Helstrid | Christian Léourier | 2019

Par | 19/02/2020 | Lu 352 fois




Prix Utopiales 2019
Certains mondes ne sont pas faits pour l’humanité : Helstrid est de ceux-là. Des températures de -150 °C ; des vents de 200 km/h ; une atmosphère toxique. Pourtant, la Compagnie tient à exploiter ses énormes ressources en minerai, appâtant les volontaires à l’exil à grand renfort de gains conséquents. Des hommes et des femmes à l’image de Vic, qui supervise le travail de prospection et d’exploitation des machines. Un job comme un autre, finalement, et qui vaut toujours mieux que d’affronter son passé laissé sur Terre… Jusqu’à ce que le porion soit contraint d’accompagner un convoi chargé de ravitailler un avant-poste à plusieurs centaines de kilomètres de la base principale. Un trajet dangereux, mais les IA sont là pour veiller à la bonne marche des véhicules suréquipés et à la protection du seul humain embarqué. Dans pareilles conditions, tout ne peut que se passer au mieux…

Fiche de lecture

Le réel serait-il trop monstrueux?

Dans « Helstrid », Hel fait songer à Hell, l’enfer. Averti par le titre, le lecteur s’aventure dans un univers pessimiste, sans lumière. Pour rester lucide (?) face à son environnement épouvantable, le héros s’interdit de penser à ses moments heureux qui appartiennent au passé, à savoir une liaison amoureuse rompue brusquement. C’est, je crois, ce qu’illustre la couverture du livre.

Vic (victoire ?) reçoit pour consigne de ravitailler un avant-poste lointain sur une planète inhospitalière : Helstrid. Vraiment inhospitalière. Voyez plutôt : au programme de cette mission solitaire, il s’agit de traverser une tempête aussi toxique qu’orageuse, par moins 150 degrés environ, sous des bourrasques de neige déferlant à près de 200 km/h.

On se demande donc si le pire n’est pas à venir, même si « le pire n’est jamais sûr », selon le leit-motif du récit.

Vic occupe l’un des trois camions IA, parés, révisés, retapés tip top pour la course périlleuse. Non sans délicatesse, son véhicule prénommé Anne-Marie s’efforce pendant ses conversations avec son unique passager de rendre la route la moins désagréable possible. Vic consent plus ou moins de bonne grâce à dialoguer avec la machine Anne-Marie tandis que, en dehors de leurs échanges, le narrateur restitue une forme assez intéressante d’imprécision psychologique sur la nature exacte des réactions émotives du personnage humain, aussi rustre que confus et embrouillé. Au-delà des états d’âme composites du héros, la progression du sinistre voyage frappe par ses tendances descriptives : on se sent mal embarqué, agressé obsessionnellement par tant de rafales sombres et glaciales.

L’intérêt du récit, c’est que l’être humain affronte l’adversité et non un adversaire. Aucun méchant, aucun sadique nulle part dans ces pages. Le ravitailleur se bat contre l’inflexible météo, contre l’implacable tectonique du sol, et, à cet effet, il est aidé par Anne-Marie, qui affirme avec optimisme toujours trouver une solution face aux obstacles et aux encombres. Ainsi, Vic dépend du génie artificiel pour survivre. Dans le cocon de son camion hyper-futé, il subira les assauts des séismes et de l’atmosphère létale.

Ce périple au ton catastrophique tend, semble-t-il, à montrer que l’Homme n’est pas fait pour l’univers et vice-versa. L’homo sapiens avait eu la chance de naître sur un monde plutôt accueillant, mais il l’a rendu invivable. Chassé donc de sa Terre-Mère, il sera rejeté vers des planètes toutes plus infernales les unes que les autres.

Ses machines, si pointues, si miraculeuses soient-elles, pourront-elles le sauver de ce chaos monstrueux qu’est le réel?

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