandée lors de la réservation était affichée à 25 degrés. Quant au rayonnement lumineux, on aurait dit qu'un soleil radieux allait embellir cette journée.
En-dehors du dôme de la bulle en revanche, un vent toxique soufflait implacablement, brûlant sans discontinuer tout ce qui restait de vie sur cette pauvre Terre...
L'herbe hardiment piétinée sous la bulle était fausse hélas, mais tous l'ignoraient. Cette génération comme tant d'autres auparavant n'avait à vrai dire jamais vu ni touché de la verdure authentique. On leur disait que c'était de l'herbe, ils y croyaient. On voyait pourtant les robots-jardiniers s'y affairer chaque soir juste avant la fermeture des portes, mais c'était un leurre. Les robots réparaient seulement trous ou écorchures dans la pelouse synthétique, puis revenaient dans leurs placards pour la nuit. Dans la journée, leur présence était requise pour servir les "campagnards" du jour et animer les diverses attractions dispersées sous la bulle.
Voici que nos retraités s'installent, les uns étalant de beaux tissus en guise de nappes, les autres commandant les divers menus et activités pour le déjeuner. Je ne vous détaille même pas les menus, votre imagination que je suppose débordante si vous vous trouvez devant ces lignes, fera le reste (soupir). Quant aux activités, c'est une autre affaire, et quelle affaire !
On n'entendait que rires et blagues en tous genres sous cette magnifique bulle dénommée "An°bis". On pouvait voir nos retraités batifoler sur le pré resplendissant, les uns s'y frottant comme le faisaient autrefois les chiens, les autres le humant et affirmant y trouver un délicat parfum d'antan, les choses étaient si bien faites... D'autres encore s'étaient simplement assis pour bavarder ou admirer les (faux) arbres -vous n'aviez tout de même pas cru que ceux-ci avaient résisté au massacre ?- au chatoyant feuillage automnal. Bref, tous attendaient les menus et commençaient de profiter des activités avec une joie presque enfantine. Ne disait-on pas il y a fort longtemps, qu'à partir d'un certain âge, on retombait en enfance ?
C'était largement démontré ici, sous cette bulle où l'ambiance était à la fête. Dans une partie de la bulle où trônait un vaste espace destiné aux adultes, toboggans, balançoires, bacs à sable, tourniquets, minigolf, jeux de croquet, murs d'escalade et tant d'autres jeux encore se devaient de leur faire passer un moment inoubliable. Tout devait être parfait, grâce aussi à la vigilance et aux bons soins de leurs amis les robots.
Et aujourd'hui, nos retraités "qui ne servaient plus à rien" avaient décidé de ne rien se refuser. À payer, autant que ce soit pour tout essayer, s'étaient-ils répétés en chœur avant d'entrer sous la bulle An°bis.
Ainsi donc, les voici détendus et heureux comme jamais au milieu de ce décor bucolique, un tableau idyllique en vérité.
Les robots toujours affairés, passaient et repassaient entre eux sans se faire remarquer, tel du mobilier évoluant là naturellement. L'un d'eux vérifiait les fixations des balançoires tout en poussant doucement un humain, un autre arasait les bacs de sable tout en cherchant les grains trop foncés en dénaturant la blancheur. Un autre encore approchait lentement des retraités, en portant sur ses trois plateaux de boissons et bouteilles aussi colorées que nos bonbons d'une époque révolue, tandis que l'unique RoboTick (Robot Technicien de grade supérieur) de cette bulle était planté devant sa console, prêt à diriger toute cette ruche. Seulement aujourd'hui, ses senseurs de sécurité bipaient étrangement tandis que le dôme de la bulle frisait légèrement par endroits, phénomène inhabituel qui n'était perçu par quiconque. Les humains qui y évoluaient se devaient pourtant d'être en parfaite sécurité.
Toujours est-il que ce jour-là ne fut pas comme les autres. En un mot comme en cent, nos charmants retraités auraient mieux fait de rester chez eux...
La main aux doigts articulés du RoboTick tremblait imperceptiblement. Sa dizaine de capteurs optiques fonctionnait par à-coups, brouillant de plus en plus son champ visuel. Aussi, lorsqu'en lui se déclencha la séquence de sécurité, il dirigea son bras vers le bouton d'alarme, mais c'est sur son voisin qu'il enfonça. Aussitôt, à l'extérieur, le robot porteur des trois plateaux exécuta un demi-tour sec, mais parfait, qui envoya toutes les boissons valser et atterrir sur les retraités les plus proches de lui. Ceux-ci pestèrent contre lui tout en se désespérant devant l'état pitoyable de leurs vêtements mais, imperturbable, il continua son chemin droit comme un i, tandis que RoboTick tentait de corriger sa manœuvre. Peine perdue ! Il fut alors pris d'une série de décharges électriques qui modifièrent son geste et guidèrent malencontreusement son bras articulé vers la commande du robot-balançoire. Ce dernier sauta soudain sur l'un des sièges pour s'élancer aussi vigoureusement que l'aurait fait un enfant, avec l'envie irrésistible d'aller le plus haut possible. Nos retraités, toujours occupés au nettoyage sommaire de leurs tenues estivales, n'avaient pas remarqué la scène incongrue qui se déroulait à quelques mètres d'eux. Car c'était au tour du robot-bac-à-sable de se perdre totalement. Au lieu d'accomplir la tâche à laquelle il était assigné, le voici qui, ayant attrapé une pelle posée non loin de lui, s'amusait à jeter follement du sable autour de lui en sautillant autour du bac, incontrôlable.
Lorsque l'un des retraités aperçut ce qu'il se passait, il se rapprocha sans se méfier. Il reçut alors en plein visage une volée de sable qui cingla sa peau et pénétra dans ses yeux. Portant ses mains au visage, il ne put voir la scène qui se déroulait plus loin encore. Sous les arbres où se trouvaient les toboggans, le robot était lui aussi fort dissipé et poussait violemment la pauvre retraitée qui entamait à peine sa descente. Elle la termina avec une roulade digne de ce nom, qui réveilla hélas un vieux lumbago et quelques douloureuses articulations. Mais ce n'était pas fini ! À peine s'était-elle relevée qu'il la saisissait par le bras pour la ramener sur le toboggan, d'où il la poussait à nouveau en répétant cette action en boucle. Le RoboTick ne s'en sortait plus. Ses tressautements augmentaient et gagnaient tout son être malgré lui. Ainsi, les manœuvres qu'il tentait pour désamorcer les cascades de bêtises de ses congénères n'aboutissaient pas, mais au contraire aggravaient les situations.
Pour vous, chers Lecteurs, et pour celles et ceux qui évoluaient dans les bulles adjacentes, ces scènes soulevaient des fous rires difficilement contrôlables, si ce n'était le danger qu'elles démontraient...
Des techniciens humains avaient bien tenté de pénétrer dans la bulle pour se porter au secours de ces malheureux, mais les portes en étaient visiblement condamnées. Impossible d'entrer. Le spectacle était lancé, personne ne savait comment l'arrêter...
Sous la bulle, c'était du côté du tourniquet et du mur d'escalade que les choses prenaient une drôle de tournure.
En effet, les deux robots désignés pour animer ces jeux semblaient communiquer entre eux par des gestes, chose invraisemblable ! Derrière la console, le RoboTick perdait complètement le contrôle de lui-même et des commandes. Il continuait d'appuyer frénétiquement sur les mauvais commutateurs, provoquant chez ses frères des actes inopportuns, à la limite de la dangerosité. Mais il persistait, car il était à son poste, et il ne devait en aucun cas le quitter avant le temps imparti par l'ordinateur central. Qu'allait-il donc advenir de nos infortunés retraités…?
Les deux pauvres bougres qui s'amusaient sur le tourniquet s'étaient vus pris en otage par le robot en charge de cette attraction, qui les faisait tournoyer sans cesse, ne leur laissant aucun répit et moyen de stopper cette course folle. Les deux pauvres retraités s'accrochaient désespérément aux poignées du tourniquet pour ne pas être éjectés comme deux poupées de chiffon. Il y avait peut-être une solution à tout cela, mais personne n'avait seulement le temps d'y réfléchir, toutes les actions se déclenchant les unes derrière les autres. Sur le mur d'escalade, les trois humains qui avaient entamé leur ascension au prix de gros efforts, s'étaient quant à eux sentis tout à coup comme propulsés brutalement vers le sommet, puis aussitôt relâchés dans une descente vertigineuse. Malgré leurs cris apeurés ou de rageuses invectives, le manège continuait à l'infini. Et l'on pouvait voir ces pantins descendre et monter comme s'ils n'étaient que de menus objets soumis à la volonté des robots postés en contrebas, qui tiraient puis relâchaient les cordes sans jamais se fatiguer.
Le RoboTick pouvait tout voir de l'intérieur de la cabine. Horrifié, il ne pouvait l'être, les humains n'avaient pas répertorié cette émotion chez lui. Empathique, encore moins. Il tentait seulement et en vain de récupérer la docilité de ses frères, selon son protocole de sécurité. Tout à coup, une silhouette passa rapidement devant sa cabine, puis une autre. Le robot bac-à-sable poursuivait inlassablement l'homme qu'il avait recouvert de sable, tandis que ce dernier tentait toujours de retrouver un semblant de vision pour trouver un endroit où se cacher.
Plus à l'écart de ces horribles scènes, le coin le plus éloigné de la bulle abritait l'emplacement du jeu de croquet. Le couple qui avait débuté une partie n'avait pas échappé à la folie qui s'était emparée des senseurs de RoboTick. Ainsi, il se voyait lui aussi pourchassé par le robot-croquet qui avait saisi deux maillets pour frapper toutes les boules du jeu dans leur direction, comme s'il les prenait pour des arceaux. Et il faut avouer que le robot était doué, car il touchait sa cible à chaque tir, infligeant des douleurs atroces et finalement de saisissantes plaies dans les jambes des deux humains. Ceux-ci couraient comme il le pouvait, mais le robot était inépuisable et surtout plus rapide qu'eux. Nous n'évoquerons pas en détails le minigolf où, là aussi, deux malheureux amis étaient en proie au dysfonctionnement de la bulle...
Les diverses scènes pouvant paraître drôles au départ, prenaient peu à peu des proportions graves. Certains des retraités arboraient de sévères blessures, tandis que d'autres, fatigués et traumatisés par ce qui leur arrivait, s'étaient laissé tomber au sol dans l'espoir que les robots se lassent de s'acharner sur eux.
Les bras du RoboTick remuaient en tous sens, le contrôle était inopérant sur la console. Le dôme de la bulle lui-même grésillait de plus en plus, donnant des airs de feu d'artifice à ce qui se produisait à l'intérieur. Au-dehors, les humains de passage s'étaient tous agglutinés au plus près, spectateurs impuissants d'un pitoyable spectacle. C'était du jamais-vu. En deux mots : un désastre. Les secours ne parvenaient toujours pas à entrer, des membres des familles de certains retraités avaient été appelés et maudissaient, tout en pleurant, l'incapacité des gestionnaires à gérer la situation. Car à l'intérieur, les choses continuaient de se dégrader, sauf pour les retraités qui s'étaient écroulés et restaient immobiles sur la pelouse synthétique. Ils étaient les seuls auxquels les robots ne touchaient plus, restant cependant à côté d'eux, visiblement prêts à reprendre leur tâche au moindre mouvement de l'humain.
Rien n'était possible de l'extérieur, il fallait agir dans la cabine, au niveau de la console et du RoboTick.
C'est l'un des retraités, un ancien Tech-Conseil en Conformité Alimentaire qui eut soudain une idée. Il était plus agile et sportif que ses amis, et surtout plus avisé. Néanmoins, harcelé lui-même par un robot tout aussi détraqué que les autres, il avait beaucoup de difficultés à réfléchir et concevoir un stratagème pour mettre fin à tout cela. Il aurait pu choisir de se jeter lui aussi au sol afin d'être tranquille, mais cela ne l'avançait à rien. Son objectif premier fut finalement d'atteindre la cabine, puis d'y entrer. Facile à dire, mais bien moins aisé à mettre en pratique ! Il tenta tout de même sa chance.
Après quelques tours censés lui permettre de repérer son but, il s'élança vers la cabine, poursuivi de quelques mètres à peine par le robot-minigolf et les multiples balles qu'il recevait immanquablement. Les douleurs qu'il ressentait devenaient insoutenables, son corps étant déjà recouvert d'ecchymoses. Malgré tout, il trouva l'énergie et suffisamment de volonté pour se diriger vers la porte de la cabine, pour y parvenir enfin. Deux balles vinrent frapper violemment la porte tandis qu'il se jetait par terre de tout son long en serrant les dents. Comme prévu, le robot s'arrêta aussitôt, à une cinquantaine de centimètres. La même distance le séparait de la porte. Il attendit alors de reprendre son souffle, non sans jeter des regards compatissants vers ses amis et voisins. Certains hurlaient ou appelaient au secours, d'autres pleuraient à chaudes larmes, d'autres encore étaient plongés dans un mutisme de défense qui faisait peur à voir. Quelques longues minutes passèrent durant lesquelles il observa le robot qui attendait debout, immobile, son club de golf pendant le long de sa jambe. Enfin, il se décida et se redressa dans un cri de fureur pour se saisir du club de golf et ensuite se jeter sur la porte en priant pour qu'elle se laisse défoncer du premier coup.
Dans le cas contraire, je vous laisse imaginer...
La porte céda sous la violence du choc et il se trouva projeté contre le RoboTick, qu'il emporta dans son élan. La poussée d'adrénaline qui lui avait permis cet exploit ne le quitta pas, malgré sa chute. Le robot-minigolf quant à lui restait à l'extérieur, comme il l'avait escompté. L'homme se releva vivement puis, sans attendre, frappa de toutes ses forces sur le cou du RoboTick avec le club de golf. Une fois, puis deux, puis trois... Il s'acharnait, ne voulant laisser aucune chance au robot dont la tête perdit tout contact avec le reste de son corps, pour enfin cesser de s'agiter.
Comme les robots sous la bulle continuaient leur chasse, le retraité n'avait plus qu'une chose à faire, détruire aussi la console et les écrans de contrôle. Malgré l'épuisement qui l'assaillait, il puisa dans ses ultimes forces pour sauver ses amis. Des étincelles jaillirent de toutes parts, les écrans cédèrent sous les coups, les commutateurs étaient pulvérisés au milieu d'un braillement de bips stridents.
Et il y eut soudain un grand silence. À l'intérieur comme à l'extérieur.
L'homme ferma les yeux quelques secondes, le souffle court, hagard, puis les rouvrit pour constater les dégâts.
Tous les robots s'étaient immobilisés, le sien y compris. Le dôme de la bulle s'était désintégré, laissant enfin passer les secours et les familles des retraités. Ceux-ci en revanche, restaient encore immobiles, terrorisés. L'ancien sportif jeta un œil réprobateur vers le RoboTick puis il sortit de la cabine en boitant pour se diriger vers ses amis les plus proches. La vue d'ensemble était pitoyable. Peu de mots étaient audibles, hormis des gémissements de douleur, des cris et des sanglots...
Tous les retraités furent immédiatement pris en charge et conduits dans des services de soins adaptés, tandis que tous les robots étaient placés en cellules de confinement pour destruction imminente. La bulle An°bis fut balisée et interdite d'accès, le temps d'une inspection et d'une enquête, tout comme de nombreuses autres dans toutes les cités.
Qui, de la machine ou de l'humain, était responsable de ce qui s'était produit ? Qui, du concepteur des robots ou de la console ? Est-il seulement possible de maîtriser la pensée de l'homme qui crée la machine… ?
Le groupe de retraités ne chercha jamais à savoir. L'essentiel pour eux fut de recouvrer la santé et d'oublier cette atroce journée, ce déjeuner sur l'herbe qui avait pourtant si bien commencé...
Aussi, la location de ce terrain vert et arboré était-elle largement assurée. Surtout qu'il avait été mis sous cloche et choyé par les premiers scientifiques ayant compris la gravité et l'urgence de l'impact des produits chimiques sur notre sol, à cette époque très ancienne. Bien entendu, depuis, les choses avaient quelque peu changé...
Nos joyeux retraités étaient ainsi nommés parce qu'ils avaient simplement atteint le plafond des 70 ans, l'âge où l'on ne sert plus à rien. Statut décrété par des générations précédentes, et l'on y songeait même plus aujourd'hui. Le travail, comme on le connaissait autrefois, avait pris une tout autre forme. À présent, à partir de la trentaine, chacun était nanti d'une certaine quantité de "Jeutons" censée le faire vivre décemment, le temps d'en obtenir davantage par lui-même. Plus de loyers, plus de factures, plus de taxes non plus. Dans chaque cité, le pouvoir en place était composé de dix personnes différentes en tout point, qui avaient été désignées par un ordinateur central. Et elles avaient pour obligation d'être des gestionnaires irréprochables. Puis plus haut dans la hiérarchie de ce nouveau monde, un autre groupe de vingt personnes celui-ci, qui était le garant de la fabrication et de l'organisation de la distribution des Jeutons pour chaque cité. On payait donc tout en Jeutons, et le seul moyen d'en gagner d'autres était le jeu. Là aussi, chaque cité était pourvue d'une sorte de Casino où l'on pouvait donc jouer et gagner, ou perdre. Voilà ce qu'était devenu le terme "gagner sa vie"... ou la perdre, ce qui se produisait couramment.
Revenons à nos retraités, dont vous avez hâte de connaître les aventures je n'en doute pas.
Ah, une dernière chose tout de même, avant de poursuivre ! J'allais oublier de vous parler de nos amis les Robots. Car bien que les humains de cet autre temps n'aient plus grand-chose à faire de leurs journées, ils avaient tout de même pensé à créer des êtres artificiels pour effectuer leurs basses besognes. Ainsi, vivant au milieu des humains pour leur bien-être et leurs plaisirs, ces robots faisaient partie intégrante de cet étrange monde...
Ils étaient quinze hommes et femmes, entre 70 et 75 ans. Quinze amis, couples ou voisins ayant économisé pour louer ce précieux bout de terre à l'occasion de l'anniversaire de deux d'entre eux puis du gros gain ramassé au Casino par un autre. Le prix de la location du terrain pour la demi-journée étant assez conséquent, à l'image de la grande rareté du bien. Ces quinze-là avaient donc décidé de s'offrir du bon temps en organisant un grand pique-nique. Sous la bulle, la température idéale qu'ils avaient demandée lors de la réservation était affichée à 25 degrés. Quant au rayonnement lumineux, on aurait dit qu'un soleil radieux allait embellir cette journée.
En-dehors du dôme de la bulle en revanche, un vent toxique soufflait implacablement, brûlant sans discontinuer tout ce qui restait de vie sur cette pauvre Terre...
L'herbe hardiment piétinée sous la bulle était fausse hélas, mais tous l'ignoraient. Cette génération comme tant d'autres auparavant n'avait à vrai dire jamais vu ni touché de la verdure authentique. On leur disait que c'était de l'herbe, ils y croyaient. On voyait pourtant les robots-jardiniers s'y affairer chaque soir juste avant la fermeture des portes, mais c'était un leurre. Les robots réparaient seulement trous ou écorchures dans la pelouse synthétique, puis revenaient dans leurs placards pour la nuit. Dans la journée, leur présence était requise pour servir les "campagnards" du jour et animer les diverses attractions dispersées sous la bulle.
Voici que nos retraités s'installent, les uns étalant de beaux tissus en guise de nappes, les autres commandant les divers menus et activités pour le déjeuner. Je ne vous détaille même pas les menus, votre imagination que je suppose débordante si vous vous trouvez devant ces lignes, fera le reste (soupir). Quant aux activités, c'est une autre affaire, et quelle affaire !
On n'entendait que rires et blagues en tous genres sous cette magnifique bulle dénommée "An°bis". On pouvait voir nos retraités batifoler sur le pré resplendissant, les uns s'y frottant comme le faisaient autrefois les chiens, les autres le humant et affirmant y trouver un délicat parfum d'antan, les choses étaient si bien faites... D'autres encore s'étaient simplement assis pour bavarder ou admirer les (faux) arbres -vous n'aviez tout de même pas cru que ceux-ci avaient résisté au massacre ?- au chatoyant feuillage automnal. Bref, tous attendaient les menus et commençaient de profiter des activités avec une joie presque enfantine. Ne disait-on pas il y a fort longtemps, qu'à partir d'un certain âge, on retombait en enfance ?
C'était largement démontré ici, sous cette bulle où l'ambiance était à la fête. Dans une partie de la bulle où trônait un vaste espace destiné aux adultes, toboggans, balançoires, bacs à sable, tourniquets, minigolf, jeux de croquet, murs d'escalade et tant d'autres jeux encore se devaient de leur faire passer un moment inoubliable. Tout devait être parfait, grâce aussi à la vigilance et aux bons soins de leurs amis les robots.
Et aujourd'hui, nos retraités "qui ne servaient plus à rien" avaient décidé de ne rien se refuser. À payer, autant que ce soit pour tout essayer, s'étaient-ils répétés en chœur avant d'entrer sous la bulle An°bis.
Ainsi donc, les voici détendus et heureux comme jamais au milieu de ce décor bucolique, un tableau idyllique en vérité.
Les robots toujours affairés, passaient et repassaient entre eux sans se faire remarquer, tel du mobilier évoluant là naturellement. L'un d'eux vérifiait les fixations des balançoires tout en poussant doucement un humain, un autre arasait les bacs de sable tout en cherchant les grains trop foncés en dénaturant la blancheur. Un autre encore approchait lentement des retraités, en portant sur ses trois plateaux de boissons et bouteilles aussi colorées que nos bonbons d'une époque révolue, tandis que l'unique RoboTick (Robot Technicien de grade supérieur) de cette bulle était planté devant sa console, prêt à diriger toute cette ruche. Seulement aujourd'hui, ses senseurs de sécurité bipaient étrangement tandis que le dôme de la bulle frisait légèrement par endroits, phénomène inhabituel qui n'était perçu par quiconque. Les humains qui y évoluaient se devaient pourtant d'être en parfaite sécurité.
Toujours est-il que ce jour-là ne fut pas comme les autres. En un mot comme en cent, nos charmants retraités auraient mieux fait de rester chez eux...
***
La main aux doigts articulés du RoboTick tremblait imperceptiblement. Sa dizaine de capteurs optiques fonctionnait par à-coups, brouillant de plus en plus son champ visuel. Aussi, lorsqu'en lui se déclencha la séquence de sécurité, il dirigea son bras vers le bouton d'alarme, mais c'est sur son voisin qu'il enfonça. Aussitôt, à l'extérieur, le robot porteur des trois plateaux exécuta un demi-tour sec, mais parfait, qui envoya toutes les boissons valser et atterrir sur les retraités les plus proches de lui. Ceux-ci pestèrent contre lui tout en se désespérant devant l'état pitoyable de leurs vêtements mais, imperturbable, il continua son chemin droit comme un i, tandis que RoboTick tentait de corriger sa manœuvre. Peine perdue ! Il fut alors pris d'une série de décharges électriques qui modifièrent son geste et guidèrent malencontreusement son bras articulé vers la commande du robot-balançoire. Ce dernier sauta soudain sur l'un des sièges pour s'élancer aussi vigoureusement que l'aurait fait un enfant, avec l'envie irrésistible d'aller le plus haut possible. Nos retraités, toujours occupés au nettoyage sommaire de leurs tenues estivales, n'avaient pas remarqué la scène incongrue qui se déroulait à quelques mètres d'eux. Car c'était au tour du robot-bac-à-sable de se perdre totalement. Au lieu d'accomplir la tâche à laquelle il était assigné, le voici qui, ayant attrapé une pelle posée non loin de lui, s'amusait à jeter follement du sable autour de lui en sautillant autour du bac, incontrôlable.
Lorsque l'un des retraités aperçut ce qu'il se passait, il se rapprocha sans se méfier. Il reçut alors en plein visage une volée de sable qui cingla sa peau et pénétra dans ses yeux. Portant ses mains au visage, il ne put voir la scène qui se déroulait plus loin encore. Sous les arbres où se trouvaient les toboggans, le robot était lui aussi fort dissipé et poussait violemment la pauvre retraitée qui entamait à peine sa descente. Elle la termina avec une roulade digne de ce nom, qui réveilla hélas un vieux lumbago et quelques douloureuses articulations. Mais ce n'était pas fini ! À peine s'était-elle relevée qu'il la saisissait par le bras pour la ramener sur le toboggan, d'où il la poussait à nouveau en répétant cette action en boucle. Le RoboTick ne s'en sortait plus. Ses tressautements augmentaient et gagnaient tout son être malgré lui. Ainsi, les manœuvres qu'il tentait pour désamorcer les cascades de bêtises de ses congénères n'aboutissaient pas, mais au contraire aggravaient les situations.
Pour vous, chers Lecteurs, et pour celles et ceux qui évoluaient dans les bulles adjacentes, ces scènes soulevaient des fous rires difficilement contrôlables, si ce n'était le danger qu'elles démontraient...
Des techniciens humains avaient bien tenté de pénétrer dans la bulle pour se porter au secours de ces malheureux, mais les portes en étaient visiblement condamnées. Impossible d'entrer. Le spectacle était lancé, personne ne savait comment l'arrêter...
Sous la bulle, c'était du côté du tourniquet et du mur d'escalade que les choses prenaient une drôle de tournure.
En effet, les deux robots désignés pour animer ces jeux semblaient communiquer entre eux par des gestes, chose invraisemblable ! Derrière la console, le RoboTick perdait complètement le contrôle de lui-même et des commandes. Il continuait d'appuyer frénétiquement sur les mauvais commutateurs, provoquant chez ses frères des actes inopportuns, à la limite de la dangerosité. Mais il persistait, car il était à son poste, et il ne devait en aucun cas le quitter avant le temps imparti par l'ordinateur central. Qu'allait-il donc advenir de nos infortunés retraités…?
Les deux pauvres bougres qui s'amusaient sur le tourniquet s'étaient vus pris en otage par le robot en charge de cette attraction, qui les faisait tournoyer sans cesse, ne leur laissant aucun répit et moyen de stopper cette course folle. Les deux pauvres retraités s'accrochaient désespérément aux poignées du tourniquet pour ne pas être éjectés comme deux poupées de chiffon. Il y avait peut-être une solution à tout cela, mais personne n'avait seulement le temps d'y réfléchir, toutes les actions se déclenchant les unes derrière les autres. Sur le mur d'escalade, les trois humains qui avaient entamé leur ascension au prix de gros efforts, s'étaient quant à eux sentis tout à coup comme propulsés brutalement vers le sommet, puis aussitôt relâchés dans une descente vertigineuse. Malgré leurs cris apeurés ou de rageuses invectives, le manège continuait à l'infini. Et l'on pouvait voir ces pantins descendre et monter comme s'ils n'étaient que de menus objets soumis à la volonté des robots postés en contrebas, qui tiraient puis relâchaient les cordes sans jamais se fatiguer.
Le RoboTick pouvait tout voir de l'intérieur de la cabine. Horrifié, il ne pouvait l'être, les humains n'avaient pas répertorié cette émotion chez lui. Empathique, encore moins. Il tentait seulement et en vain de récupérer la docilité de ses frères, selon son protocole de sécurité. Tout à coup, une silhouette passa rapidement devant sa cabine, puis une autre. Le robot bac-à-sable poursuivait inlassablement l'homme qu'il avait recouvert de sable, tandis que ce dernier tentait toujours de retrouver un semblant de vision pour trouver un endroit où se cacher.
Plus à l'écart de ces horribles scènes, le coin le plus éloigné de la bulle abritait l'emplacement du jeu de croquet. Le couple qui avait débuté une partie n'avait pas échappé à la folie qui s'était emparée des senseurs de RoboTick. Ainsi, il se voyait lui aussi pourchassé par le robot-croquet qui avait saisi deux maillets pour frapper toutes les boules du jeu dans leur direction, comme s'il les prenait pour des arceaux. Et il faut avouer que le robot était doué, car il touchait sa cible à chaque tir, infligeant des douleurs atroces et finalement de saisissantes plaies dans les jambes des deux humains. Ceux-ci couraient comme il le pouvait, mais le robot était inépuisable et surtout plus rapide qu'eux. Nous n'évoquerons pas en détails le minigolf où, là aussi, deux malheureux amis étaient en proie au dysfonctionnement de la bulle...
Les diverses scènes pouvant paraître drôles au départ, prenaient peu à peu des proportions graves. Certains des retraités arboraient de sévères blessures, tandis que d'autres, fatigués et traumatisés par ce qui leur arrivait, s'étaient laissé tomber au sol dans l'espoir que les robots se lassent de s'acharner sur eux.
Les bras du RoboTick remuaient en tous sens, le contrôle était inopérant sur la console. Le dôme de la bulle lui-même grésillait de plus en plus, donnant des airs de feu d'artifice à ce qui se produisait à l'intérieur. Au-dehors, les humains de passage s'étaient tous agglutinés au plus près, spectateurs impuissants d'un pitoyable spectacle. C'était du jamais-vu. En deux mots : un désastre. Les secours ne parvenaient toujours pas à entrer, des membres des familles de certains retraités avaient été appelés et maudissaient, tout en pleurant, l'incapacité des gestionnaires à gérer la situation. Car à l'intérieur, les choses continuaient de se dégrader, sauf pour les retraités qui s'étaient écroulés et restaient immobiles sur la pelouse synthétique. Ils étaient les seuls auxquels les robots ne touchaient plus, restant cependant à côté d'eux, visiblement prêts à reprendre leur tâche au moindre mouvement de l'humain.
Rien n'était possible de l'extérieur, il fallait agir dans la cabine, au niveau de la console et du RoboTick.
C'est l'un des retraités, un ancien Tech-Conseil en Conformité Alimentaire qui eut soudain une idée. Il était plus agile et sportif que ses amis, et surtout plus avisé. Néanmoins, harcelé lui-même par un robot tout aussi détraqué que les autres, il avait beaucoup de difficultés à réfléchir et concevoir un stratagème pour mettre fin à tout cela. Il aurait pu choisir de se jeter lui aussi au sol afin d'être tranquille, mais cela ne l'avançait à rien. Son objectif premier fut finalement d'atteindre la cabine, puis d'y entrer. Facile à dire, mais bien moins aisé à mettre en pratique ! Il tenta tout de même sa chance.
Après quelques tours censés lui permettre de repérer son but, il s'élança vers la cabine, poursuivi de quelques mètres à peine par le robot-minigolf et les multiples balles qu'il recevait immanquablement. Les douleurs qu'il ressentait devenaient insoutenables, son corps étant déjà recouvert d'ecchymoses. Malgré tout, il trouva l'énergie et suffisamment de volonté pour se diriger vers la porte de la cabine, pour y parvenir enfin. Deux balles vinrent frapper violemment la porte tandis qu'il se jetait par terre de tout son long en serrant les dents. Comme prévu, le robot s'arrêta aussitôt, à une cinquantaine de centimètres. La même distance le séparait de la porte. Il attendit alors de reprendre son souffle, non sans jeter des regards compatissants vers ses amis et voisins. Certains hurlaient ou appelaient au secours, d'autres pleuraient à chaudes larmes, d'autres encore étaient plongés dans un mutisme de défense qui faisait peur à voir. Quelques longues minutes passèrent durant lesquelles il observa le robot qui attendait debout, immobile, son club de golf pendant le long de sa jambe. Enfin, il se décida et se redressa dans un cri de fureur pour se saisir du club de golf et ensuite se jeter sur la porte en priant pour qu'elle se laisse défoncer du premier coup.
Dans le cas contraire, je vous laisse imaginer...
La porte céda sous la violence du choc et il se trouva projeté contre le RoboTick, qu'il emporta dans son élan. La poussée d'adrénaline qui lui avait permis cet exploit ne le quitta pas, malgré sa chute. Le robot-minigolf quant à lui restait à l'extérieur, comme il l'avait escompté. L'homme se releva vivement puis, sans attendre, frappa de toutes ses forces sur le cou du RoboTick avec le club de golf. Une fois, puis deux, puis trois... Il s'acharnait, ne voulant laisser aucune chance au robot dont la tête perdit tout contact avec le reste de son corps, pour enfin cesser de s'agiter.
Comme les robots sous la bulle continuaient leur chasse, le retraité n'avait plus qu'une chose à faire, détruire aussi la console et les écrans de contrôle. Malgré l'épuisement qui l'assaillait, il puisa dans ses ultimes forces pour sauver ses amis. Des étincelles jaillirent de toutes parts, les écrans cédèrent sous les coups, les commutateurs étaient pulvérisés au milieu d'un braillement de bips stridents.
Et il y eut soudain un grand silence. À l'intérieur comme à l'extérieur.
L'homme ferma les yeux quelques secondes, le souffle court, hagard, puis les rouvrit pour constater les dégâts.
Tous les robots s'étaient immobilisés, le sien y compris. Le dôme de la bulle s'était désintégré, laissant enfin passer les secours et les familles des retraités. Ceux-ci en revanche, restaient encore immobiles, terrorisés. L'ancien sportif jeta un œil réprobateur vers le RoboTick puis il sortit de la cabine en boitant pour se diriger vers ses amis les plus proches. La vue d'ensemble était pitoyable. Peu de mots étaient audibles, hormis des gémissements de douleur, des cris et des sanglots...
Tous les retraités furent immédiatement pris en charge et conduits dans des services de soins adaptés, tandis que tous les robots étaient placés en cellules de confinement pour destruction imminente. La bulle An°bis fut balisée et interdite d'accès, le temps d'une inspection et d'une enquête, tout comme de nombreuses autres dans toutes les cités.
Qui, de la machine ou de l'humain, était responsable de ce qui s'était produit ? Qui, du concepteur des robots ou de la console ? Est-il seulement possible de maîtriser la pensée de l'homme qui crée la machine… ?
Le groupe de retraités ne chercha jamais à savoir. L'essentiel pour eux fut de recouvrer la santé et d'oublier cette atroce journée, ce déjeuner sur l'herbe qui avait pourtant si bien commencé...
***
Ecran console bulle BN°bis (voisine de la bulle An°bis) :
Copyright @ Juillet 2024-SiebellaChTh-