Mon voisin, un drôle de type...
À la mémoire de Bobonne
Tamines[1], le 17 août, 10h00
Chère page blanche,
Je suis fort excitée. À vrai dire, je me sens retournée, plutôt inquiète. Garé dans ma rue, un énorme camion muni d’une remorque ombrage mon jardin. Très nerveuse, Schtroumpfette, ma chienne, aboie à s’égosiller contre le va et vient des déménageurs qui déchargent le mastodonte.
La villa chic d’à côté restait inhabitée depuis des années. Elle a dû être vendue sans que je le sache. Pas étonnant. À mon âge, je suis un peu dure d’oreille et ne me souviens pas toujours où j’ai laissé mes lunettes. Une bonne partie du monde m’échappe…
Comment seront ces futurs voisins ? Serviables ? Courtois ? Sans gêne ? Barbares ? Allons-nous au moins nous entendre ?
Avec mon rude caractère, je ne suis pas une championne des contacts. De plus en plus ermite, je n’aime pas qu’on empiète sur mon territoire. J’espère de tout cœur que les nouveaux venus n’ont pas d’enfants. Les gosses d’aujourd’hui sont à peine élevés par des parents qui cèdent à tout caprice pour éviter la confrontation. Or, pas d’éducation sans confrontation. Des gamins dans le jardin bordant ma pelouse, ce seraient des ballons shootés dans mes hortensias ou des cris bestiaux sans frein sur un satanique trampoline.
Avec mes jumelles du siècle dernier je guète non pas tant l’activité fébrile des déménageurs que l’arrivée des propriétaires avec lesquels je vais devoir cohabiter. Mais personne ne pointe le bout de son nez. C’est bizarre, non ?
16h30
Et voilà ! Ils ont terminé. Le camion est reparti. Deux bons signes : ni trampoline, ni cage de foot à côté de chez moi ! Dieu merci. Mais il me reste un doute. Toujours aucun occupant en vue. Curieusement, personne n’a signé la fin du déménagement. Le camion reviendra-t-il demain ? Je n’ose y penser. Je dégouline, vais prendre une douche puis une gueuze artisanale. Schtroumpfette a disparu. Peut-être pour se calmer s’est-elle rendue à l’église de Notre-Dame des Alloux. Le curé s’est offert un jeune Bouvier des Ardennes.
Mince ! On sonne ! Je te laisse.
Tamines, le 18 août, 08h00
Chère page blanche,
Je n’en ai pas dormi de la nuit. Comment est-ce possible ? Hier, en fin d’après-midi, on a sonné à ma porte alors que je voulais me doucher. D’humeur contrariée, j’ai ouvert. Je n’avais pas mes lunettes et j’ai dû tendre l’oreille en m’aidant d’une main.
Mon visiteur inattendu, malavisé, s’est d’abord confondu en excuses pour le désagrément. N’empêche, cette délicatesse ne m’a guère apaisée. Il n’arrêtait pas de m’appeler « madame ». Pour rompre mes appréhensions, j’ai cherché une formule adoucissante.
‑ Appelez-moi Bobonne, que je lui dis. C’est ainsi que mes ex-proches me surnommaient avant la grande brouille familiale avec mes enfants.
Il m’a baragouiné une question.
‑ Quoi ? que je lui fais.
‑ Vous ne les voyez plus ? qu’il me répète.
‑ Que non ! Ma fille m’a fuie en Irlande. Mon fils ne me parle plus depuis notre dispute à propos de l’éducation de mes petits-enfants.
Désolé qu’il était, il m’a révélé qu’il occuperait seul, lui aussi la villa. Son boss, un magnat de l’IA travaillait la plupart du temps à Dubaï.
‑ Ben moi, je suis une mamy de l’IN, de l’Intelligence Naturelle, que je lui dis.
Il n’a pas relevé, ajoutant avant de me quitter que son patron avait acheté cette demeure en secret, afin de pouvoir se ressourcer à l’abri des curieux. C’était un peintre du dimanche et la lumière de ce terroir est des plus subtiles pour un amateur.
Vierge Marie ! En me relisant, je constate que j’ai oublié, chère page blanche, de te dire pourquoi j’ai souffert d’une insomnie cette nuit.
Il y a de quoi, non ? Avec ses baskets en plastique, son cache-poussière[2] crème en caoutchouc, sa tête de Polichinelle, sa voix de corbeau, il avait de quoi traumatiser. Mon voisin, c’est un robot, ma chère ! Un « androïde intendant dernier cri », qu’il m’a dit. Un robot, Sainte Vierge ! Comme tous ses semblables, cet automate m’effraie d’autant plus qu’il s’installe à côté de mon petit paradis. Et je n’aime point ces engins, surtout quand ils singent l’apparence humaine, l’image du Seigneur, en quelque sorte. J’ai eu la désagréable impression d’échanger avec un mort-vivant. Pouah ! Dieu sait de quoi ce voisin sera capable !
13h30
Un petit incident s’est produit vers la mi-journée…
Je suivais paisiblement mon émission quotidienne sur TF1, le jeu des « 12 coups de midi ». Comme tu le sais, je suis un peu dure d’oreille, j’ai donc boosté comme d’habitude le volume sonore de mon téléviseur. Alors qu’une candidate répondait à la question « quel est le bisou préféré par 31 % des 20 – 30 ans ? » (réponses au choix : sur la pommette ou sur le bord du menton), un malotru culoté s’est mis à tambouriner comme avec des sabots contre mon entrée !
Encore un colporteur mal léché, que je me dis. Je ne me suis donc pas levée. Mais le tapage a repris de plus belle, dominant même le son de ma télé. Pire qu’un train-fantôme.
‑ Quoi ? que je lui hurle derrière la porte.
‑ C’est le voisin. Y a un souci.
‑ Hein ? que je dis.
J’entendais mal et les invités des 12 coups de midi huaient un participant qui défiait une frêle candidate.
Mon voisin, je l’ai quand même accueilli dans mon salon. Il semblait désolé. C’est fou comme ces robots peuvent exprimer des sentiments de nos jours.
‑ Pourriez-vous avoir l’amabilité de baisser un tantinet le son de votre TV ?
Je n’ai pas compris tout de suite.
‑ Comment ? que je lui lance.
‑ Chère madame, à midi, moi, j’écoute la maison, qu’il m’explique. Hélas, votre émission bruite mon inspection de contrôle.
‑ Ben, écoutez votre maison à 14 heures, que je lui rétorque.
Il n’a guère apprécié. Il est reparti sans un mot. Me bouderait-il ? Cela commence mal notre bon voisinage…
Tamines, le 19 août, heure de la sieste
Chère page blanche,
Tu ne souffres pas de la chaleur, toi ! La journée est partie pour être torride dans toute la Wallonie, particulièrement dans la région de Namur. Je me réjouissais d’un barbecue sur mon antique chaudron de jardin. Végétarienne, j’ai margariné à fond mes légumes pour optimiser leur grillade (poivrons, tomates, aubergines, épis de maïs). Mais bientôt mon repas en cuisson s’est mis à dégager une fumée grasse qu’un vent démentiel a dévié vers la villa voisine.
Alors que je disposais mes couverts sur la table abritée, j’ai cru entendre un bruit bizarre non loin. Mais comme mes oreilles me jouent des tours, je n’y ai pas prêté une attention soutenue. De retour de la cuisine avec ma bouteille de rosé dans le seau à glace, qui c’est que j’aperçois sur ma pelouse, s’avançant vers moi d’un pas militaire ?
‑ Bobonne ! Votre barbecue charbonne ! qu’il me dit, son sang-froid un peu tiède.
‑ Et alors ? que je fais.
‑ Votre fumée dans la véranda de mon maître a déclenché les extincteurs d’incendie. Une pluie artificielle a transformé le tapis persan de monsieur en marécage !
Quelle histoire ! que je pense. Pour m’excuser, je l’aurais bien invité à ma table, mais les robots machins n’avalent ni grillade, ni rosé de Provence. Alors, j’ai essayé de le calmer :
‑ Avec ce temps tropical, votre tapis sera vite plus sec qu’un fossile.
‑ En attendant, grâce à vous, à l’état spongieux, la merveille persane est devenue la maternité des moustiques !
‑ Ça ne doit pas beaucoup vous déranger, vous, les moustiques, que je lui dis.
‑ Si mon maître débarque à l’improviste, c’est sûr que ça me dérange. (Il a incliné la tête de Polichinelle avec tendresse.) S’il vous plaît, Bobonne, plus de barbecue sous le vent méridional !
Je n’allais tout de même renoncer à mes petits plaisirs pour un robot. Cependant, cette histoire de moustiques me titillait :
‑ Qu’allez-vous faire contre ces bestioles ?
Alors, il m’a dévisagée avec malice, si, si, avec malice !
‑ J’ai un bon remède. Des lézards grecs…
Tamines, le 20 août, en fin de soirée
Chère page blanche,
Décidément, ça ne s’arrange pas avec le nouveau voisin. Cette fois, je me sens mal à l’aise, même si je n’y suis pour rien. Quelle stupide anicroche ! En fin de matinée, la canicule menaçait. J’ai déployé le tuyau d’arrosage pour soulager ma pelouse qui entame une sale jaunisse. Un dispositif automatique avec un tourniquet réoriente le jet toutes les deux minutes. Après sa mise en place et son activation, je suis retournée à mes confitures d’abricots (précoces, cette année). Ma Schtroumpfette qui adore l’eau s’est mise à jouer avec le bout du tuyau. Le chien du curé l’a bientôt rejointe. Passant de crocs en crocs, le tuyau a serpenté sous la haie de groseilliers, pour être emporté sur la propriété d’à côté. Comme tu l’imagines, je n’ai pas tardé à être dérangée tandis que j’écumais mes abricots en ébullition. J’ai entendu qu’on répétait « Bobonne ! » sur le seuil de ma cuisine.
Aidé d’un porte-voix, il m’a crié qu’il avait porté le coffre rempli de peintures de son maître jusqu’au jardin, avec l’intention de les aérer pendant une demi-heure (pour éviter les moisissures).
‑ Puis votre chien et l’autre se sont amenés… qu’il me dit.
‑ Ma chienne, que je lui dis.
‑ Les gouaches de monsieur…
‑ Oh ! Vierge Marie ! que je m’exclame.
Il a précisé que son patron tenait particulièrement à ses gouaches, à cause de la délicatesse des pastels.
‑ Désolée, si les gouaches sont gâchées, que je lui dis.
Ce qu’il m’a dévoilé par la suite m’a interpellée. Quelle complication ! Misère de misère ! Trickster (c’est le nom du robot) avait été engagé comme intendant à l’essai. Donc son emploi était conditionnel. À la moindre bêtise artificielle, il serait viré. Bigre ! Par charité chrétienne, j’ai tenté de l’aider de mes conseils. Mais je me suis heurtée à un mur.
Non, il n’allait pas confier la restauration des gouaches arrosées à un peintre professionnel. Non, pas de facture à mes frais. Là, j’ai poussé un gros « ouf » discret.
‑ Tout de même… qu’allez-vous faire des peintures rafraîchies ? que je lui dis.
‑ Je vais m’arranger. Je ne m’appelle pas Trickster pour rien. Mon totem est le coyote, qu’il me dit d’un air espiègle. Et j’ai mémorisé les œuvres de monsieur.
Tamines, mardi le 21 août, nuit tombée
Chère page blanche,
Quelle journée ! Je t’écris sous la chandelle. Panne de courant. Un sacré pépin pour notre quartier ! En ce moment, il est derrière moi, les bras croisés accusateurs. Il m’impose chez moi son attente du retour de la lumière et du « Oui-fi ». Il conversait avec son maître quand la liaison a été brusquement interrompue. Méchante coupure, nom de nom !
Pourtant ma journée se présentait bien. J’étais de bonne humeur, avec un bon sommeil derrière moi. Le mardi, selon ma routine, est consacré au nettoyage de mes cordons électriques. Ils sont légions chez moi. J’ai commencé par les ustensiles de la cuisine (spots, toaster, couteau, friteuse, mixer, frigo, congélateur, machine à café, four à la broche et j’en passe…). Au coucher du soleil, je savonnais le fil de mon lave-linge dans la buanderie. À l’entrée du câble dans la machine, j’ai remarqué un drôle de dépôt crasseux que je n’ai pas eu le temps d’éliminer complètement. Le lave-linge a ronronné… Un anneau d’éclair… Un craquement sourd (comme une ampoule qui saute). La lampe de la buanderie s’est éteinte.
En fait, toute ma maison subissait une panne de courant. Malgré l’heure tardive, j’ai tenté d’appeler mon électricien, quand le battant de ma porte jouait la grosse caisse sur un rythme frénétique.
Mon voisin, lui aussi, était dans le noir. J’avais la pénible impression qu’il me soupçonnait d’y être pour quelque chose. Je lui ai expliqué que je faisais mon ménage lorsque le black-out a frappé. Il est allé vérifier mon lave-linge et là, il a tout compris, du moins c’est ce qu’il a prétendu. Mon nettoyage du fil défectueux a modifié brusquement le voltage de mon installation électrique avec son effet en cascade. Mieux, selon lui, à cause de Bobonne, tous les foyers du coin sont retournés à l’ère des cavernes.
Il insistait : dans ces circonstances, lui, Trickster, il risquait d’être limogé par son maître. Les plats préférés de monsieur dégelaient dans le congélateur et ses grands crus haut-de-gamme n’étaient plus protégés par la juste température dans l’armoire à vin. Sans compter qu’une fois de plus, le Oui-fi était hors-service.
‑ Mais, heureusement, vous êtes un robot Zorro, que je lui dis.
À ma remarque, il s’est comme pétrifié. Ça devait calculer dur dans ses circuits. Soudain, ses yeux poupins se sont mis à clignoter. Avec sa voix rauque, il a fait grincer un mot bizarre « Eukaré » ou « Érakeu », je ne sais plus. Il m’a parlé d’un disjoncteur public qui veille sur la cabine haute-tension de notre quartier (elle est placée au premier croisement de notre rue)…
Alors, tiens-toi bien, il m’a lancé un clin d’œil. Il avait localisé où se nichait notre disjoncteur public ! Après une tape amicale dans mon dos, il a pris la poudre de l’escampette. Marrant, ce robot, non ? Après tout, je lui trouve un brin de gentillesse avec un zeste d’humour.
Tamines, le 22 août, 16h00
Chère page blanche,
Je devrais être toute ragaillardie. Trickster a rétabli le courant de notre quartier. Mais voilà… Un petit malheur ne vient jamais seul. Enfin, petit… pas si petit que ça, le malheur, à en croire mon pauvre robot. J’avais décidé ce matin de tondre la moitié de ma pelouse, là où mon herbe à l’ombre prenait trop de hauteur. J’ai donc programmé ma Landroïde, une tondeuse robot (les robots sont une espèce en expansion). Le hic, c’était que sans lunettes - où donc les avais-je laissées, vingt dieux – cela n’a pas été de la tarte d’instruire le parcours de mon engin. Et, me diras-tu, pourquoi cette fiche machine s’est taillée chez le voisin ? Quelle idée de massacrer parterres de fleurs et plantes sauvages envahissantes ! Surtout que ces dernières étaient préservées pour les abeilles, sur ordre du propriétaire, un grand protecteur de la Nature, d’après l’androïde intendant.
‑ Monsieur va être furieux ! me répétait-il.
À l’évidence, les dégâts végétaux s’avéraient irréversibles, du moins, dans l’immédiat…
C’était impératif, je ne devais pas déranger Trickster ces prochaines heures. Il devait multiplier les formules, en vue d’une solution. Solution impossible, selon bibi. Son engagement à l’essai semblait mal barré, à tous les coups. Je me sentais navrée pour lui. Quelle piètre voisine je faisais ! Juste avant qu’il se replie au calme, chez lui, je lui ai proposé de creuser une piscine surprise pour son maître à l’endroit de « l’accident ». Il m’a remerciée en objectant que son patron ne savait pas nager et que l’installation d’une pièce d’eau prendrait trop de temps.
Vers le milieu de l’après-midi, tu sais quoi ? J’ai perçu, au loin, un ronflement bizarre de plus en plus fort. C’était un hélicoptère. Il s’est posé sur le jardin ravagé, juste derrière ma haie de groseillier. Là, j’ai craint le pire.
Un long bonhomme élégant, aux chaussures noires est descendu de l’appareil. Accueilli par l’intendant robotique, je l’ai vu, il n’a pas tardé à gesticuler comme un lucifer de carnaval.
De mon côté, je ruminais. Je ne voulais pas laisser tomber mon pote le robot. Bien décidée, je me suis rendue dans la villa voisine pour apostropher le big boss qui sirotait un whisky on the rock :
‑ Hep, monsieur ! je suis votre voisine…
‑ Enchanté, mais…
Je ne l’ai pas laissé terminer sa phrase.
‑ Si vous virez Trickster, je le prends, que je lui dis.
‑ Mais, ma pauvre dame, c’est une source d’ennui, ce modèle. Si vous saviez tout ce qu’il a commis en mon absence dans cette résidence…
‑ Il n’en peut rien. C’est à cause de moi, que je lui dis.
Il s’est pincé les lèvres, dirigeant son regard vers le plafond.
‑ OK, voisine, alors, bon tandem avec lui. Il est à vous. J’ai assez donné pour ce spécimen, qu’il me fait en levant son verre ambré.
Tamines, le soir du 4 novembre
Très chère page blanche,
En cherchant des tenailles pour déboucher mon mousseux, je t’ai enfin retrouvé, mon précieux cahier ! Tu avais disparu le jour même où mon malin domestique a emménagé dans ma maison. T’aurait-il confisqué ? Toujours est-il que tu traînais sous un vieux journal au fond de ma caisse à outils (outils que je n’utilise plus depuis la présence de mon robot). En tout cas, pour sûr, ce n’est pas moi qui t’ai glissée dans cette cachette !
Lorsque j’ai demandé à mon automate tip top si c’était lui qui avait caché mon journal intime, ce qu’il m’a répondu sans vergogne m’a paru du charabia : écrire sa vie favoriserait la distanciation, donc l’esprit critique. Une telle rédaction stimulerait Bobonne à juger les services de son robot. Quel blabla ! De toute façon, je ne lui en veux pas.
C’est qu’il me fait tout, mon Trickster ! Même que j’en vois de toutes les couleurs avec lui ! Il me concocte des petits plats épicés pour senior. Il bricole (quel bonheur d’avoir un robot bricoleur ! devrais-je chanter). Il a rafraîchi mon séjour, ma chambre et ma salle de bain, le tout avec un goût trop futuriste pour moi, avec des matériaux collectés dans mon grenier. Il a bidouillé mon vieux vélo : maintenant, j’indique au guidon le cap et le deux roues pédale à ma place jusqu’à ma destination. Il assure ma comptabilité, ne paie mes factures qu’après un échange soutenu de courriers, lesquels pointent coquilles, incohérences des chiffres, montants erronés.
Cette nuit, comme je ronflais, il m’a réveillée. Il m’a cité Hugo : « Tout bruit écouté longtemps devient une voix ». Il a conclu qu’un squatter m’habitait. Mais il m’a dit cela avec un étrange sourire. Mon robot aurait-il été conçu pour être un plaisantin ?
Et la dernière, tu ne vas pas me croire ! Je sentais qu’il mijotait quelque chose, je l’ai espionné. J’ai découvert la surprise de ses préparatifs : pour mon anniversaire, il a réussi, j’ignore comment, à faire venir ma fille et mon fils !
Tu comprends maintenant, ma chère, je ne peux plus m’en passer de ce… comment dire ? Ce grand et indécrottable farfadet !
Notes :
[1] Grand village wallon dans la province de Namur, en Belgique.
[2] Vieille expression belge pour tablier, blouse de travail.