Le règne animal | 2023

Par | 13/10/2023 | Lu 825 fois




Affiche et synopsis

Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux.

Alors que la région se peuple de créatures d'un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence...

Source : 
AlloCiné (allocine.fr)

Présentation

Un film dans la veine de Lamb ou La Nuée. Pas vraiment de la science-fiction puisque ça se passe de nos jours, peut-être l’an prochain ou l’année d’après, il y a des épisodes météo extrêmes mais les personnages ne s’en émeuvent pas. « Ya plus de saison ! » s’exclame un gérant de paillotte très premier degré.
 
Ça démarre en région parisienne, dans les bouchons, on croit aller vers un scénario catastrophe avec une créature échappée de l’ambulance, peut-être une pandémie, la panique. Finalement les gens semblent assez résignés, on s’achemine seulement vers une nouvelle partition du corps social : eux et nous. Une mère s’excuse de l’image que donne sa fille à l’hosto. Les gens s’excusent de ce qui leur tombe dessus, maladies et malheurs, ils n’y sont pour rien mais se sentent fautifs de quelque chose, sans savoir quoi.
 
Ici, comme dans la vraie vie, la différence est gérée comme un problème sanitaire, et ne peut avoir pour seule réponse que l’enfermement et/ou le traitement médical.
 
C’est donc un film très réaliste, très contemporain, qui ne rejoue pas l’apartheid ou les camps de concentration, il montre la discrimination ordinaire, le rejet banal de l’autre.
 
Romain Duris joue un quadra conscient, qui engueule son môme quand il bouffe des chips pleines de nitrites, dénonce la culture des résineux dans les Landes, mais fume comme un pompier et se trouve dépassé par les événements.
 
Sur le phénomène qui touche certaines personnes, qu’ils appellent mutation, pas vraiment d’explication, mais une manifestation intéressante. Ce n’est pas une régression à l’état sauvage, sans quoi les chiens redeviendraient loups, les hommes redeviendraient singes (d’ailleurs ce serait plutôt l’inverse, au vu des dernières connaissances paléontologiques). C’est plutôt une évolution, au sens même de la mutation, comme l’émergence d’une nouvelle forme de vie. Ce ne sont pas les X-Men qui développent des pouvoirs, le fantasme américain de l’homme augmenté, du Juif ou du Noir qui a quelque chose en plus et qui nous effraie. Il s’agit plutôt d’une histoire européenne, comme la métamorphose de Samsa, le Horla, ou encore les Furtifs : une nouveauté radicale, étrange, plus proche de l’homme en ce qu’elle l’interroge sur sa place dans l’univers. Le film distille l’absurdité de vouloir enfermer des personnes qui ont besoin d’espace. C’est la lutte ancestrale du naturel et de l’artificiel.
 
Pendant un bref instant, on entrevoit le paradis. Des peaux lisses, des écailles, des plumes, des groins, des prunelles verticales, toute une diversité vivant au coeur de la forêt, paisible aux premières lueurs. Puis les fumigènes, les casques et les treillis, les armes. La fin du rêve.
 
J’ai lu que le réalisateur a fait appel à Benoît Peeters et Sylvain Desprez pour travailler l’image, le cadrage, c’est donc un film très français, qui va puiser dans les forces vives de la BD de chez nous, nos imaginaires, avec un casting également très franchouille et qui tient la route. Duris et Exarchopoulos ne font pas vraiment une performance d’acteurs, ils jouent leurs rôles habituels, mais on ne leur en demande pas plus. Ce sont surtout les jeunes qui assurent la réussite du film, Billie Blain dont le personnage est atteint de TDA, et le très bon Paul Kircher, l’ado aux prises avec la mutation. A travers lui, on saisit l’entre deux de l’humain, entre le sauvage et le domestique, les limites de l’hybride aussi. Il y a une scène dans laquelle son ami Fix, l’homme-oiseau, perd définitivement la parole au moment même où il acquiert la capacité de voler. Ce personnage a la gueule cassée : quand son visage a commencé à changer, le nez devenant bec, les toubibs ont voulu lui faire de la chirurgie réparatrice. Bien entendu, les coutures ont craqué.
 
Pour citer un Américain : « la vie trouve toujours un chemin ».

Bande-annonce


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