
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, 40'000 sous-mariniers allemands envoyés par Hitler embarquent pour une mission de routine dans l'Atlantique Nord. L'insouciance règne à bord. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que seuls 10'000 hommes retourneront chez eux vivants.

Das Boot, le livre | Photo © Koyolite Tseila, édition privée
Présentation
Eine Kriegsanschauung...
Je vais être théorique un bref instant : dans la philosophie de Kant, la « vision du monde » (Weltanschauung) permet de penser l’infini et le maximum en termes d’esthétique. Ce concept a été par la suite détourné, y compris linguistiquement, par le national-socialisme dans le cadre de sa politique totalitaire et barbare, comme l’analysa, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Victor Klemperer dans son maître ouvrage Lingua Tertii Imperii de 1947.
Loin de ces considérations, c’est une vraie « vision de la guerre » (Kriegsanschauung) que nous propose Das Boot, adapté de l’éponyme roman de Lothar-Günther Buchheim, traduit par Le Bateau ou Le Styx en français.
Nous embarquons, en 1941, à bord du sous-marin U-96 partant du port de La Rochelle pour une patrouille dans l’Atlantique.
Si au départ les marins, jeunes et imberbes, festoient comme si demain n’existait pas, leur commandant Heinrich Lehmann-Willenbrock (incarné par Jürgen Prochnow qui jouera le duc Leto Atréides dans le Dune de David Lynch quelques années plus tard) est plus réservé : c’est sur lui que repose le destin des hommes et du bâtiment. Il est « le Vieux », le pacha et le père.
Aux côtés du lieutenant Werner, correspondant de guerre et alter ego fictif de Buchheim, le public rentre dans l’univers humide, puant de gasoil et de sel, de ces marins vivant reclus dans une coque métallique. Ils y rêvent, y travaillent, y rient et y pleurent, dans le bruit des machines ou des « ping » angoissants des hydrophones anglais et des alarmes du bord.
On voit la guerre dans toute son humanité et sa crudité : la bien-aimée est loin, en France ou en Allemagne. Les enfants aussi. Les plongées et la propagande officielle à la radio sont interminables. Ces hommes sont pourtant à mille lieues du fanatisme politique qui embrase l’Europe. Mais la pression est là , à chaque instant, pareille à la celle de l’eau sur la coque de leur sous-marin en plongée, menacé par les grenades sous-marines. Le craquement est aussi métallique que mental.
Comment parler de Das Boot sans en faire de trop ? RĂ©ponse : on ne peut pas.
Décrit comme le meilleur film de guerre de tous les temps, le projet initial était une mini-série pour la télévision ouest-allemande, d’une durée de 6 épisodes de 50 minutes. Mais, dans la tradition des grandes épopées germaniques et sous pression des actionnaires, Wolfgang Petersen (qui a réalisé Air Force One et L’Histoire sans Fin) réalise un film allant de 3h à 5h selon la version, qui a posé jusqu’aux clichés mêmes de certains films de sous-marins (les plans angoissés sur le profondimètre, l’effroi d’entendre le ping de l’ASDIC ou du sonar, le marin qui craque nerveusement et veut quitter le sous-marin en plongée en passant par le kiosque).
Ce n’est plus un film, c’est un opéra wagnérien ou une tragédie grecque : le destin y est implacable, l’océan remplace ici le Rhin et le fabuleux trésor des Nibelungen devient un trésor d’humanité dans une ère de profonde inhumanité. C’est en somme un voyage vers l’enfer dont personne ne reviendra indemne. Et en premier lieu le public.
Vous êtes encore là à lire ? ALERTE ! Dégagez le kiosque, barres avant à moins dix degrés et machines en avant toute vers ce film légendaire !
Je vais être théorique un bref instant : dans la philosophie de Kant, la « vision du monde » (Weltanschauung) permet de penser l’infini et le maximum en termes d’esthétique. Ce concept a été par la suite détourné, y compris linguistiquement, par le national-socialisme dans le cadre de sa politique totalitaire et barbare, comme l’analysa, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Victor Klemperer dans son maître ouvrage Lingua Tertii Imperii de 1947.
Loin de ces considérations, c’est une vraie « vision de la guerre » (Kriegsanschauung) que nous propose Das Boot, adapté de l’éponyme roman de Lothar-Günther Buchheim, traduit par Le Bateau ou Le Styx en français.
Nous embarquons, en 1941, à bord du sous-marin U-96 partant du port de La Rochelle pour une patrouille dans l’Atlantique.
Si au départ les marins, jeunes et imberbes, festoient comme si demain n’existait pas, leur commandant Heinrich Lehmann-Willenbrock (incarné par Jürgen Prochnow qui jouera le duc Leto Atréides dans le Dune de David Lynch quelques années plus tard) est plus réservé : c’est sur lui que repose le destin des hommes et du bâtiment. Il est « le Vieux », le pacha et le père.
Aux côtés du lieutenant Werner, correspondant de guerre et alter ego fictif de Buchheim, le public rentre dans l’univers humide, puant de gasoil et de sel, de ces marins vivant reclus dans une coque métallique. Ils y rêvent, y travaillent, y rient et y pleurent, dans le bruit des machines ou des « ping » angoissants des hydrophones anglais et des alarmes du bord.
On voit la guerre dans toute son humanité et sa crudité : la bien-aimée est loin, en France ou en Allemagne. Les enfants aussi. Les plongées et la propagande officielle à la radio sont interminables. Ces hommes sont pourtant à mille lieues du fanatisme politique qui embrase l’Europe. Mais la pression est là , à chaque instant, pareille à la celle de l’eau sur la coque de leur sous-marin en plongée, menacé par les grenades sous-marines. Le craquement est aussi métallique que mental.
Comment parler de Das Boot sans en faire de trop ? RĂ©ponse : on ne peut pas.
Décrit comme le meilleur film de guerre de tous les temps, le projet initial était une mini-série pour la télévision ouest-allemande, d’une durée de 6 épisodes de 50 minutes. Mais, dans la tradition des grandes épopées germaniques et sous pression des actionnaires, Wolfgang Petersen (qui a réalisé Air Force One et L’Histoire sans Fin) réalise un film allant de 3h à 5h selon la version, qui a posé jusqu’aux clichés mêmes de certains films de sous-marins (les plans angoissés sur le profondimètre, l’effroi d’entendre le ping de l’ASDIC ou du sonar, le marin qui craque nerveusement et veut quitter le sous-marin en plongée en passant par le kiosque).
Ce n’est plus un film, c’est un opéra wagnérien ou une tragédie grecque : le destin y est implacable, l’océan remplace ici le Rhin et le fabuleux trésor des Nibelungen devient un trésor d’humanité dans une ère de profonde inhumanité. C’est en somme un voyage vers l’enfer dont personne ne reviendra indemne. Et en premier lieu le public.
Vous êtes encore là à lire ? ALERTE ! Dégagez le kiosque, barres avant à moins dix degrés et machines en avant toute vers ce film légendaire !