Île-de-France - Quand on devient un "Saint-Bernard des mers"

Par | 18/04/2021 | Lu 740 fois




L’Île-de-France avant la guerre | Par published on ibiblio.org by Frederic Logghe — http://www.ibiblio.org/maritime/photolibrary/displayimage.php?album=6829&pos=1, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=10277750
L’ÎLE-DE-FRANCE est un paquebot construit de 1924 à 1926 à Saint-Nazaire pour la Compagnie Générale Transatlantique, désireuse de renforcer sa flotte commerciale vers les USA. Il fait 241m de long, 28m de large et est équipé de trois cheminées. Ses quatre turbines le propulsent à 23 nœuds (45 km/h), ce qui ne lui permet pas de concurrencer ses rivaux britanniques en rapidité.

En effet, son but n’est pas d’essayer de surpasser la concurrence en vitesse mais plutôt d’offrir un luxe contemporain, plus moderne que le style des paquebots de l’époque à la décoration « Louis XVI », typiquement européenne. Ce style moderne étant très prisé par les Américains, c’est ce qui fera le succès de ce navire.

Il fait donc sa carrière entre la France et New-York de 1927 à 1939 avec la particularité de pouvoir catapulter un petit hydravion à partir de sa plage arrière. Cet avion à usage exclusivement postal permet au courrier d’arriver aux USA avec un jour d’avance sur le paquebot.
 

L'aventure commence

Vue de la salle à manger des première classe | Par Auteur inconnu — [1], Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=64486151
1939. La Deuxième Guerre éclate. L’ÎLE-DE-FRANCE se trouve à New-York où il est bloqué et désarmé provisoirement (le terme « désarmé » est utilisé pour tous les bateaux lorsqu’ils sont dépourvus volontairement de leurs équipages et de leurs aménagements).

1940. Sa nouvelle mission est définie : le transport de troupes. Pour ce faire, il subit une modification dans le port de Marseille, puis direction Singapour, une île au nord de l’Australie.

En France, le maréchal Pétain signe le traité de Vichy avec les Allemands et ordonne au paquebot ÎLE-DE-FRANCE de revenir au pays.

Le commandant du navire refuse et rejoint le FNFL (Forces Navales Françaises Libres) et le bateau passe aux mains britanniques.

Sa première mission : remonter des troupes australiennes. En compagnie des QUEEN MARY, QUEEN ELIZABETH, MAURETANIA et le NIEUW AMSTERDAM, ils forment le plus gros convoi de navires civils transporteurs de troupes de la Seconde Guerre.

Il esquive bombes et torpilles allemandes durant tout le conflit, naviguant toujours en zig-zag pour éviter les fameux U-Boot.
 
En 1944, il fait les liaisons militaires entre les USA et la Grande-Bretagne en préparation du débarquement du 6 juin.

Au total et jusqu’en 1946, il a transporté 485 000 soldats entre le Canada, les USA, Madagascar, l’Indochine et l’Australie !

Un lifting bien mérité

De 1947 à 1949, L’ÎLE-DE-FRANCE subit une profonde transformation : amélioration du confort, climatisation des premières et deuxièmes classes, suppression d’une cheminée, ajout d’une salle de spectacle, d’une piscine et d’un grand salon aux larges baies vitrées.

Voilà le navire totalement transformé, presque méconnaissable au vu du remplacement de ses trois cheminées par deux cheminées plus imposantes.

Le navire reprend son service transatlantique et devient de plus en plus populaire.

Une carrière imprévue de sauveteur

13 septembre 1950 : durant sa traversée vers New-York, le paquebot vient en aide au bateau de pêche THÉRÈSE qui est en train de sombrer dans l’Atlantique.

18 décembre 1951 : il assiste le navire américain CHISWICK.

5 février 1953 : le port de New-York est bloqué par une grève des remorqueurs si nécessaires pour remonter les lourds navires contre le courant de l’Hudson River. L'ÎLE-DE-FRANCE parvient à accoster sans leur aide et respecte ainsi l’horaire prévu à la clientèle. Une prouesse technique saluée par la presse américaine ! 

20 septembre 1953 : le navire porte secours au cargo libérien GREENVILLE et sauve vingt-quatre des vingt-six marins.

25 juillet 1953 : dans un épais brouillard au large des côtes de New-York, le paquebot ANDREA DORIA, fierté de l’Italie, est éperonné par le paquebot suédois STOCKHOLM. L’ANDREA DORIA gîte dangereusement et les canots de sauvetages ne peuvent pas être mis à l’eau. Se dirigeant vers la France et apprenant par radio l’état des deux navires, le commandant de l’ÎLE-DE-FRANCE ordonne de faire demi-tour. En effet le bateau suédois moins touché peine quand même à sortir ses canots pour aider le paquebot italien. Le courageux navire français arrive sur les lieux le 26 juillet et lui vient en aide à 7h du matin. L’ANDREA DORIA est couché sur son flanc. En dépit de ses 940 passagers et 826 membres d’équipage, l’ÎLE-DE-FRANCE récupère en plus 753 rescapés du bateau italien.
Vue de l'Andrea Doria durant son chavirement | Par Harry A. Trask — eBayfrontback, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37587162

Le paquebot sera décoré de la médaille « Croix de Chevalier du Mérite Maritime » et de la fameuse décoration américaine « Merchant Gallant Ship Award ».

Il hérite dès lors du surnom de « Saint-Bernard des mers »…

Le seul petit incident à déplorer est son échouement le 26 février 1957 sans trop de gravité sur un fond rocheux dans les Antilles. Hélices et gouvernail devront être réparés.

L’ÎLE-DE-FRANCE fait son dernier voyage le 17 novembre 1958 vers New-York.

Vendu aux Japonais et rebaptisé FURANZA MARU, il quitte le Havre pour la dernière fois le 26 février 1959 à 10h du matin, salué par tous les navires présents dans le port.

Sa destination : Osaka où il sera démoli... après 32 ans de bons et loyaux services…

Lien utile


Copyright @ Christobal Columbus pour Le Galion des Etoiles. Tous droits réservés. En savoir plus sur cet auteur