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Le Jour des Triffides | The Day of the Triffids | John Wyndham | 1951

Par | 30/03/2021 | Lu 1462 fois




Lorsque Bill Masen se réveille dans son lit d'hôpital, après une semaine passée les yeux bandés, il pense avoir manqué le spectacle du siècle : une pluie d'éclats de comète qui a illuminé le ciel d'éclairs verdâtres. Il ne le sait pas encore mais son destin et celui de la planète entière viennent de basculer. En effet, si les bandages de Bill l'ont sauvé d'une cécité définitive, la quasi-totalité de l'humanité est devenue aveugle.

De petits groupes tentent de s'organiser pour survivre mais c'est compter sans les triffides, ces mystérieuses plantes capables de se déplacer et qui semblent bien décidées à profiter de la faiblesse des humains survivants pour les anéantir…

Chef-d'œuvre de la science-fiction post-apocalyptique, Le jour des triffides a été adapté au cinéma sous le titre La révolte des triffides.

Note

Avec Les Triffides, chronique du déclin de l'humanité et de sa lutte contre des végétaux intelligents et organisés, John Wyndham (1903-1969) a écrit le premier "classique" des romans anglais de cataclysmes.

Le Jour des Triffides (titre original anglais : The Day of the Triffids) fut publié en français sous différents titres comme La Révolte des Triffides ou Les Triffides.

Fiche de lecture

Les Triffides, publié en 1951, a inauguré un courant unique dans l’univers de la science-fiction: celui des fins du monde abordées avec un charme très britannique. Cette approche originale – un gouffre sépare Les Triffides de Quinzinzinzili, livre sombre et désespéré – a laissé une empreinte profonde sur des générations de lecteurs et inspiré des écrivains comme Keith Roberts ou Jim Ballard.
 
Comme tous les livres de qualité, Les Triffides se bonifie avec le temps. Certes, certaines idées se basent sur l’actualité de l’époque, et envisagent l’évolution de la situation mondiale telle que l’on pouvait l’imaginer à ce moment. Mais l’habileté dont fait montre John Wyndham, la portée universelle des enseignements qui sont dispensés dans ce roman compensent cet aspect désuet. Les préoccupations évoquées sont malheureusement toujours actuelles : la lutte contre la faim, la discrimination, la volonté de domination.
 
Ce qui est intéressant dans ce type d’ouvrage, ce n’est pas l’histoire en elle-même, convenue et classique, mais l’étude particulièrement approfondie des communautés humaines confrontées au cataclysme et à ses conséquences. Les Triffides – plantes à l’origine mystérieuse, peut-être créées par l’homme, en fait on n’en sait rien – ne sont là que pour remplir le vide qu’il a laissé, un peu comme les guêpes géantes dans Furies de Keith Roberts. Elles apportent à la fois la menace et l’espoir, c’est-à-dire les raisons d’une reconquête future de sa planète par l’homme et donc le moteur de son redressement.

Dans ce contexte, on suit les péripéties du héros, qui de façon très mesurée – c’est là une des particularités des fins du monde à l’anglaise, les événements s’enchaînent sans précipitation, avec flegme – nous livre une analyse percutante sur les perspectives qu’offrent les différentes voies qui s’ouvrent devant lui. Au début, un phénomène cosmique – où l’on apprendra que l’homme a sa part de responsabilité – rend aveugle ceux qui l’ont observé, à l’exception de quelques privilégiés qui échappent au sort commun soit parce qu’ils étaient isolés au fin fond d’une mine, ou alors en train de cuver après une soirée bien arrosée ou bien, tel le personnage central de l’histoire, hospitalisés avec des bandages sur les yeux.
 
La première partie de l’ouvrage décrit la chute de cette humanité qui vivait déjà dans l’angoisse. L’instinct de survie brise très vite les conventions laborieusement établies au long des siècles pour ramener l’homme à ses fondamentaux. Il n’y a pas de condamnation de l’espèce, ce sont les circonstances qui rabaissent hommes et femmes aux préoccupations les plus élémentaires : manger, se protéger, survivre à tout prix. Quelques descriptions soignées suffisent à donner une bonne image de cette régression fulgurante : celle de l’homme qui s’enfuit en serrant comme un trésor deux boites de conserves – tout au moins le croit-il – mais qui sont en réalité des pots de peinture ; celles du désespoir du médecin de l’hôpital, du patron de bar, toutes pertinentes et implacables… Et cette humanité désemparée sombre très vite, aidée en cela par les Triffides qui font quelques cartons – ces petites plantes disposent d’un fouet cinglant et venimeux, et elles ont une dent envers tout ce qui est animé.
 
Avec une précision de clinicien, l’effondrement de la civilisation est brossé par l'auteur avec cohérence, réalisme. Une fois la messe dite sur le monde d’antan, les différents scénarios qui attendent les survivants font l’objet de réflexions fouillées, et couvrent tout un champ de suppositions : quel avenir pour une communauté puritaine, féodale, ou encore pastorale, ou vivant de pillages, sans projets, ou ayant un penchant collectiviste ? (En pleine guerre froide, il fallait oser !) Il n’est pas jusqu’à l’égalité hommes/femmes qui ne soit abordée, et de façon plutôt virulente dans cet ouvrage.
 
Ce qui en fait également l’originalité, ce sont les préoccupations écologiques (liées à la nourriture, aux plantes qui sont au cœur du récit, aux villes qui se désagrègent) qui sont apposées comme des touches délicates sur la toile de fond de l’histoire, mais qui n’en sont pas moins curieuses lorsque l’on veut bien se souvenir de l’année où en furent écrites les lignes.

Les Triffides a ouvert la voie à des textes de première grandeur. J’ai déjà dit tout ce que Furies lui devait, mais un livre comme Sécheresse de Ballard en descend directement, même s’il est totalement désespéré. Dans Les Triffides il y a au moins l'espoir d’une renaissance future, chez Ballard, c’est cuit.
 
Les Triffides a connu au moins trois éditions en France. La plus ancienne, une adaptation au Fleuve Noir, a permis aux lecteurs de découvrir Wyndham. D’autres ouvrages de cet auteur (Le péril vient de la mer, Les transformés, Les coucous de Midwich…) ont concouru à l’imposer comme l’un des ténors du genre. Enfin Opta publia ce roman dans son intégralité dans la collection « Anti-Monde ». C’est celle qui est désormais reprise lors des rééditions.
 
Pour sa poésie, sa rigueur, ses descriptions et le regard porté sur l’homme, Les Triffides devrait figurer dans toutes les bibliothèques.

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