Illustration et quatrième de couverture
Jubal n'est que le deuxième fils : il ne deviendra pas le Droad de la maison des Droad. Alors, il fait mille petits travaux : réparateur de végétation, inspecteur adjoint auxiliaire des égouts… Il attend mieux. Mais voici qu'un personnage travesti, voyageant sur un vélo à une roue, lui fait une intolérable injure. Désormais il a un but : se venger. Grâce au Fantôme de Fer, il connaîtra la Parlerie et les Serviteurs, avec leurs filles merveilleusement belles et dédaigneuses ; il prendra le paquebot spatial jusqu'à Eiselbar, capitale du tourisme interstellaire ; il courra le Long Océan sur la felouque du vieux Schrack, vers la mystérieuse terre de Wellas, où vivent peut-être, au cœur des arbres, les descendants des Irrachetables. Il prendra tant de faux noms qu'on ne saurait les compter. Il sera dur en affaires, surtout avec les grands de ce monde. C'est un faiseur d'histoires, mais les gens qui ne font pas d'histoires sont bien ennuyeux.
Fiche de lecture
J’avais tenté de lire Le Cycle de Tshaï, qui m’était tombé assez vite des mains.
Je suis revenu à Jack Vance par ce récit de l’Aire Gaïane, peut-être parce que j’ai apprécié d’avoir une vue d’ensemble de ce monde spatial avant d’entrer dans les intrigues qui lui sont propres. J’ai dû passer aussi les premières pages, trop foisonnantes.
Ce qui m’a attiré, c’est le mystérieux ercycle sur lequel circule le vilain de l’histoire, j’aurais aimé qu’un illustrateur lui donne corps, car je ne vois pas trop comment il pourrait se conformer.
Puis le personnage de Jubal Droad, parfait héros pur et picaresque, le jeune homme énervé dans toute sa splendeur : « au lieu de la propitiation typique des nouveaux employés, vous préférez le prendre de haut avec le supérieur dont dépendent tous les stades de votre carrière ». Je suis toujours attaché aux personnages de mec dans son bon droit, j’adore ça, ça me donne des bouffées d’indignation merveilleuses.
« Votre esprit émet des pensées enflammées ; vous traversez notre forêt comme une comète ardente », lui lance un proto-vif.
La lecture de la Postface de Jacques Goimard, Derrière le fétiche, le néant, m’a permis de mieux comprendre l’auteur, et me triturer les méninges sur quelques questions cornues :
« Peut-on entrer dans le réel à force de s’en éloigner ? Peut-on dire le contraire de ce qu’on a l’air de dire ? Peut-on être ce qu’on n’est pas ? »
Le normalien me remet le Parménide dans les mains. Je lui cours après tandis qu’il entend montrer comment le réel envahit l’imaginaire, à rebours d’une analyse précédente de Jacques Chambon. Voilà la démonstration : les descriptions baroques et détaillées de la Thaérie relèvent du fétichisme, c’est ce qui manque au réel, un néant qu’enrobe l’imaginaire, autrement dit ce monde fictif est bâti sur rien, il en est même saturé, et celui qui le nie n’a qu’à refermer le livre. Si on repense au dialogue de Platon, c’est l’introduction des formes intelligibles, des constructions intellectuelles qui pré-existent au réel. C’est ce que fait l’auteur de SF en insufflant du réel à partir d’une forme imaginaire.
Le fétichisme de Vance se teinte d’un perpétuel changement, qui le fait plus Héraclite que Parménide, mais passons : « les colifichets dont il se rehausse lui apparaissent dans leur futilité à l’instant même où il les produit ; à l’occasion il s’amuse à les enrichir de détail qui les vraisemblabilisent et en font ressortir l’artifice en renforçant capiteusement leur cohérence, mais cela ne dure pas très longtemps ; bientôt il les abandonne pour en chercher d’autres. »
C’est le péché de l’écrivain, « condamné à inventer », « qui reconnaît la vanité de son entreprise ».
Jacques Goimard double ce fétichisme d’une analyse étymologique de l’œuvre, sur Maske, fétiche de l’émerveillement, et Thaérie proche de Faerie et théorie (vision, spectacle). Une procession de masques à tous les niveaux de lecture tendrait à masquer que le réel n’a jamais quitté l’imaginaire : la fondation de ce monde ressemble à l’Amérique et ses premiers États, la monnaie toldeck serait un amalgame dollar-kopek, les émigrés, les Djans si proches des Indiens et boucs émissaires désignés.
« Au total, Vance nous fait parcourir une double géographie imaginaire : celle de la Terre et celle de l’Amérique. En même temps, il nous promène à travers des possibles politiques et culturels. » Ses héros comme l’auteur de SF cherchent à faire exister le néant. C’est une opération douloureuse, surtout quand les désirs dépassent ce dont on est capable.
Pourtant Jacques Goimard, suivant l’exemple de Jack Vance, nous dit que « la seule vraie solution, c’est encore de rêver des fétiches et de les écrire ».
Je suis revenu à Jack Vance par ce récit de l’Aire Gaïane, peut-être parce que j’ai apprécié d’avoir une vue d’ensemble de ce monde spatial avant d’entrer dans les intrigues qui lui sont propres. J’ai dû passer aussi les premières pages, trop foisonnantes.
Ce qui m’a attiré, c’est le mystérieux ercycle sur lequel circule le vilain de l’histoire, j’aurais aimé qu’un illustrateur lui donne corps, car je ne vois pas trop comment il pourrait se conformer.
Puis le personnage de Jubal Droad, parfait héros pur et picaresque, le jeune homme énervé dans toute sa splendeur : « au lieu de la propitiation typique des nouveaux employés, vous préférez le prendre de haut avec le supérieur dont dépendent tous les stades de votre carrière ». Je suis toujours attaché aux personnages de mec dans son bon droit, j’adore ça, ça me donne des bouffées d’indignation merveilleuses.
« Votre esprit émet des pensées enflammées ; vous traversez notre forêt comme une comète ardente », lui lance un proto-vif.
La lecture de la Postface de Jacques Goimard, Derrière le fétiche, le néant, m’a permis de mieux comprendre l’auteur, et me triturer les méninges sur quelques questions cornues :
« Peut-on entrer dans le réel à force de s’en éloigner ? Peut-on dire le contraire de ce qu’on a l’air de dire ? Peut-on être ce qu’on n’est pas ? »
Le normalien me remet le Parménide dans les mains. Je lui cours après tandis qu’il entend montrer comment le réel envahit l’imaginaire, à rebours d’une analyse précédente de Jacques Chambon. Voilà la démonstration : les descriptions baroques et détaillées de la Thaérie relèvent du fétichisme, c’est ce qui manque au réel, un néant qu’enrobe l’imaginaire, autrement dit ce monde fictif est bâti sur rien, il en est même saturé, et celui qui le nie n’a qu’à refermer le livre. Si on repense au dialogue de Platon, c’est l’introduction des formes intelligibles, des constructions intellectuelles qui pré-existent au réel. C’est ce que fait l’auteur de SF en insufflant du réel à partir d’une forme imaginaire.
Le fétichisme de Vance se teinte d’un perpétuel changement, qui le fait plus Héraclite que Parménide, mais passons : « les colifichets dont il se rehausse lui apparaissent dans leur futilité à l’instant même où il les produit ; à l’occasion il s’amuse à les enrichir de détail qui les vraisemblabilisent et en font ressortir l’artifice en renforçant capiteusement leur cohérence, mais cela ne dure pas très longtemps ; bientôt il les abandonne pour en chercher d’autres. »
C’est le péché de l’écrivain, « condamné à inventer », « qui reconnaît la vanité de son entreprise ».
Jacques Goimard double ce fétichisme d’une analyse étymologique de l’œuvre, sur Maske, fétiche de l’émerveillement, et Thaérie proche de Faerie et théorie (vision, spectacle). Une procession de masques à tous les niveaux de lecture tendrait à masquer que le réel n’a jamais quitté l’imaginaire : la fondation de ce monde ressemble à l’Amérique et ses premiers États, la monnaie toldeck serait un amalgame dollar-kopek, les émigrés, les Djans si proches des Indiens et boucs émissaires désignés.
« Au total, Vance nous fait parcourir une double géographie imaginaire : celle de la Terre et celle de l’Amérique. En même temps, il nous promène à travers des possibles politiques et culturels. » Ses héros comme l’auteur de SF cherchent à faire exister le néant. C’est une opération douloureuse, surtout quand les désirs dépassent ce dont on est capable.
Pourtant Jacques Goimard, suivant l’exemple de Jack Vance, nous dit que « la seule vraie solution, c’est encore de rêver des fétiches et de les écrire ».