Illustration et quatrième de couverture
Aster est une jeune femme que son caractère bien trempé expose à l’hostilité des autres. Son monde est dur et cruel. Pourtant, elle se bat, existe, et aide autant qu’elle le peut, avec son intelligence peu commune, ceux et celles qu’elle peut aider.
Mais un jour, elle comprend qu’elle ne peut plus raser les murs, et qu’il lui faut se tenir grande.
Sa rébellion est d’autant plus spectaculaire qu’elle est noire, dans un vaisseau spatial qui emmène les derniers survivants de l’humanité vers un improbable éden, un vaisseau où les riches blancs ont réduit en esclavage les personnes de couleur.
Mais un jour, elle comprend qu’elle ne peut plus raser les murs, et qu’il lui faut se tenir grande.
Sa rébellion est d’autant plus spectaculaire qu’elle est noire, dans un vaisseau spatial qui emmène les derniers survivants de l’humanité vers un improbable éden, un vaisseau où les riches blancs ont réduit en esclavage les personnes de couleur.
Fiche de lecture
Depuis plus de trois siècles, l’arche stellaire Matilda emporte ce qu’il reste d’humanité dans l’univers. À son bord, les ponts se superposent de A à Z, et plus on descend l’alphabet, plus les conditions sociales se dégradent. C’est un vaisseau essentiellement ségrégationniste. Les Blancs occupent les plus hautes fonctions, les Noirs sont purement asservis à fonds de cale.
Parmi ces basses classes, évolue Aster, une jeune femme vive, orpheline, qui va de pont en pont soigner les souffrances physiques de ses pairs. Elle s’est formée par elle-même à plusieurs domaines scientifiques, notamment la botanique, l’alchimitique, la physiomatique et l’astromatique.
Dans cette société verrouillée, ultra violente, Aster tente malgré tout de rester digne, et d’élucider la mort de sa mère, 25 ans auparavant.
Le personnage d’Aster est dans la lignée de la Sorcière de Michelet. Elle maîtrise les herbes, elle est savante, sa tante s’appelle Mélusine et lui raconte des histoires de femmes ermites, elle est aussi une faiseuse d’ange. Le thème de l’avortement était d’ailleurs le point de départ de l’auteur, avant que ça devienne une fresque plus large sur la condition de la femme, des Noirs, des transgenres, etc.
Les mots sont durs :
« Les femmes comme toi, c’est à cause d’elles qu’on est tous coincés sur cette casserole volante. […] Le Gouffre du Péché, c’est toi qui l’as créé. »
Aster est telle la sorcière, car elle soigne tout le monde, accourt auprès des plus humbles et des puissants, mais on la décrie, on la méprise, elle n’est jamais reconnue pour ce qu’elle apporte à la société. Au contraire, on la considère comme responsable de tous les maux, et le roman dépeint une culpabilité consentie, intériorisée dès l’enfance dans leurs jeux de faire-semblant :
« … c’est comme ça et puis c’est tout. Tu es l’homme, je suis la femme, alors quand je te désobéis, tu me fous une châtaigne. Alors fous-moi une châtaigne. »
L’auteur se réclame de l’afrofuturisme, et on le voit dans la diversité des langues parlées à bord du Matilda (le nom est inspiré du Clotilda, dernier négrier à aborder les côtes américaines en 1860), mais aussi un mélange de religions et de croyances, les récits de contes anciens comme celui du Frère Sanglier. On voit également comment cette écriture autre s’approprie le genre, et comment elle aborde les technologies, à la fois de façon empiriste et pointue. Empiriste dans la manière de bricoler des lampes, des remèdes, et pointue avec le recours à la contraction de la matière d’Alcubierre. Pour ce dernier point, Rivers Solomon invente le siluminium, un métal rare qui permet « au Matilda d’atteindre une vélocité proche de celle de la lumière en condensant l’espace ». Ce minerai n’est pas sans conséquence sur la santé de ceux qui le côtoient.
De manière générale le récit est vif, très vivant, même s’il fait penser à un remake des Orphelins du ciel de Robert Heinlein. Néanmoins, on suit l’histoire d’Aster et de son entourage jusqu’au bout avec intérêt. Le vaisseau est un univers en lui-même, avec son architecture, son fonctionnement, ses lois et ses usages(1).
Ce qui m’a le plus surpris, c’est la façon d’aborder les questions raciales et de genre avec une telle distance, une grande subtilité.
On sait dans l’histoire qu’il y a une différence de traitement en fonction de la couleur de peau, cependant ça n’est pas seriné à longueurs de pages comme le ferait un militant énervé. À la place de l’auteur, j’aurais rabâché en permanence le fait qu’un-e Noir-e se fasse maltraiter par un Blanc. Ces adjectifs ne sont même pas utilisés. Il n’y a pas de grands discours de révoltes ou d’indignation légitime non plus. Pourtant les femmes Noires sont violées, violentées, mais c’est décrit comme quelque chose d’anodin, d’ordinaire, quelque chose qu’on accepte. L’effet n’en est que plus saisissant.
Enfin la question du genre, avec un passage qui emploie le pronom iel, un peu déroutant, et des personnages éloignés de l’image hétéro. Ainsi celui de Théo, le Chirurgien, que d’aucuns diraient « ambigu », mais qui se trouve être en fait indéterminé. En réponse à cette question du genre, dans le même esprit qu’elle a traité celle de la couleur de peau, l’auteur y répond simplement quand un personnage demande :
« Un garçon ou une fille ?
– Ça ne m’intéresse pas ».
Parmi ces basses classes, évolue Aster, une jeune femme vive, orpheline, qui va de pont en pont soigner les souffrances physiques de ses pairs. Elle s’est formée par elle-même à plusieurs domaines scientifiques, notamment la botanique, l’alchimitique, la physiomatique et l’astromatique.
Dans cette société verrouillée, ultra violente, Aster tente malgré tout de rester digne, et d’élucider la mort de sa mère, 25 ans auparavant.
Le personnage d’Aster est dans la lignée de la Sorcière de Michelet. Elle maîtrise les herbes, elle est savante, sa tante s’appelle Mélusine et lui raconte des histoires de femmes ermites, elle est aussi une faiseuse d’ange. Le thème de l’avortement était d’ailleurs le point de départ de l’auteur, avant que ça devienne une fresque plus large sur la condition de la femme, des Noirs, des transgenres, etc.
Les mots sont durs :
« Les femmes comme toi, c’est à cause d’elles qu’on est tous coincés sur cette casserole volante. […] Le Gouffre du Péché, c’est toi qui l’as créé. »
Aster est telle la sorcière, car elle soigne tout le monde, accourt auprès des plus humbles et des puissants, mais on la décrie, on la méprise, elle n’est jamais reconnue pour ce qu’elle apporte à la société. Au contraire, on la considère comme responsable de tous les maux, et le roman dépeint une culpabilité consentie, intériorisée dès l’enfance dans leurs jeux de faire-semblant :
« … c’est comme ça et puis c’est tout. Tu es l’homme, je suis la femme, alors quand je te désobéis, tu me fous une châtaigne. Alors fous-moi une châtaigne. »
L’auteur se réclame de l’afrofuturisme, et on le voit dans la diversité des langues parlées à bord du Matilda (le nom est inspiré du Clotilda, dernier négrier à aborder les côtes américaines en 1860), mais aussi un mélange de religions et de croyances, les récits de contes anciens comme celui du Frère Sanglier. On voit également comment cette écriture autre s’approprie le genre, et comment elle aborde les technologies, à la fois de façon empiriste et pointue. Empiriste dans la manière de bricoler des lampes, des remèdes, et pointue avec le recours à la contraction de la matière d’Alcubierre. Pour ce dernier point, Rivers Solomon invente le siluminium, un métal rare qui permet « au Matilda d’atteindre une vélocité proche de celle de la lumière en condensant l’espace ». Ce minerai n’est pas sans conséquence sur la santé de ceux qui le côtoient.
De manière générale le récit est vif, très vivant, même s’il fait penser à un remake des Orphelins du ciel de Robert Heinlein. Néanmoins, on suit l’histoire d’Aster et de son entourage jusqu’au bout avec intérêt. Le vaisseau est un univers en lui-même, avec son architecture, son fonctionnement, ses lois et ses usages(1).
Ce qui m’a le plus surpris, c’est la façon d’aborder les questions raciales et de genre avec une telle distance, une grande subtilité.
On sait dans l’histoire qu’il y a une différence de traitement en fonction de la couleur de peau, cependant ça n’est pas seriné à longueurs de pages comme le ferait un militant énervé. À la place de l’auteur, j’aurais rabâché en permanence le fait qu’un-e Noir-e se fasse maltraiter par un Blanc. Ces adjectifs ne sont même pas utilisés. Il n’y a pas de grands discours de révoltes ou d’indignation légitime non plus. Pourtant les femmes Noires sont violées, violentées, mais c’est décrit comme quelque chose d’anodin, d’ordinaire, quelque chose qu’on accepte. L’effet n’en est que plus saisissant.
Enfin la question du genre, avec un passage qui emploie le pronom iel, un peu déroutant, et des personnages éloignés de l’image hétéro. Ainsi celui de Théo, le Chirurgien, que d’aucuns diraient « ambigu », mais qui se trouve être en fait indéterminé. En réponse à cette question du genre, dans le même esprit qu’elle a traité celle de la couleur de peau, l’auteur y répond simplement quand un personnage demande :
« Un garçon ou une fille ?
– Ça ne m’intéresse pas ».
Note :
(1) Un angle mort cela dit : tous les plats sont composés de bœuf, de volaille, de cochon, de canard, de mouton, sans qu’on sache s’il y a des élevages ou s’ils sont produits artificiellement. Étant donné qu’il y a des ponts agricoles et qu’ils font pousser leurs plantes « à l’ancienne », on peut en déduire que la viande provient d’animaux élevés dans ce but. Or, vu le sort réservé aux humains des bas-ponts, on ne peut pas envisager que les animaux soient mieux traités. On aurait pu attendre une certaine sympathie de l’auteur, mais il faut croire que même pour ceux qui dénoncent le ségrégationnisme, il reste des êtres vivants qu’on peut reléguer dans l’indécence.
(1) Un angle mort cela dit : tous les plats sont composés de bœuf, de volaille, de cochon, de canard, de mouton, sans qu’on sache s’il y a des élevages ou s’ils sont produits artificiellement. Étant donné qu’il y a des ponts agricoles et qu’ils font pousser leurs plantes « à l’ancienne », on peut en déduire que la viande provient d’animaux élevés dans ce but. Or, vu le sort réservé aux humains des bas-ponts, on ne peut pas envisager que les animaux soient mieux traités. On aurait pu attendre une certaine sympathie de l’auteur, mais il faut croire que même pour ceux qui dénoncent le ségrégationnisme, il reste des êtres vivants qu’on peut reléguer dans l’indécence.