Copyright @ 2020 Le Galion des Etoiles | Requête irrecevable de Robert Yessouroun
À 7 heures 29, ce mardi-là, en sueur, le pauvre Éloi se réveilla d’une humeur morose, ce que confirmèrent les calculs de son androïde domestique, qui anticipait déjà le pire. C’est que, tout artificiel qu’il fût, Gonzac n’en pouvait plus de ces demandes qu’il ne pouvait satisfaire. Une vraie calamité ! Ces derniers temps, son maître s’en était fait une spécialité. Serait-ce là, le signe d’une déficience, d’un mal devenu chronique ? Dans l’affirmative, n’était-ce pas rédhibitoire pour un robot de servir une telle tare ? Gonzac lança donc une recherche soutenue, afin d’obtenir une procédure qui le préserverait de ces RI (Requêtes Irrecevables). Forcément, il ne tarda pas à découvrir une parade parmi les milliards de milliards de milliards de données.
Le quadragénaire en pyjama chamarré de colombes commença la matinée en grommelant dans son lit, sous la couette. Puis, de but en blanc :
‑ Veux pas travailler aujourd’hui, Gonzac…
‑ Dommage, monsieur Éloi. Désolé.
‑ Tu ne me demandes pas pourquoi ?
‑ Vous me le volez de la bouche, monsieur.
‑ Eh bien, sache que je suis devenu gémirophobe !
‑ « Gémirophobe », répéta l’androïde. Inconnu dans mon lexique. Néologisme ?
L’homme soupira :
‑ Les discours de la plainte m’angoissent.
‑ Pourtant, dans votre métier, n’est-ce pas un peu votre pain quotidien ?
‑ Pire, mon vieux, c’est ma source de revenu.
‑ Alors, ne serait-il pas sage de vous rendre quand même à votre travail ?
‑ Non. Vais changer de métier. Fini, la psychanalyse !
‑ Fort bien, monsieur Éloi.
‑ Tu ne me demandes pas quelle sera ma nouvelle profession ?
‑ Vous me coupez l’herbe sous le pied, monsieur Éloi.
Le thérapeute dressa le dos, tout fier, pour déclarer qu’il allait devenir garde-forestier. Adieu, les jérémiades !
‑ Parce que vous croyez que les arbres ne se plaignent pas ?
Éloi nargua son valet :
‑ Si c’est vraiment le cas, les végétaux restent bien discrets, eux, au moins !
‑ Oui, pour les profanes, qui ne savent pas les observer…
Visiblement, Gonzac déprimait son propriétaire au regard baissé sur la couette…
‑ Monsieur désire-t-il un concentré de publicités, un Euphorimax, par exemple ?
‑ Plus tard, plus tard, peut-être. (Un temps.) En attendant, peux-tu aller me remplacer ?
‑ Je comprends mal la question.
‑ Peux-tu te rendre à mon cabinet, pour soulager mes patients ? Ce sera un défilé croquignolet, aujourd’hui…
Encore une RI, conclut l’analyseur de l’androïde. Quel patient se confierait à un serviteur artificiel ? Le moniteur de contrôle activa aussitôt la parade.
‑ J’accéderais à votre demande, monsieur Éloi, mais à une condition.
Son maître écarquilla les yeux, comme pour demander : laquelle, bon sang ?
‑ Si et seulement si vous m’augmentez.
‑ Toi ? T’augmenter ? Mais tes yeux, tes oreilles, ton intelligence, tout en toi est déjà bien augmenté, non ?
‑ Ici, il s’agit de l’augmentation de mon module de la patience.
‑ Et pourquoi te faudrait-il plus de patience ?
‑ Pour vous supporter, monsieur Éloi.
Effaré, son maître se recroquevilla d’abord sous la couette.
‑ Misère ! En fait, tu te plains, toi aussi ! Quelle horreur !
Puis, tout rouge, Éloi bondit hors du lit, pour foncer vers la salle de bain.
‑ Je file au travail !
‑ Puis-je vous proposer des boules Quies, monsieur ?
Le quadragénaire en pyjama chamarré de colombes commença la matinée en grommelant dans son lit, sous la couette. Puis, de but en blanc :
‑ Veux pas travailler aujourd’hui, Gonzac…
‑ Dommage, monsieur Éloi. Désolé.
‑ Tu ne me demandes pas pourquoi ?
‑ Vous me le volez de la bouche, monsieur.
‑ Eh bien, sache que je suis devenu gémirophobe !
‑ « Gémirophobe », répéta l’androïde. Inconnu dans mon lexique. Néologisme ?
L’homme soupira :
‑ Les discours de la plainte m’angoissent.
‑ Pourtant, dans votre métier, n’est-ce pas un peu votre pain quotidien ?
‑ Pire, mon vieux, c’est ma source de revenu.
‑ Alors, ne serait-il pas sage de vous rendre quand même à votre travail ?
‑ Non. Vais changer de métier. Fini, la psychanalyse !
‑ Fort bien, monsieur Éloi.
‑ Tu ne me demandes pas quelle sera ma nouvelle profession ?
‑ Vous me coupez l’herbe sous le pied, monsieur Éloi.
Le thérapeute dressa le dos, tout fier, pour déclarer qu’il allait devenir garde-forestier. Adieu, les jérémiades !
‑ Parce que vous croyez que les arbres ne se plaignent pas ?
Éloi nargua son valet :
‑ Si c’est vraiment le cas, les végétaux restent bien discrets, eux, au moins !
‑ Oui, pour les profanes, qui ne savent pas les observer…
Visiblement, Gonzac déprimait son propriétaire au regard baissé sur la couette…
‑ Monsieur désire-t-il un concentré de publicités, un Euphorimax, par exemple ?
‑ Plus tard, plus tard, peut-être. (Un temps.) En attendant, peux-tu aller me remplacer ?
‑ Je comprends mal la question.
‑ Peux-tu te rendre à mon cabinet, pour soulager mes patients ? Ce sera un défilé croquignolet, aujourd’hui…
Encore une RI, conclut l’analyseur de l’androïde. Quel patient se confierait à un serviteur artificiel ? Le moniteur de contrôle activa aussitôt la parade.
‑ J’accéderais à votre demande, monsieur Éloi, mais à une condition.
Son maître écarquilla les yeux, comme pour demander : laquelle, bon sang ?
‑ Si et seulement si vous m’augmentez.
‑ Toi ? T’augmenter ? Mais tes yeux, tes oreilles, ton intelligence, tout en toi est déjà bien augmenté, non ?
‑ Ici, il s’agit de l’augmentation de mon module de la patience.
‑ Et pourquoi te faudrait-il plus de patience ?
‑ Pour vous supporter, monsieur Éloi.
Effaré, son maître se recroquevilla d’abord sous la couette.
‑ Misère ! En fait, tu te plains, toi aussi ! Quelle horreur !
Puis, tout rouge, Éloi bondit hors du lit, pour foncer vers la salle de bain.
‑ Je file au travail !
‑ Puis-je vous proposer des boules Quies, monsieur ?
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Texte @ Robert Yessouroun, tous droits réservés