L'étrange planète Orga @ 1967 Fleuve Noir | Illustration de couverture @ Gaston de Sainte-Croix
Illustration et quatrième de couverture
Une planète entièrement recouverte par un océan visqueux, bizarre, aux couleurs vives et sans cesse changeantes, et sur lequel erraient des boules blanches: telle était la planète Orga, classée depuis longtemps parmi les plus dangereuses et sur laquelle personne n'osait s'aventurer. Bur et son ami Frio rêvaient de l'explorer.
Fiche de lecture
« L’étrange planète Orga » n’est certes pas une œuvre majeure de science-fiction et pourtant, parce qu’elle m’initia au genre, elle conserve pour moi un charme tout particulier. Ce livre n’est pas davantage un des grands B.R. Bruss, tels que « L’espace noir », « La planète introuvable » ou « Luhora ». Avouons-le : il est d’une facture honnête, ce qui est déjà pas si mal. Pourtant, je fus émerveillé à sa lecture. Je me souviens de cet instant précieux durant lequel j'eus la révélation, tout à coup, de l'existence d'une autre réalité ouvrant sur des perspectives magiques, d'une dimension nouvelle, riche d'une infinité de déclinaisons. Ah, innocence de l’enfance, rêves naïfs, désirs simples, comme vous me semblez loin !
Je ne savais rien de B.R. Bruss (de son vrai nom René Bonnefoy) à l’époque bien sûr, et je ne me posais pas de questions existentielles. Je plongeais avec volupté dans les aventures que le hasard mettait à ma portée, et je m’évadais du monde réel, littéralement. Je flottais sur la planète Orga tel un Orgelien, sous la forme d’une boule blanche, modelant la matière à ma fantaisie. Était-ce le fait d'avoir été préalablement nourri par les ouvrages de cette chère Comtesse de Ségur ? J'établissais un parallèle avec ces œuvres qui faisaient le charme de la « bibliothèque rose » et qui comportaient une petite introduction avant chaque chapitre.
Je retrouvais cela avec « L’étrange planète Orga ». Ainsi se créait une continuité avec mes lectures précédentes. Tenez, chapitre 14 : « Où je deviens un télépathe métamorphosable, ce qui ne va pas sans étonnements, stupeurs et découvertes de toutes sortes. Mais j’allais commencer une vie que je peux qualifier de réellement nouvelle. »
Cependant, quelle différence, malgré une construction familière, avec « les malheurs de Sophie » ! J’ai lu et relu « L'étrange planète Orga » au cours des ans, sans revivre hélas l'émotion de ce premier moment magique, mais entre tous mes livres, celui-ci possède toujours un charme particulier, comme si, par son intermédiaire, je disposais d’une fenêtre ouverte sur le passé et l’âge tendre qui était le mien en 1967.
De toute la cavalerie du Fleuve Noir, Bruss reste un de mes auteurs favoris. Cet homme était une énigme, puisqu’il assuma les fonctions de Secrétaire Général à l’Information à Vichy, (c’est-à-dire grand maître de la censure). Il fut condamné à mort à la libération et écopa au final de cinq années d’indignité nationale. Malgré l'épée de Damoclès qui pesait sur lui, il entreprit après-guerre une seconde carrière d’écrivain sous de multiples pseudonymes. Il était soit bien caché, soit bien protégé.
Pour ma part, je l’ai rencontré une fois, dans son appartement parisien, et je garde le souvenir d’un homme charmant et très « vieille France ». Mais que vaut le jugement d’un jeune fan de vingt ans, absolument ignorant à l’époque des détails de cette tragique histoire ? Aujourd’hui, je crois que René Bonnefoy ne pouvait rien refuser à l'homme qui avait favorisé sa carrière avant-guerre, Laval, et qu'il constitua, en quelque sorte, un « dégât collatéral ». Il y a un travail d’historien à mener sur les écrivains français collaborationnistes ou simplement pétainistes, pour permettre une approche dépassionnée du sujet. S'il est vrai qu’un homme se dévoile en partie dans ses écrits, on retrouve l’ancien Secrétaire Général dans la facilité avec laquelle il aime cacher, au cours de ses intrigues, dans l’intérêt bien compris des populations, les vérités qui dérangent. C’est particulièrement flagrant dans un autre de ses ouvrages, « L’énigme des Phtas », où le gouvernement ment délibérément au sujet d’une guerre « subtile » menée contre les humains par une race étrange venue d’une autre galaxie.
On peut donc faire une lecture politique de l’œuvre de B.R. Bruss. Cependant, celle-ci est habitée par un véritable humanisme, où des valeurs comme l'amitié, la tolérance, l'empathie sont au premier plan. Ses personnages éprouvent, pour leurs compagnes ou compagnons, un amour profond, simple, lumineux, qui peut paraître désuet de nos jours, où l'apparence prime trop souvent sur le sentiment, mais que je trouve pour ma part rafraîchissant.
Bruss, qui a donné d'excellents ouvrages dans la collection « Angoisse » n'est plus vraiment sous les feux de l'actualité, et ne bénéficie plus de rééditions depuis la fin des éditions LIB. Souhaitons que cela ne soit qu'une parenthèse.
Je ne savais rien de B.R. Bruss (de son vrai nom René Bonnefoy) à l’époque bien sûr, et je ne me posais pas de questions existentielles. Je plongeais avec volupté dans les aventures que le hasard mettait à ma portée, et je m’évadais du monde réel, littéralement. Je flottais sur la planète Orga tel un Orgelien, sous la forme d’une boule blanche, modelant la matière à ma fantaisie. Était-ce le fait d'avoir été préalablement nourri par les ouvrages de cette chère Comtesse de Ségur ? J'établissais un parallèle avec ces œuvres qui faisaient le charme de la « bibliothèque rose » et qui comportaient une petite introduction avant chaque chapitre.
Je retrouvais cela avec « L’étrange planète Orga ». Ainsi se créait une continuité avec mes lectures précédentes. Tenez, chapitre 14 : « Où je deviens un télépathe métamorphosable, ce qui ne va pas sans étonnements, stupeurs et découvertes de toutes sortes. Mais j’allais commencer une vie que je peux qualifier de réellement nouvelle. »
Cependant, quelle différence, malgré une construction familière, avec « les malheurs de Sophie » ! J’ai lu et relu « L'étrange planète Orga » au cours des ans, sans revivre hélas l'émotion de ce premier moment magique, mais entre tous mes livres, celui-ci possède toujours un charme particulier, comme si, par son intermédiaire, je disposais d’une fenêtre ouverte sur le passé et l’âge tendre qui était le mien en 1967.
De toute la cavalerie du Fleuve Noir, Bruss reste un de mes auteurs favoris. Cet homme était une énigme, puisqu’il assuma les fonctions de Secrétaire Général à l’Information à Vichy, (c’est-à-dire grand maître de la censure). Il fut condamné à mort à la libération et écopa au final de cinq années d’indignité nationale. Malgré l'épée de Damoclès qui pesait sur lui, il entreprit après-guerre une seconde carrière d’écrivain sous de multiples pseudonymes. Il était soit bien caché, soit bien protégé.
Pour ma part, je l’ai rencontré une fois, dans son appartement parisien, et je garde le souvenir d’un homme charmant et très « vieille France ». Mais que vaut le jugement d’un jeune fan de vingt ans, absolument ignorant à l’époque des détails de cette tragique histoire ? Aujourd’hui, je crois que René Bonnefoy ne pouvait rien refuser à l'homme qui avait favorisé sa carrière avant-guerre, Laval, et qu'il constitua, en quelque sorte, un « dégât collatéral ». Il y a un travail d’historien à mener sur les écrivains français collaborationnistes ou simplement pétainistes, pour permettre une approche dépassionnée du sujet. S'il est vrai qu’un homme se dévoile en partie dans ses écrits, on retrouve l’ancien Secrétaire Général dans la facilité avec laquelle il aime cacher, au cours de ses intrigues, dans l’intérêt bien compris des populations, les vérités qui dérangent. C’est particulièrement flagrant dans un autre de ses ouvrages, « L’énigme des Phtas », où le gouvernement ment délibérément au sujet d’une guerre « subtile » menée contre les humains par une race étrange venue d’une autre galaxie.
On peut donc faire une lecture politique de l’œuvre de B.R. Bruss. Cependant, celle-ci est habitée par un véritable humanisme, où des valeurs comme l'amitié, la tolérance, l'empathie sont au premier plan. Ses personnages éprouvent, pour leurs compagnes ou compagnons, un amour profond, simple, lumineux, qui peut paraître désuet de nos jours, où l'apparence prime trop souvent sur le sentiment, mais que je trouve pour ma part rafraîchissant.
Bruss, qui a donné d'excellents ouvrages dans la collection « Angoisse » n'est plus vraiment sous les feux de l'actualité, et ne bénéficie plus de rééditions depuis la fin des éditions LIB. Souhaitons que cela ne soit qu'une parenthèse.