Textes de Michel Maillot




Plein gaz ! ou Le garage Heuristique | Michel Maillot | 2024

Par | 09/06/2024 | Lu 921 fois




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Avis aux résidents de l’Héliosphère

Une réparation imprévue sur votre Astronef dernier hurlement ?

Un dysfonctionnement sur votre vaisseau cosmorganique ?

Une seule adresse pour le système solaire, la nôtre.

Ne vous laissez pas embarquer par les arguments fallacieux d’une concurrence dépassée. Fut-elle, le chantre des ultimes et soi-disant plus efficaces, parce que modernes, technologies à la mode et en vigueur. En vigueur ? Laissez-nous rire. Les réparations à la va comme je te pousse, de la main-d’œuvre non qualifiée, exploitée et sous-payée, en provenance des colonies extra-solaires, ne pourront, hélas, que vous retourner une charrette pantelante qui demandera rapidement grâce.

Non, c’est notre garage heuristique en orbite autour de Saturne, ce qui le met en proche banlieue de la Terre, qui vous offrira le meilleur, pour vous et votre bien-aimé véhicule.

Les soins que nous apporterons à votre accueil et à votre séjour balaieront instantanément ces réticences que les trolls, tous sauf drôles, essaient d’infuser en ternissant notre réputation sur les réseaux spatiaux.

Nous vous attendons d’ores et déjà dans notre repaire, une coupe de champagne Saturnien à la main, ou à tout ce qui se peut faire office d’appendice préhensile.

Première à gauche en sortant des anneaux extérieurs et en contournant Encelade, direction Titan. Les bornes tracto-spatiales vous conduiront en toute sécurité chez nous.

Pour le célèbre garage Heuristique de l’éminent Sitbal, TechnoChir hors pair du système solaire,

Moebius, votre serviteur

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Plein gaz ! ou Le garage Heuristique | Michel Maillot | 2024

Un fatras de pièces métalliques, d’écrous, de tubes et autres morceaux difficilement identifiables qui traînaient partout. Soit par terre, soit recouvrant de longs établis qui étalaient leurs mornes usures causées par d’interminables heures, mélanges de sueur et d’imprécations. Également, d’insupportables machines de tailles diverses, heureusement pas trop grandes et trop grosses pour éviter collisions et blessures humaines ou synthétiques. Des appareils qui rampaient sur le sol ou qui volaient en tous sens dans le vaste espace en maugréant, poussant des jurons, comme si elles étaient des êtres animés de conscience et d’âme. Et peut-être l’étaient-elles, qui peut savoir, si comme elles on déambulait, on s’affairait avec une mine paraissant renfrognée pour satisfaire quelque besoin inassouvi dans un but qui dépassait l’entendement et la pensée humaine. Encore aussi, éparpillés sans agencement particulier, de multiples frigos verticaux ou horizontaux, dont les portes et couvercles, résonnaient de coups d’impatience frappés de l’intérieur pour manifester un désir de servir. Au milieu de tout ce fracas se trouvait le maître des lieux. Enfin maître, il n’en donnait guère l’impression. Dans sa Technoclinique située sur une lune de Saturne, le vieux Sitbal, TechnoChir pour les uns et pour les autres, garagiste un peu hermétique, n’aimait guère la compagnie des hommes. Un rien misanthrope, il préférait celle des robots, de ses joyeux comparses, plutôt foutraques, mais qui lui rendaient bien son affection, non sans taquinerie par moment. D’ailleurs, ceux de tout à l’heure le savaient bien, ils s’écartaient de son chemin, autant par dévotion envers le créateur que par crainte de se prendre un coup de clé de douze sur la cafetière. Et Dieu sait, si côté cafetière ils s’y entendaient ces tas de ferraille. Mais au fond, le bougon les aimait toutes et tous, les connaissait par leurs noms. Parfois, il les cajolait, les caressait ou les engueulait, quand, de mauvaise humeur, il les trouvait sur son passage à moins qu’ils ne se cachent exprès pour l’enrager. Tiens, d’ailleurs.

— Où est-ce que j’ai foutu ce damné tournefil ? gronda Sitbal en jetant des coups d’œil à gauche et à droite. Jamais là quand on a besoin de lui, celui-là.

Penché sur les entrailles du pulseur impudiquement étalées devant lui, il écartait les mains en signe d’impuissance.

— Comment veux-tu opérer dans des conditions pareilles ? continua-t-il sur le même ton irrité.

Bourdonnant à côté de lui, son ami, l’assistant cyber, voletait en essayant tant bien que mal de le contourner pour distinguer où pouvait en être le vieil homme.

Excédé, celui-ci balança une chiquenaude du revers de la main qui résonna sur le flanc du robot et l’envoya tituber dans les airs. Jouant de ses gyros, il reprit son assise dans l’espace pour se rapprocher prudemment.

— Moebius, plutôt que de m’agacer les esgourdes, tu ferais bien de m’aider ! gronda le vieux, tu vois bien que l’anesthésie ne va pas tarder à cesser de faire effet.

— Si tu rangeais un peu mieux tes affaires aussi, lui rétorqua l’autre, qui se démontait rarement en dehors de son entretien habituel.

— Ça te va bien de critiquer ! retourna Sitbal, c’est facile pour toi, tu as tout dans ton ventre, bien à l’abri. Moi j’essaie de poser les outils en ordre à l’endroit où je désire les retrouver. Pas ma faute à moi, s’ils changent de place tout seuls à leur bon vouloir.

Faisant entendre un bourdonnement de ses ailes à moitié réprobateur, Moebius s’éloigna à tire d’ailes colibresques quasi invisibles. On perçut des bruits de ferrailles et de chute métallique avant de le voir revenir triomphalement, retenant dans une de ses pinces, sortie pour l’occasion, le tournefil qui se débattait comme un beau diable.

— Voilà, suffisait de chercher au bon endroit, lança-t-il victorieusement.

— C’est sûr qu’au mauvais ne rapporte pas grand-chose, maugréa le vieil homme, reconnaissant rarement le mérite de l’autre.

Sans plus de remerciements, il se saisit de l’appareil qui se calma instantanément, sentant que l’orage couvait. De ses doigts habiles, Sitbal enfonça l’outil entre deux artères pulsantes de l’hybride pour venir resserrer, ici, un boulon récalcitrant, là, cautériser la jonction circulatoire.

— Voilà, jeta-t-il d’un air satisfait, plus pour lui-même qu’en direction de l’assistance, retenant son souffle afin d’éviter les horions et quolibets d’usage. Un peu d’intracorol pour cicatriser et ça sera réglé.

À peine refermé le capot chitineux, tout le monde se remit à cliqueter, tintinnabuler comme à son habitude, sans plus se soucier du voisin ou du vieil homme. Le TechnoChir poussa un soupir de découragement devant le tintamarre qui reprenait place.

C’est à cet instant que le carillon tonitruant de l’entrée du labo balaya l’atmosphère en tourbillonnant comme une tornade acoustique.

— Nom d’un Caragole, s’écria Sitbal en se bouchant les oreilles, quelle est l’andouille qui a déréglé le volume de la sonnerie ?

À nouveau, les habitants du garage-clinique se turent pour abandonner l’espace sonore à l’intrus et ne pas attirer l’attention sur eux, coupables ou non de la facétie.

— Voilà, voilà, on arrive, hurla Sitbal par réaction et pour se faire entendre, Moebius, coupe-moi ce bazar et va voir de qui ou de quoi il retourne.

Suivant le cybervolant, il parvint quasi en même temps que lui pour accueillir le visiteur.

La porte du sas laissa pénétrer un individu dont l’aspect extérieur jurait parfaitement avec celui des occupants du garage. De haute taille, suffisante pour avoir bousculé avec l’encadrement de l’ouverture, l’espèce de tiare de tissu qui surplombait son visage. Manifestement d’humeur peu amène, il repositionna le couvre-chef à l’aide de deux de ses membres latéraux supplémentaires. Les vêtements chamarrés, plutôt amples, semblaient animés de vie propre comme pour onduler gracieusement autour de la silhouette. À moins, qui sait, qu’ils ne se révèlent eux-mêmes l’émanation vivante de l’individu qu’ils paraissaient revêtir. Mais peu importe, ce n’est pas ici, en ce lieu, qu’on se permettait de juger et donner des leçons de mode ou de bienséance.

S’essuyant les mains sur sa blouse déjà bien maculée, Sitbal un peu embarrassé quand il s’agissait de protocole ou tout bonnement de relations extra, intra ou simplement humaines, fit signe au visiteur de s’avancer. Il baragouina son inconfort.

— Bonjour monsieur, entrez donc dans notre modeste demeure, excusez le désordre, mais nous n’avons pas trop l’habitude de recevoir et…

L’autre leva une ou deux tentacules surgissant de son dos pour interrompre le vieil homme.

— Pas de nécessité de jouer de diplomatie en ces lieux, lança l’individu, un rien dédaigneux en balayant les alentours de ce qui semblait un regard filtrant sous sa tiare en soie. Je me présente, je suis Sibérius, ambassadeur de sa très haute et inestimable grandeur l’Altesse Sérénissime, empereur de toutes les galaxies, j’ai nommé l’immense Babylas V.

Tandis que Moebius agaçait l’air de ses ailes, Sitbal se retint de rire à l’image et au son que projetait le visiteur. Ses répétitifs effets costumiers accompagnaient la grandiloquence du discours de l’individu. Il fallait se contrôler. Un client est un client et celui-ci devait probablement représenter la nécessité d’éviter l’incident diplomatique ou bassement économique.

— Oui monsieur, votre grâce, seigneur Sibérius, comme vous souhaitez qu’on s’adresse à vous, avança le vieux TechnoChir, que pouvons-nous accomplir pour vous ?

Un geste d’agacement de ses multiples tentacules latéraux vit reculer Moebius qui sentait poindre la bourrade.

— Appelez-moi Seigneur, ça fait l’affaire pour les espèces inférieures. Je suis venu vers vous parce que, paraît-il, vous seriez le meilleur réparateur d’engins sillonnant l’espace. Notre présence ici réclame, exige de délivrer à notre guide suprême tous les droits qu’il compte exercer sur votre galaxie, la Voie Lactée. Comme je l’ai dit, l’empereur est le maître incontestable de tout cet univers, d’où l’ultimatum posé en personne aux peuples en présence. Nul doute que l’accueil se doit d’être le plus favorable. Dans sa grande magnanimité, sa Majesté laisse un peu de temps à vos représentations arriérées, pour prendre acte et préparer, avec votre réponse, les multiples biens qu’il est en droit d’attendre de ses vassaux. Dans le cas bien improbable où le retour s’avérerait autre…

Le plénipotentiaire s’arrêta pour sortir, dont on ne sait où, des tissus dont il se servit pour essuyer sans doute quelques narines apparaissant ou disparaissant là où devrait se situer un visage. Les jetant au sol sans plus de cérémonie, il ignora les robots rampants qui vinrent se saisir des rebuts pour les faire partir en fumée dans les incinérateurs de leurs ventres métalliques.

— Donc, si la réponse devait nous être rendue autrement qu’attendue à notre retour, nous serions dans l’obligation de détruire toutes espèces demeurant sur les planètes gravitant autour des étoiles de cette galaxie.

Sitbal ne put s’empêcher de sursauter.

— Ah oui, quand même. Mais je ne vois pas très bien là où mon rôle peut se situer dans cette affaire.

— Vous n’avez ni le rang ni la possibilité d’intervenir sur ce sujet. Non, votre mission c’est de pallier l’embarras qui est le mien, le nôtre, suite à un dysfonctionnement regrettable de notre vaisseau intergalactique. C’est le seul de sa sorte pour des raisons de sécurité évidente. Celui qui dispose de toute la puissance de feu nécessaire dont nous l’avons équipé. Le seul pouvant voyager entre nos mondes si éloignés qui appartiennent à notre chef absolu. Un navire et des armes lui assurant la totale maîtrise sur les peuples aveugles à sa lumineuse existence. Hélas, il ne fonctionne plus, ou en tout cas pas comme il devrait, pour franchir l’espace-temps qui nous sépare. C’est intolérable, car rien ne doit entraver la marche implacable et primordiale de notre guide suprême. En deux mots, notre vaisseau souffre d’une maladie et ne peut produire le nécessaire pour gagner la vitesse permettant d’atteindre, d’ouvrir et de passer le portail menant à notre demeure.

Le regard de Sitbal s’illumina un bref instant.

— Ah, une nef cosmorganique je suppose, voyons voir, laissez-moi consulter mon livre pour déterminer quand je pourrais m’occuper de…

De multiples gestes d’agacement ou de fureur rentrée émanant de l’ambassadeur stoppèrent son discours.

— Pas question pour Son Altesse d’attendre, nous sommes prioritaires, je ne devrais pas avoir à le dire. C’est intolérable. Vous devez vous y consacrer séance tenante et dans ce cas obtenir une récompense à la hauteur de notre générosité. À l’inverse, nous nous verrions dans l’obligation de pulvériser votre sordide garage et chercher ailleurs, ce n’est pas ce qui doit manquer…

Le vieux TechnoChir fronça les sourcils.

— Vous ne vous montrez guère patient ou civil mon… Seigneur, ici, on ne fonctionne pas sous la menace et vous aurez beaucoup de mal à trouver mieux autre part. Je veux bien regarder ce qu’il en retourne et vous donner le résultat de mon expertise…

À nouveau, l’ambassadeur le coupa de ses expressions multicolores changeantes en provenance de ses vêtements, son corps ou les deux sans doute.

— Voilà qui est réglé, prenez avec vous le nécessaire et accompagnez-nous immédiatement, la navette nous attend à l’extérieur. Le Biltog se trouve en orbite basse.

Sitbal se saisit en grommelant de sa mallette d’urgence qui patientait à côté de l’entrée. Il fit signe à Moebius de le suivre pour l’assister dans son voyage. Celui-ci ne se fit pas prier, inquiet qu’il était de cette visite et de ses conséquences. Il enclencha la vitesse supérieure de ses ailes vrombissantes qui émirent un hoquet avant de repartir de plus belle. Il passa le sas qui se refermait en penchant son corps sphérique vers la proue, pour éviter de se retrouver coincé et parvenir à rattraper les deux autres, partis sans attendre.

***

La porte du garage s’ouvrit en chuintant. Les divers composants en vadrouille dans le passage se précipitèrent pour regagner comme si de rien n’était, qui, leur emplacement en hauteur, qui, leurs abris sous étagères basses ou établis pour se faire oublier du propriétaire.

Sitbal, d’humeur joyeuse, ce qui était plutôt rare, jeta sa sacoche sur la petite commode qui rentra les épaules pour absorber le choc. Moebius agitait ses ailes brumeuses d’inquiétude en suivant avec difficultés les grandes enjambées du vieux TechnoChir. Il ne tarda pas à manifester son impatience.

— Mais enfin, qu’est-ce qui t’a pris ? chouina-t-il en direction de son complice.

Un léger sourire aux lèvres, Sitbal s’avança vers son vieux fauteuil fatigué pour se laisser tomber sur son assise défoncée. Les ressorts poussèrent un cri de gémissement et de protestation rentrée avant de retourner à leur torpeur. Posant ses mains sur les accoudoirs, dont le cuir usé se rappelait les griffes des multiples chats les ayant fréquentés, il releva la tête vers son associé.

— Mon vieux Moebius, que je t’explique pourquoi ce jour est béni.

Il renifla un coup et se saisit d’une de ces cigarettes faites main dont on préférait ignorer la constitution intérieure. L’ayant allumée et tiré une bouffée odorante, il reprit.

— Alors voilà, j’ai bien observé et discuté avec le vaisseau cosmorganique, le Biltog. Son souci, hormis le fait d’être l’esclave de ces dangereux hurluberlus, était de nature organique. Tu ne vas pas le croire, mais la technique de déplacement hyperspatial et interunivers est liée à l’utilisation de son anatomie bien particulière. La nourriture qui lui est fournie enclenche des réactions du système digestif qui du côté supérieur absorbe la quasi-totalité de ce qui est ingéré et de l’autre inférieur provoque la fabrication de gaz hautement répulsif. C’est l’évacuation, tu m’entends bien, l’évacuation arrière qui propulse l’animal dans les profondeurs du cosmos ! Incroyable, ça serait tordant, si ce n’est ce qu’endure la malheureuse créature. Bref, elle en a développé des irritations inflammatoires qui ont mis en panne tout son appareil digestif. Raison pour laquelle, Son Altesse et sa clique ne pouvaient pas rentrer chez eux ! Je me suis entretenu longuement avec la pauvrette et j’ai donc décidé de la guérir, au vu de ses souffrances largement supérieures aux ennuis qu’elle subissait par ailleurs.

Moebius tangua sa désapprobation aérienne vers Sitbal.

— Mais tu te rends compte que tu as rendu service et libéré ces dangereux maniaques. Ils vont pouvoir mettre leurs menaces à exécution, rentrer chez eux, opprimer les leurs avant de revenir régler notre sort. Et je ne parle pas de cette malheureuse créature que tu as débarrassée de sa maladie pour la livrer à nouveau à ses chaînes…

Le vieux TechnoChir leva sa main fumeuse pour calmer le robot aérien.

— Attends, je n’ai pas fini, déclama-t-il entre deux bouffées euphorisantes. Lors de nos brèves conversations télépathiques, par l’intermédiaire de mon casque neurotransmetteur, j’ai pu échanger avec notre pauvre amie. Elle m’a expliqué où se situaient les capsules des quartiers d’habitation des passagers. Elles sont insérées dans les circonvolutions hautes de ses intestins, seul endroit possible qui se trouve de plus à l’abri de l’expulsion gazeuse basse. Nous avons élaboré ensemble un plan d’action pour les soins et la suite. C’était pas évident pour elle, vu les conséquences, mais elle a accepté, connaissant les éventualités offertes. Je lui ai donc administré le traitement pour éliminer toute infection et désagrément en cours, puis le pansement doublant sa membrane intestinale en vue du redémarrage. Enfin, chose vendue à l’ambassadeur qui se montrait tout sourire à l’idée de pouvoir repartir, j’ai ajouté, sans frais supplémentaires, de la levure de Kourgountz pour améliorer et stimuler le système digestif de la créature.

— De la levure de Kourgountz ?!!! s’écria Moebius, mais c’est un puissant…

Le robot ailé, qui n’en pouvait plus de tournoyer son émotion dans les airs, trouva plus prudent de se poser sur l’établi jouxtant le fauteuil. Sitbal inhala une grande bouffée de sa cigarette, avant de jouer à projeter des ronds de fumée vers le plafond. Tout autour de lui, attentifs à l’histoire, plus rien ni personne n’osait lever un petit doigt ou une extrémité quelconque. Mais comme le travail ne tarderait pas à reprendre, le silence, une fois n’est pas coutume, ne persisterait pas longtemps. Il serait à nouveau brisé par le concert d’entrechocs des pièces détachées se disputant la meilleure place dans le hangar du garage heuristique.

Sitbal finit par opiner du chef, jugeant que l’attente avait assez duré.

— Oui, un puissant laxatif répondit-il en consultant sa montre universo-temporelle. À ce moment même, lancé à toute vitesse aux confins du vide intersidéral, le Biltog va péter des flammes, être pris d’une diarrhée monumentale qui va éjecter aux quatre coins du néant la totalité des capsules de passagers. Les spasmes d’évacuation vont expulser tout ce beau monde dans l’espace, d’où ils pourront admirer, au milieu de nulle part et des déjections liquides éparpillées, la splendeur du cosmos. Exit sa Majesté, l’ambassadeur et sa troupe qui vont pouvoir danser parmi les étoiles. Adieu veaux, vaches, cochons, lait, couvée et rêve de grandeur extragalactique. Le peuple là-bas, retrouvera bientôt sa liberté, comme notre ami l’astronef qui va lentement se remettre avec ce que je lui ai prescrit pour reprendre sa destinée en main. Une fois pleinement rétablie de son nettoyage interne, elle pourra s’éloigner du nouveau domaine de Babylas V, empereur incontestable et incontesté du vide sidérant et sidéral.

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