Doctor Who : Livres




Doctor Who | 2010-2011

Par | 09/02/2012 | Lu 1285 fois




Doctor Who vol. 1 - Apollo 23 (Apollo 23, Justin Richards, 2010)

Un astronaute en combinaison spatiale apparaît au milieu d'un centre commercial bondé. Une jeune femme en imperméable rouge est retrouvée gisant morte au bord d'un cratère, sur la face cachée de la lune. Le Docteur et Amy font le lien entre ces deux événements. Depuis la lune, des aliens fomentent un complot pour enlever tous les terriens. Amy et le TARDIS s'y trouvent déjà mais le Docteur est bloqué sur Terre Néanmoins, il découvre un grand secret qui pourrait sauver l'humanité : Apollo 23.

Fiche de lecture

« Houston, on a un problème » : jamais cette phrase prononcée au passé par un astronaute d'Apollo 13 au sujet du module lunaire n'a retenti comme aujourd'hui. Mais si le problème ne datait pas d’hier? Et s'il venait à se reproduire? S'il n’était pas celui que l’on pense ? Enfin pourquoi ce titre, Apollo 23?

Cela commence comme un roman policier : un employé de bureau consciencieux, écourtant sa pause déjeuner dans le square, trouve la mort dans d’étranges circonstances. Au même moment, non loin de là, un astronaute débarque devant la file d’attente d’un fast-food. Crise cardiaque pour l’un, coup publicitaire pour l’autre, les explications respectives des témoins, médecin légiste et badauds, ne satisfont pas le Docteur qui comprend très vite que les deux événements sont liés. « Une petite promenade dans le parc qui se transforme en grand pas pour l’humanité » : tel est le postulat de notre Seigneur du Temps qui, séparé d’Amy, va tenter de réparer l’incident tandis que celle-ci, livrée à elle-même et peut-être à l’ennemi, va mener sa propre enquête.

A un rythme soutenu et changeant, d’un paragraphe, d’un lieu, d’un personnage à l’autre, les investigations des deux compagnons vont nous entraîner dans un climat de suspicion, où les plus fous et les plus sérieux ne sont jamais ceux que l’on croit mais où l’humour triomphe toujours, donnant lieu à quelques morceaux d’anthologie comme cette conversation en décalé entre Amy et le Docteur, ou cette autre entre ce dernier et un officier («-Vous êtes soit très brillant soit complètement cinglé, dit le major Carlisle. -En fait je suis les deux. Mais plutôt tendance brillant. Vous n’avez pas envie de me voir quand je suis cinglé»). D’ailleurs, outre la cadence de la série, Justin Richards recrée à merveille et à foison les expressions de nos deux héros, maniant les humeurs impondérées d’Amy Pond et l’improbable humour du Docteur sans pesanteur aucune, tout en jouant sur la complicité de ces personnages so british qui feront dire à leur interlocuteur «sauf votre respect, vous deux, vous n’avez pas l’air très américains » et, bien que séparés, ne cesseront d’interagir.

De fait si l’histoire, d’abord surprenante, s’avère réunir des idées déjà développées dans des aventures antérieures du Docteur, l’ensemble reste ingénieux autant que cohérent et se distingue surtout par son atmosphère propre autant que propice, entre huis clos et complot à grande échelle, ce qui en l’occurrence importe peut-être davantage. En effet, si la lune a toujours éveillé l’imagination et suscité de nombreuses créations dans le domaine de la science-fiction et de l’anticipation, de Jules Vernes à Hergé ou de Méliès à Kubrick, il faut savoir que plus près de nous pas moins de trois films sont sortis ou à venir, qui mettent plus particulièrement en lumière sa face cachée : Transformer 3, Iron Sky et …Apollo 18 ! Or, sans robot ni nazis, tambour ni trompette, gants ni fioriture - mais avec le Docteur - l'auteur revient ici et avant eux sur l’exploration lunaire et ses mythes, signant avec son Apollo 23 un bon roman de genre pouvant tout à fait se lire indépendamment de la série, même si son ambition est avant tout de combler l’absence de celle-ci sur nos écrans.

A cet égard il faut avouer que Justin Richards se tire avec légèreté de cet exercice et que, d'abord tenté de lui reprocher de marcher sur des œufs au niveau de l'intrigue, ou de viser la lune en croyant pouvoir attenter à l’intégrité d'éléments clés de la série, l'on est bien forcé de reconnaître le respect et la connaissance approfondie et détaillée qu'il a de celle-ci. Et si l’on peut dire de lui, à l’instar du Docteur, qu’il avance dans cet univers comme s’il était chez lui, c’est qu’il poursuit en vérité ce travail comme auteur puis consultant depuis près de quinze ans et autant de livres, comme en témoignent ces clins d’oeil répétés à de lointains épisodes de la série dite classique, c'est-à-dire antérieurs à 1989, date à laquelle remontent les dernières et seules traductions française de romans dérivés, jusqu’à ce jour, et dont je vous reparlerai peut-être une autre fois.

Doctor Who vol. 2 - La Nuit des Humains (Night of the Humans, David Llewellyn, 2010)

Voici le Gyre, l'endroit le plus hostile de la galaxie. En 250 000 ans, cette accumulation de débris spatiaux a abrité les naufragés sittuns, les carnivores sollogs et la pire espèce de toutes : les humains. Le Docteur et Amy arrivent sur ce monde terrifiant pour lequel Sittuns et humains se disputent la suprématie... alors qu'une comète est sur le point de s'y écraser. Lorsque le Docteur est enlevé, c’est à Amy et à un certain Dirk Slipstream que revient la charge de le sauver. Mais qui est vraiment Slipstream ? Et que fait-il réellement ici ?

Fiche de lecture

« Le temps est compté, les humains arrivent… », voici une affirmation pour le moins surprenante quand on sait la foi du Docteur en ceux-ci, l'acharnement qu'il met habituellement à les défendre contre toutes les formes de vie hostile qui jalonnent l’univers, tout en n'ayant de cesse de les mettre en garde contre eux-mêmes.

Mais, dans ce recoin perdu de la galaxie que constitue le Gyre, sorte de décharge à ciel ouvert, que reste-il de l'humanité ? Qui parle, et de quels humains parle-t-on ? Des habitants, des visiteurs, d’Amy, de Slipstream, voire même du Docteur ? En quoi constituent-ils un danger, et pour qui ? Et si une menace bien plus grand se présentait, qu’adviendrait-il ?

Après Apollo 23, ce second volume de la série publié en français par Milady, nous entraîne de nouveau sur une lune froide et sombre, corps artificiel et plat qui n’a cette fois de céleste que le nom, et un pouvoir d’attraction que seule égale sa mauvaise réputation. Au coeur de ses paysages désolés, dont les descriptions répétées, bien qu’un peu redondantes, ajoutent à l’atmosphère oppressante, s'est recomposée une société composite, recyclée, livrée à l’obscurité et en proie à l’obscurantisme entretenu ses maîtres, où la nuit des humains est aussi celle de l'esprit. Face à eux les Sittuuns, venus pour en finir avec le Gyre et les avertir. Au dessus, une comète, prête à tous les anéantir. Et, au milieu, le Docteur et Amy, débarquant du Tardis pour répondre à un signal de détresse transtemporel.

Le récit, prenant, servi par une écriture simple mais précise qui ne se perd pas en circonvolutions, apparaît d'abord très linéaire et peu surprenant, surtout si l'on est un habitué de la série. Pourtant, progressivement, la narration évolue à la manière d’un travelling arrière, nous amenant à prendre du recul, comme pour mieux embrasser la trame dans son ensemble, et redonner aux personnages l’amplitude nécessaire pour échapper à cette pesanteur et quitter ces lieux sordides. Ce qui, somme toute, rend le dénouement incertain et nous réserve bien des surprises.

Et si les expressions et manies de nos héros, sont moins présentes par exemple que dans Apollo 23, leurs réactions moins fulgurantes, le rythme de leurs péripéties moins haletant, c’est que ce volume correspond à un autre type d’aventure auquel nous a habitué la série originelle, où la trame de fond et la réflexion l’emportent sur les particularités des personnages, et s'inscrit dans une réflexion plus globale. Questionnement sur l’évolution, l’histoire et la religion, la destinée humaine, son histoire et ses mythes, mais aussi sa nature, l’aveuglement et la cruauté auxquels peuvent le mener la peur et l’ignorance.

Avec une fidélité irréprochable, David Llewellyn signe ici un volume très emblématique de la série des Docteur Who qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler évidemment le premier arc de la série classique de 1963 qui se situe à la préhistoire, ou encore ceux plus récents, pertinents et désespérés, qui évoquent les derniers humains. Mais aussi cette parabole du dernier homme, dans le Zarathoustra de Nietzsche, qui, complice et incapable de supporter la lumière, refuse toute interrogation en clignant de l'oeil et qui, incapable de grandeur, amenuise tout, à commencer par la Terre.

Doctor Who vol. 3 - L'Armée oubliée (The Forgotten Army, Brian Minchin, 2010)

Le Docteur et Amy font face à un nouvel ennemi : les Vykoïdes. Armés jusqu'aux dents, ces terribles guerriers sont bien décidés à asservir l'humanité. Et lorsque Manhattan se retrouve isolé du resté du monde par un champ de force, Amy a vingt-quatre heures pour trouver le Docteur, sauver la ville, et peut-être le monde.

Fiche de lecture

« Après dix mille ans l’invasion commence…» du moins à ce qu’il paraît. En attendant tous les yeux sont rivés sur cette créature de quatre mètres de haut chargeant et barrissant.

Mais une menace bien plus grande - ou petite, c'est selon - et bien plus sérieuse qu'on ne pourrait l'imaginer au premier abord guette en réalité les habitants de Manhattan : les Vykoïdes.

Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Pourquoi ont-ils attendu si longtemps avant de passer à l'attaque ? Comment combattre un ennemi que l'on ne voit pas ? Et comment y parvenir quand celui-ci, pour rattraper le temps perdu, peut modifier celui de ses opposants ?

Quand il se figurait libérer le dernier mammouth laineux des glaces dont il était prisonnier depuis plus de 10 000 ans, Sam Horwitz n'entendait pas lui permettre de faire ses besoins devant les visiteurs du Muséum d’Histoire Naturelle de New York avant de le lâcher sur eux. C’est pourtant ce qui se produit le jour même où il inaugure l'exposition qui devait marquer la consécration de sa carrière de chercheur. Heureusement, Amy Pond et le Docteur arrivent à point nommé pour sauver Sam, et le mammouth par la même occasion. Evidemment ce n'est pas si simple, surtout quand les autorités, croyant bien faire, jouent le jeu de leurs adversaires.

Après Apollo 23 et La Nuit des humains, L’armée oubliée est le troisième roman officiel traduit et publié en français par Milady. Ecrit par Brian Minchin il offre à l'inverse des précédents, une interprétation beaucoup plus libre des éléments de la série. En effet, si l’auteur semble d’abord reprendre, d’ailleurs de façon un peu abrupte, le caractère particulier d’Amy (« habituée à ce qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil ») et les phrases emblématiques du Docteur (« New New New New New New New York » ou « Les nœuds papillon, c’est cool »), ce n’est en vérité que pour mieux prendre leur contre-pied. Nouvelles attitudes, nouvelle façon de parler, nouveaux rapports entre nos héros et, pour tout dire, nouveau registre, rendent cette histoire plus surprenante que ne le laisserait entendre la quatrième de couverture, et peuvent laisser le lecteur perplexe, qu'il soit ou non plus ou moins familier de la série.

Si le récit est jalonné de références très contemporaines (de Facebook aux Experts) attribuées à l’héroïne, d’autres, qui remontent aux années 80 (avec Starsky et Hutch ou L'Agence tous risques, dont la nouvelle version n'était pas sortie au moment où le livre fut écrit), nous laissent à penser qu’elles doivent être dans leur ensemble mises davantage sur le compte de l’auteur que sur celui de ses personnages. Brian Minchin impose ainsi sa marque et son style à un roman d'action où l’humour prime, même s’il n’est pas toujours du meilleur goût, portant le plus souvent sur l’aspect physique par des remarques tendancieuses à l’égard d’Amy, scatologique envers le mammouth, ou encore irrévérencieuse au regard des envahisseurs et même du Docteur ( « C’est aussi un vrai bouffon » ) !

Il fait également la part belle à de nouveaux protagonistes sans pour autant développer ceux-ci, ainsi de Trinity Wells, que le Docteur prétend connaître sans jamais avoir rencontré et dont il dit, à l’instar de lui-même, qu’elle apparaît lorsque le monde est en danger. Séparés à nouveau, peut-être pour la bonne cause, Amy, personnage de conte défait, rustre (« je n’ai jamais obéi aux ordres d’un mec avant ! », « mon style d’homme c’est plutôt Brad Pitt ») multiplie les initiatives et rôles au point de se sentir « prête à travailler en solo », suppléant à un Docteur prisonnier, dénigré, en mal d’affection (« Oui, je t’ai sauvé. Franchement, Amy, être courageux, ce n’est pas suffisant pour toi ? Je pensais que tu me couvrirais de baisers. Amy ricana -Pas de danger ! ») et qui parvient sans s’étonner aucunement à utiliser pour la première fois son tournevis sonique sur du bois.

Fort heureusement l’histoire nous rappellera que l’on n’a pas toujours besoin d’un plus petit que soi, que l’expérience et la technologie ne font pas tout et, par-dessus tout, qu'ils ne suffisent pas à faire de sa compagne un autre Docteur, ni des envahissants des envahisseurs vraiment convaincants. Improbable, utilisant personnages et objets à contre-emploi, moins réjouissant et moins pointu que le premier, mais plus léger et distrayant que le second, ce nouveau et drôle de roman qui pour cette raison n’en demeure pas moins intéressant, nous donne surtout envie de découvrir le suivant.

Doctor Who vol. 4 - L'Horloge nucléaire (Nuclear Time, Oli Smith, 2010)

Colorado, 1981. Perdu dans le désert, Appletown est un petit village où il fait bon vivre. Mais l'entrée en scène de deux étrangers va tout chambouler. Le premier est un savant fou, dont les mises en garde sont abrégées par sa mort soudaine. Le second est le Docteur. La mort tombe du ciel et le TARDIS s'en trouve endommagé. Pris au piège, le Docteur se rend compte que le temps s'écoule pour lui à l'envers, tandis qu'Amy et Rory sont menacés dans un futur qui s'éloigne de plus en plus au fil des secondes. Le Seigneur du Temps doit percer les secrets d'Appletown avant qu'il soit trop tard...

Fiche de lecture

« L’impossible s’est déjà produit » c’est entendu, mais serait-ce dans le passé ou bien dans le futur ? Si la question paraît saugrenue, elle se pose très sérieusement au Docteur pour qui les choses ne vont pas toujours dans le bon sens et qui se demande si, à force de se jouer du temps, celui-ci n'en viendrait pas à se jouer de lui.

Voyageant à rebours, percevant les conséquences avant leurs causes, notre Seigneur du Temps va tenter de sauver le monde et ses compagnons qui, livrés à eux-mêmes dans une ville dont les habitants paraissent trop polis pour être honnêtes, vont révéler, et réveiller, l'existence de robots tueurs qui s’ignoraient jusqu’alors.

Après les trois premiers volumes de la série (« Apollo 23 » puis « La nuit des humains » et enfin « L’armée oubliée ») il n’aura pas fallu attendre longtemps ce quatrième tome des aventures du Docteur publiées en français par Milady - que je remercie vivement pour ce partenariat qui se poursuit - et retrouver avec un plaisir non dissimulé le Docteur accompagné non seulement d’Amy mais enfin du compagnon de celle-ci, Rory.

Avec ce regard juste et critique que permettent la distance et la connaissance des faits, Oli Smith signe un récit dont le déroulement et les détours, en aval, en amont et à rebours, nécessitent un double effort - de construction de la part de l’auteur, et d’attention pour le lecteur – mais offre par cet effet une dimension supplémentaire, alternative, à cette histoire sur fond de guerre froide et d’essais nucléaires. Un roman donc où rien n’est laissé au hasard, où même ce qui paraît d’abord purement formel, comme les dates et heures en tête de chapitre, est là pour servir de repère.

Une ambiance bien sentie, un scénario complexe, des réflexions de fond et de l'action, bref un univers complet et cohérent qui conjugue tout à la fois l’atmosphère de l’époque et celle de la série, avec notamment cette injonction (« Ne courez pas. Ne courez jamais ») qui prend à contre-pied celle du Docteur (« Courez ! ») mais renvoie également à celles de l'épisode Blink, un classique, de même que le principe des conversations rétroactives ou encore des boucles temporelles, sur lesquelles portait d'ailleurs le premier livre dérivé qu'il m'ait été donné de lire et dont la parution remonte à 1989.

Et si, une fois n’est pas coutume, les personnages du Docteur et d’Amy sont, comme dans les précédents volumes, de nouveau séparés, il faut toutefois reconnaître à Oli Smith le mérite supplémentaire de les relier à leurs microsomes respectifs au lieu d'insister sur leur relation exclusive. Cela lui permet de développer d'autres personnages, Geoff, Albert et Isley, emblématiques de l’époque et de leurs fonctions, complices et antagonistes à la fois, suffisamment aboutis pour envisager de les retrouver dans d'autres aventures, voire dans un spin-off de la série.

Ajoutons à cela de solides références aux univers des productions de genre de l’époque, du fantastique à la SF en passant par le manga, de Blade Runner à Terminator en passant par Retour vers le futur, Cobra ou Albator et nous obtenons un excellent volume dont le choix, tout à la charge et à l’honneur de Milady parmi le large éventail des parutions originales de la BBC, semble guidé tant par la diversité que par la qualité.

Doctor Who vol. 5 - La Chasse au Mirage (The Glamour Chase, Gary Russell, 2010)

En 1936, des fouilles mettent au jour les reliques d’une autre époque, d’une autre planète. Mais pourquoi Rory n’a-t-il jamais entendu parler de cette découverte ? Et si le réel n’était que pure fabrication ? Quant à Amy, elle est persuadée que le Docteur est originaire de Mars et ce dernier perd tous ses repères. Car comment vaincre un ennemi capable d’altérer le réel à volonté ?

Fiche de lecture

« Voir n’est pas croire » : plus sceptique que Saint Thomas et cependant capable de plus d’abnégation, le Docteur revient pour une aventure dépassant l’imagination. Quel est ce Mirage dont il est question ? Comment distinguer le vrai du faux, le réel de l’imaginaire, qui a tord de qui a raison quand le temps, la mémoire, la dissimulation sont de la partie ? Comment savoir qui est qui dans cette affaire, des amis, des ennemis, de Rory, du Docteur et d’Amy ?

Car c’est bien d’une affaire qu’il s’agit, qui commence comme un conte, se poursuit comme une série de science fiction, se déroule finalement comme une enquête.

Passées quelques péripéties, celle-ci ne commence en vérité qu’à la page cinquante avec un Docteur en Holmes et un Rory en Watson qui s’entendent comme larron en foire, formant une alliance épatante, hilarante et, pour tout dire, brillante pour le plus grand plaisir d’un lecteur étonné mais vite conquis par ce duo irrésistible, et qui nous donnera entre autres choses l’occasion d’en savoir plus sur la vocation de l’infirmier ici confronté à un cas de choc post-traumatique.

En partance pour Rio, échoués en 1936 dans le Norfolk pour avoir suivi une balise de détresse, le destin de nos héros va croiser celui d’extra-terrestres dont l’existence risque d’être révélée l’archéologie à leurs ennemis, ainsi que celui d’un homme mystérieux aux cheveux blanchis et à l’odorat surdéveloppé par la terreur inspirée par ceux-ci. Quant à Amy, non seulement elle est plus en retrait que dans les précédents romans ou que dans la série dans lesquels elle tend à avoir la primeur sur le Docteur lui-même, mais on sent ici l’influence de celui-ci sur ses expressions à elle, et l’influence de celle-ci sur les expressions de Rory, ce qui somme toute explique aussi la complicité de ces deux-là.

La chasse au Mirage, cinquième opus de la série des romans traduits en français et publiés par Milady que je remercie une nouvelle fois pour ce partenariat, est ainsi un roman fidèle, plaisant, sûr et original. L’auteur, Gary Russell, présenté ici comme étant « surtout connu pour son implication dans l’univers de Docteur Who », d’abord comme « rédacteur en chef du Docteur Who Magazine » puis comme auteur de « nombreux romans spin-off » et d’une « encyclopédie traitant des nouvelles saison de la série » fait montre d’un engagement certain, ancien et constant qui lui permet d’embrasser du regard l’ensemble de celle-ci, ainsi que son évolution, et de nous présenter aussi bien un Docteur en redingote que sa version récente, plus crainte que la Proclamation de l’Ombre elle-même.

L’on retrouve aussi de nombreux éléments qui le relient aux précédents, et notamment à La nuit des humains que nous avons eu l’occasion de découvrir ensemble précédemment. Une nouvelle fois deux peuples vont s’affronter : les membres de la Sparterie, chez qui les numéros et la hiérarchie n’ont d’égal que l’humour et le franc-parler, et les Tahnns, violents et guerriers. Et si, une fois encore, l’on ne peut que s’interroger sur la référence systématique à de séries plus contemporaines et plus que moyennes (ici à « Sydney Fox l’aventurière »), d’autres clins d’œil, à Star Trek ou Star Wars, à Conan Doyle ou à La nuit des Temps de Barjavel, ainsi que la façon dont est menée la narration, renvoient aux classiques de l’écran comme de la littérature.

De l’humour, de l’amour, de la compassion, des moutons, des extra-terrestres à têtes de pruneaux, d’autres faits de laine qui peuvent être « homme, femme, ou autre », et puis « Des choses. Des choses à propos de choses. Le genre de choses qui apprend des choses » et, plus que jamais, une intrigue à plusieurs niveaux parfaitement construite et particulièrement exaltante : voilà ce que vous trouverez dans ce cinquième volume qui s’impose peut-être comme le meilleur à mon humble avis, depuis le début de la série.

Doctor Who vol. 6 - Le Dragon du Roi (The King's Dragon, Una McCormack, 2010)

La cité de Geath est placée sous le signe de l'abondance et du bonheur. De moins en apparence. En creusant un peu, le Docteur, Amy et Rory découvrent une ville rongée par les secrets. D'étranges créatures se dissimulent dans les bas-fonds, et l'immense dragon caché au coeur du royaume suite le Charmant, un métal précieux qui ressemble à s'y méprendre à l'or, à ceci près qu'il a le pouvoir de manipuler les émotions. Ce trésor attire toute les convoitises. Le roi l'abandonnera-t-il face à la menace ? Une terrible guerre se prépare. Seul le Docteur et ses amis ont le pouvoir de sauver Geath…

Fiche de lecture

« Prenez garde à ce que vous souhaitez » : voici un conseil avisé qui, contrairement aux apparences, fait appel bien plus à la vigilance qu’à la volonté, surtout lorsque celle-ci est le jouet d’influences nombreuses et sournoises, et le désir celui d'une réalité plus insidieuse encore.

Après La Chasse au Mirage nos héros se retrouvent de nouveau embarqués dans une histoire d’illusion, de faux-semblants, où l’on ne saurait distinguer les bons des méchants, où la vérité dépasse l’entendement et où, endormis par les belles paroles d’un conteur ils apprendront à leurs dépends que « tout ce qui est d’or ne brille pas », et inversement.

Arrivés à la cité de Geath, ils découvrent que beaucoup de choses ont changé depuis la dernière visite du Docteur : la République a cédé devant une royauté, les rues sont désertes, la ville recouverte d’un or aux propriétés étranges et les habitants, autrefois renommés pour leur hospitalité, manifestent une certaine défiance à l’égard des étrangers et une peur manifeste au regard de créatures plus étranges encore qui semblent peupler les bas fonds.

Le Seigneur du Temps et ses compagnons font alors la connaissance du roi Beol, possesseur d’un dragon magique qu’il dit avoir dérobé à ses voisins et contre l’hostilité desquels il lui faut depuis défendre les citadins. Rory, qui fait preuve comme dans le précédent volume, d’une résistance particulière à l’illusion, mal à l’aise avec cette « capitale du Bling-Bling » n’en croit rien et trouve en Hilthe, ancienne dignitaire de la république, une alliée de choix. Tout est trop faux, ou trop beau, pour être vrai. D’ailleurs, leur rappelle le conteur, « une histoire a-t-elle besoin d’être vraie pour être superbe ? »

Mais si le Charmant, métal qui s’exhale du dragon et partout se répand, quoique charmeur n’était cependant pas si charmant qu’il y parait ? Mais à qui faire confiance quand tous, y compris soi-même, demeure sous son emprise ? Et si les ennemis aux portes de la ville n’étaient pas ceux que l’on croit ? Et s’ils venaient les uns après les autres réclamer leur bien et déchaîner leur courroux sur la ville ? Tandis que l’antagonisme de ceux-ci devient progressivement le nœud gordien du problème, nos voyageurs vont devoir choisir leur camp.

Una McCormack, écrivain britannique qui a déjà œuvré pour Star Trek, signe ici sa première novélisation pour Docteur Who et, tout en remerciant ses prédécesseurs et leur contribution en la matière, se montre à la fois plus maladroite et plus novatrice. Outre d’étranges tournures dont on ne sait si elles sont dues à l’auteur ou à son traducteur (« Courez ! cria le Docteur, aussi original qu’un lever de soleil ou que l’entropie »), l’on retrouve également les clichés d’un genre qui a du mal à se renouveler et où la référence au dragon de Bilbo le Hobbit vaut tout autant pour l’anneau de pouvoir sur lequel le Charmant semble calqué. De même le nombre plus réduit de chapitres s’explique-t-il par une intrigue trop linéaire et quasiment cousue de fil blanc. Malgré tout la toile de fond est convaincante, les images évocatrices, et quelques bonnes trouvailles viennent agrémenter un récit médiéval fantastique honnête, agréable et distrayant.

Les autres livres du cycle Doctor Who

7. A travers Bois (The Way through the Woods, Una McCormack, 2011)
8. La Lune du Chasseur (Hunter's Moon, Paul Finch, 2011)
9. Les Morts de l'Hiver (Dead of Winter, James Goss, 2011)
10. Temps d'emprunt (Borrowed Time, Naomi Alderman, 2011)

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