L'Immortelle de Maison-Ville | Jean-Marc De Vos | 2021

Par | 10/10/2022 | Lu 553 fois




Illustration et quatrième de couverture

L'immortelle de Maison-Ville @ 2021 Jean-Marc De Vos
Dans le Nouveau Monde, érigé sur les ruines de l’ancien détruit lors des Conflits du XXIe siècle, l’enfer a un nom : Maison-Ville, le monstrueux immeuble qui abrite huit millions d’âmes sur ses soixante niveaux. Repaire d’exclus et de criminels, la cité-libre symbolise non seulement le mal absolu, mais aussi l’échec des implacables lois Éthiques et Écologiques qui régissent la planète.

En 2180, un mystérieux phénomène s’abat sur la cité. Du jour au lendemain, plus personne ne meurt, les malades guérissent, les gens arrêtent de vieillir. Abhorrée la veille, Maison-Ville devient l’objet de toutes les convoitises. Mais comment un bidonville, aussi peuplé soit-il, peut-il résister face aux pressions des institutions politiques, financières, militaires et religieuses du monde entier ?

Sans oublier les millions d’êtres prêts à tout pour y entrer.

Dans une lutte à mort pour contrôler la Jouvence, s’affronteront au fil des âges des personnages hauts en couleur, tels la chancelière Alex Khan, le commandant Willy Baumsteiger, le milliardaire Elton Soors, le procurateur Casimir Marcinkus et tant d’autres…

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Fiche de lecture

Si on m’a déjà fait remarquer que j’étais quelque peu barré ou barjot avec Mes Gueules des Vers, j’ai trouvé un maître avec J.-M. De Vos. Et j’en suis fort content : je ne suis plus seul.

Alors, faisons simple à partir du complexe futur qu’il nous offre. Imaginez que dans quelques décennies, tout « pète » et qu’avec les Conflits, il a fallu repenser et rebâtir le monde. Non pas tel que nous le connaissons, mais en le « statufiant » loin de tout progrès, de toute évolution technologique. Plus d’atome, de centrale nucléaire, de moteur à explosion, de voitures (juste un peu), d’avions (enfin pas trop), plus de recherche, de nouveaux médicaments (la radiothérapie et la chimio, c’est fini par exemple), mais surtout plus de villes tentaculaires. La norme est au double kilomètre pour celles-ci et sous le joug de l’Éthique ; le monde lui est surveillé, guidé, contrôle, épié, par trois grandes entités dont la Guilde et son Président, l’Organisation Mondiale avec sa Gouverneure et enfin la Prévôté menée par la poigne de son Procurateur – un quasi-inquisiteur.

Seul problème, maintenant que les normes ont changé, que les villes se sont réorganisées et recentrées, tous ceux qui se trouvaient rejetés dans les bidonvilles et les banlieues sont à la ramasse. Ou presque. Parce qu’une ville, une seule résiste encore et toujours à l’envahisseur, euh, pardon, à la Puissante Éthique : Bruxelles – cherchez pas, c’est un petit bled que l’auteur connaît et dont il a voulu faire sa pierre angulaire.

Deux kilomètres de côté, quelques centaines de mètres de hauteur, des clapiers tout riquiqui (de quelques mètres carrés et encore) dans lesquels se retrouvent entassées huit millions de personnes, de tous horizons ou presque. Je n’ose même pas imaginer le problème si un des égouts se bouche, tiens…

Dirigée initialement par Darius Khan et son clan, spécialiste des trafics en tous genres – surtout ceux interdits par l’Éthique, genre alcool, tabac, etc. – elle est passée sous la coupe de son « épouse » ou plutôt de sa veuve Alex Khan, ancienne prostituée qu’il avait mise justement sous sa propre coupe à lui.

Ladite Alex, grande, dégingandée, belle à damner le diable lui-même – et ses milliers de démons par la même occase d’ailleurs – vêtue d’un paréo et d’un haut minimaliste, ainsi que de tongs, la belle et « mystérieuse » jeune femme essaie de se faire un nom, de ne plus être considérée comme la Veuve de Daris ou la Veuve Khan – pour la veuve Clicquot, c’était raté, vu que c’était déjà pris. Épaulée par les anciens bras droit et gauche de Darius, à savoir le psychopathe Willy et l’avocate-femme-à-tout-savoir Lady, Alex va se retrouver face à un problème étonnant : du soir au lendemain, on ne meurt plus dans la Maison-Ville (Bruxelles si vous avez suivi). Enfin, si on meurt, mais plus de causes naturelles, ni de maladie, ni de vieillesse.

Tout cela à cause d’un petit bout de bonne femme, nommée Natalia qui, outre une gentillesse désarmante et une capacité à confectionner des gâteaux à côté desquels Mr Preskovic ne faisait que de la roupie de sansonnet, irradie « on ne sait quoi ni comment » en faisant disparaître vieillesse et maladie. Sans doute, par le fait qu’elle est l’incarnation d’une déesse…

Bref, voilà notre belle et renversante Alex – ben oui renversante quoi, elle culbute facile quand y’a besoin – face à un problème de taille puisque les trois entités dirigeant le « nouveau monde » vont s’inquiéter et s’intéresser à elle et sa cité.

À partir de là, rien ne va plus – faites vos jeux pour savoir qui va gagner tiens entre rouge-manque-impair et noir-passe-pair ou l’inverse si ça vous chante. Et nous allons être engloutis, emportés, secoués, si fortement qu’à côté de cela même Yukon Stricker vous semblera de la rigolade pour minot arachnéen, euh… acnéeux ou acnéïque, boutonneux quoi.

Ajoutons à cela que les religions ont dû se réorganiser elles aussi. Forcément, quasiment tous les mecs de la clique catho ont été zigouillés, y compris le pape. Du coup, l’église et le Vaticano (le nouveau, l’ancien a été rasé, écrasé, compacté, tout ça) sont dirigés par une papesse et des évécheresses (ou un truc dans ce genre). L’islam est passé sous la coupe d’un Vizir et les bouddhistes… alors là, pour eux, aucune idée, l’auteur ne devait peut-être rien avoir à régler avec ces derniers. Bref, de toute façon, tous ces gugusses et nanas sont restés de parfaits intégristes. Tiens, ça me rappelle « Votre Sainteté », tout ça ! Du coup, j’ai bien aimé forcément.

Qu’ajouter de plus ? Des milliers de choses. Genre le psychopathe Willy – qui a un grand cœur dans le fond, même s’il aime bien trucider dès qu’il en a l’occase – a un humour potache et noir à la fois, un sens de la tactique et de la stratégie à faire passer Napoléon pour un marmot en couche culotte. Et même s’il ne comprend pas tout ce qu’il se passe ou de ce qu’on lui dit, il tient sacrément bien son rôle, d’autant qu’il est vêtu d’un seul short et de ses tatouages, qu’il a une descente facile et un poignard hache de pointu.

Genre le barreau de chaise de Lady – qui donne l’impression parfois d’avoir un balai là où il ne faut pas – a un œil acéré, d’autant qu’elle est aussi douée avec les chiffres ou les nombres qu’avec les textes de loi et toutes les calembredaines de l’administration de ce futur improbable.

Genre Le Retour du Roi  avec ses 836 morts à l’écran peut aller se rhabiller ; ici, on joue dans la cour des grands et, quand un bout de la Maison-Ville s’écroule, vous avez intérêt à avoir senti les frémissements de la structure et à vous barrer de votre appartement, sauf si vous avez envie de jouer aux blinis pour concurrencer les gâteaux de Natalia. Parce que ça dézingue quand même à tout va et on travaille avec cinq chiffres, on fait pas dans la mesquinerie avec seulement des dizaines ou des centaines de cadavres ; c’est pas parce que c’est bourré d’humour – noir souvent – que tout est rose, loin de là. On est dans une dystopie, que diable ! C’est même écrit sur la couverture.

Genre aussi, cette histoire est bourrée de rebondissements, de twists, d’improbabilités, d’impossibilités, et j’en passe et des meilleurs. On oscille entre deux extrêmes régulièrement et on se laisse faire, parce que c’est tout simplement jouissif et tellement réaliste dans l’excès, dans les personnages ciselés avec soin et bourrés de défauts autant que de qualités, qu’on en redemande. C’est le genre de roman dont le style et le phrasé offrent des images de chaque scène, au point qu’on aimerait que cela devienne une BD ou un film – Peter Jackson, une tite trilogie ? ça te dit pas ? Le scénario est quasi bouclé, les SFX et les décors seraient d’enfer en plus.

Au final, j’avoue – sans honte – que j’ai pris plus que du plaisir – on a le droit de dire qu’on a pris son pied, ou ça se fait pas ? – à dévorer ce texte. En un mot comme en cent, c’est génial, un mélange d’inhumanité et d’humanité, d’horreurs, de malheurs, de petites joies, de grandes claques, de folie, de démence, de démesure et d’intimité, de…

Euh… c’est pas vrai ? Vous l’avez pas encore lu ? Mais qu’est-ce que vous attendez, bon sang de bois ? La froidure va arriver, on va baisser le chauffage, enfiler les mitaines, les grosses chausses montantes, les pulls à col roulé, se glisser sous la couette. L’occasion rêvée pour se saisir de l’Immortelle – ne riez pas trop fort quand même si vous avez des voisins, ils risquent de se demander si vous n’êtes pas aussi barjot que l’auteur.

Le pire, c’est la suite… parce que, forcément, je sens que mes pals vont encore grandir à y rajouter les autres méfaits du susnommé Jean-Marc De Vos.

Copyright @ J.C. Gapdy pour Le Galion des Etoiles. Tous droits réservés. En savoir plus sur cet auteur