La Voie Verne | Jacques Martel | 2018

Par | 18/09/2020 | Lu 1118 fois




Illustration et quatrième de couverture

Un futur qui pourrait être aujourd’hui : l’usage du papier a disparu et l’ensemble des connaissances a été numérisé, jusqu’à ce qu’un virus informatique terriblement puissant et fulgurant en anéantisse une grande partie.

Dans ce monde au savoir gangrené, John, un homme d’âge mûr, devient majordome pour de mystérieuses raisons dans une famille richissime, recluse dans un immense manoir perché au cœur des Alpes. C’est là que vit Gabriel, un étrange enfant qui passe son temps dans un univers virtuel mettant en scène un XIXe siècle singulièrement décalé où il retrouve tous les héros, machines et décors de Jules Verne, un écrivain depuis longtemps oublié…

Confronté au mutisme du jeune garçon, aux secrets et aux dangers du monde virtuel dédié à Jules Verne, John s’embarque sans le savoir dans une aventure dont les enjeux se révéleront bientôt vertigineux...

Fiche de lecture

« Aux premiers temps, alors que tous se serraient autour du feu, maigre réconfort face à l’obscurité et aux forces incompréhensibles du monde, il devait déjà exister un homme ou une femme, les yeux rivés sur les lointaines étoiles brillantes, qui se demandaient ce qu’ils découvriraient s’il leur était possible de trouver un moyen de s’en approcher. »

Une fois n’est pas coutume, je ne me lancerai pas dans un petit résumé d’introduction, ceci afin de ne pas divulgâcher le contenu de cet ouvrage. La quatrième de couverture ci-dessus est parfaite, je ne saurais mieux faire.

En tant qu’amatrice des récits de Jules Verne, et tout particulièrement de ses Voyages extraordinaires, cet ouvrage de Jacques Martel m’a tout de suite fait de l’œil lorsque je l’ai aperçu. J’étais impatiente de découvrir cette histoire, sans toutefois avoir une idée précise de la voie sur laquelle cette lecture allait m’emmener. Et le moins que je puisse dire, c’est que je suis tombée sous le charme dès les premières lignes.

Tout d’abord, il y a cette plongée dans l’ambiance vernienne avec des décors issus des Voyages extraordinaires. Dans le grand salon du château du Haut-Cervent, suspendues aux poutres, on y trouve des maquettes tels que le Great Eastern, le ballon Victoria, l’Albatros, le Nautilus. Dans la tour, parée de sa robe rouge et or, trône sur des étagères la collection Hetzel des Voyages extraordinaires. Le Graal !

Ensuite, il y a ce texte imprégné de références verniennes, que les amateurs ne manqueront pas d’apprécier, qu’elles soient citées noir sur blanc, insérées ni vues ni connues dans une phrase ou sous-entendues. Même Gabriel, prénom de l’un des protagonistes, est un clin d’œil (nom de naissance du célèbre écrivain : Jules Gabriel Verne). Il est aussi question de L’Île sur le Toit du Monde, un lieu étranger à l’œuvre de Verne. Bref, cet ouvrage transpire la passion de son auteur pour les romans de Jules Verne et Jacques Martel maîtrise son sujet.

Puis, nous avons ces trois personnages principaux, fort attachants, chacun à sa manière. Leur personnalité est dévoilée pas à pas. Premièrement, John Erns, le narrateur, engagé comme majordome par une riche famille ; bien qu’il soit charmant et qu’il semble honnête, on comprend vite que c’est un imposteur, qu’un voile de mystère entoure sa personne, et l’on se pose des questions sur ses motivations. Deuxièmement, Kurts, le déjanté propriétaire du cybercafé le Pyrate’s Bay, énervant à souhait avec ses anglicismes, mais qui ne manque pas d’humour, ce qui donne du pep au récit dès qu’il prend la parole (ses répliques sont des feux d’artifices !), et qui est toujours prêt à rendre service. Et troisièmement, Gabriel Dumont-Lieber, un garçon de 12 ans, autiste, incapable de communiquer avec ses pairs et qui ne vit que dans son monde virtuel, celui des Voyages extraordinaires, et qui possède une capacité unique pour percevoir et comprendre les structures et les codes des logiciels. Du fait de leurs différences, leur collaboration pour la Voie Verne est inattendue. Et pourtant, ça marche !

Après, il y a ce futur proche dépeint au gré des pages, un univers riche et mûrement réfléchi conçu par Jacques Martel. L’usage du papier étant interdit (vous devrez lire le roman pour savoir pourquoi), le Halo (e-Sphère ou Cloud) règne en maître. Le virtuel et les objets connectés sont de mise. On a l’impression que cet avenir nous est familier, qu’il pourrait être le nôtre. En parallèle, une multitude de thèmes et de concepts – que je vous laisserai découvrir - sont abordés et exposés. Ils sont parfois sujets à des descriptions qui tirent en longueur, mais - m’a-t-on très justement fait remarquer – somme toute, comme dans les romans de Jules Verne. Il y a également de l’introspection, des questionnements et de la remise en question. L’échange, l’amour, la transformation, la création, la destruction, la vie, la mort… des réflexions passionnantes sur lesquelles méditer, confortablement assis dans un fauteuil au coin du feu, un verre de rhum à la main.

Et pour finir, le tout se lit agréablement. Jacques Martel a une belle plume, la narration est fluide, malgré quelques petites longueurs, le suspense est bien dosé et les révélations tombent à point nommé.

En conclusion, je dirai que cet ouvrage est un bel hommage à Jules Verne, et plus particulièrement à ses Voyages extraordinaires. La Voie Verne, la voie de l’espace, est - à mon avis - la continuité logique de cette série de récits.

Si Jules Verne avait été encore en vie, j'aurais été curieuse de savoir ce qu’il aurait pensé du livre de Jacques Martel. Serait-il tombé sous le charme de la Voie Verne bâtie par les protagonistes ? Aurait-il approuvé le concept ? Et s’en serait-il servi comme support pour ses romans ?

Un voyage passionnant de la Terre à la Lune et, bien au-delà, dans le réel et le virtuel, pour un moment de lecture plaisant, auquel j’invite tous les amateurs de l’œuvre de Jules Verne et de science-fiction.

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