Terremer | Earthsea | Ursula K. Le Guin | 1968-2001

Par | 15/11/2011 | Lu 937 fois




Terremer (Earthsea, 1968-1972)

Ici, il y a des dragons. Il y a des enchanteurs, une mer immense et des îles. Ged, simple gardien de chèvres sur l'île de Gont, a le don. Il va devenir au terme d'une longue initiation, en traversant nombre d'épreuves redoutables, le plus grand sorcier de Terremer, l'Archimage.

Fiche de lecture

Le Sorcier de Terremer (A wizard of Earthsea, 1968) :

Plutôt sympa. On commence à suivre l'histoire de Ged, un jeune garçon doué de pouvoirs magiques qui, après avoir été l'apprenti du mage Ogion, et poussé par l'ambition, décide de partir à l'école de magie de l'île de Roke. On pourrait se croire dans Harry Potter, mais il n'en est rien, car l'ambition de Ged – qui n'est d'ailleurs pas si sympathique que cela – et sa fierté seront sa perte. Ce n'est qu'après une très dure leçon qu'il commencera à comprendre...

Le type de magie basé sur les noms rappelle d'autres univers (Christopher Paolini, par exemple), mais le monde est original, un immense archipel, d'où l'on vogue d'île en île. On passe d'ailleurs pas mal de temps en bateau. Quant au rapport éventuel avec Harry Potter, il suffit de regarder les dates de publications pour savoir lequel a pu inspirer l'autre. Un récit aux personnages complexes et humains, où la magie est présente, mais n'est pas forcément l'élément le plus important, elle n'est pas toute puissante, et doit être utilisée avec discernement pour respecter l'équilibre du monde.

Les Tombeaux d'Atuan (The Tombs of Atuan, 1970) :

L'histoire ne commence pas du tout où l'auteur nous a laissés. Un autre continent, une autre culture, une petite fille sélectionnée pour devenir la nouvelle grande prêtresse d'un culte étrange et sombre, celui des « Sans Noms » (« Nameless Ones » en Anglais, traduits pas « Innommables » en Français) avec leur domaine où la lumière est interdite, et tous ces rituels apparemment dénués de sens. Pourtant, le récit finira par rejoindre le précédent, même si pas mal d'années se sont écoulées entre les deux, et tout dépendra du choix d'Arha la Dévorée, prêtresse éternellement réincarnée, lorsqu'un sorcier -Ged devenu adulte- vient violer son sanctuaire...

Un huis-clos, oppressant, où la magie semble quasiment absente, mais un deuxième tome qui vaut largement le premier.

L'ultime Rivage (The Farthest Shore, 1972) :

Encore une fois, bien des années ont passé. Ged est maintenant l'archimage de Roke depuis 5 ans (il commence d'ailleurs à trouver le temps long, lui qui voyageait sans arrêt), et la plus grave crise qui soit menace Terremer: la magie est en train de disparaître. Les sorciers et les bardes oublient les mots de l'ancien langage, et une chape semble peser sur tout, ôtant toute saveur à la vie. On comprend vite (plus vite que lui) qu'Arren n'est pas là par hasard, mais cela n'empêche pas de s'interroger sur les raisons de cette étrange folie qui semble s'emparer des mages, et de trembler face à cet ennemi insaisissable...

Une fois de plus, un récit d'Ursula K. Le Guin vraiment original, où les personnages sont aussi importants que l'histoire, avec les doutes et certitudes d'Arren, et Ged qui semble tantôt fort et tantôt fragile.

Tehanu (Tehanu, 1990)

Tenar après avoir été libérée des tombeaux par Ged a été l'élève d'Ogion, l'ancien maître de Ged. Celui-ci était disposé à lui enseigner tout ce qu'il savait, mais la jeune femme préféra épouser Silex, un paysan de Gont. Elle eut deux enfants de lui, Pomme qui se maria avec un négociant de Valmouth, et Étincelle qui devint marin. Le livre commence alors que Ged et Arren n'ont pas encore triomphé de Cygne dans le livre précédent. Tenar, surnommée ici Goha, est une jeune veuve qui a entre quarante et cinquante ans. Elle vit seule dans la ferme de Silex jusqu'au jour où elle recueille une petite fille qui a été mutilée et violée par ses parents. Therru a été très grièvement brulée sur une partie du corps, elle porte de très sérieuses cicatrices, est aveugle d'un œil et est handicapée d'une main. De plus, elle est très renfermée et faible.

Fiche de lecture

Cette fois, on repart juste à la suite du précédent tome, et on retrouve Tenar, devenue fermière, mariée, mère puis veuve... Enfin, elle a recueilli Terrhu, une petite fille brûlée et laissée pour morte par sa famille. Il s'en est passé des choses pendant que Ged était parti. Il revient alors, à moitié mort lui aussi, ayant perdu ses pouvoirs, et incapable de faire face à la vie en tant qu'homme. L'archimage étant parti, que reste-t-il hormis un gardien de chèvres ? Bref, tout repose sur les épaules de Tenar, mais sera-t-elle assez forte pour s'occuper de tous ceux qui ont besoin d'elle ?

De nouveau, Ursula K. Le Guin change de style, et s'attache à nous montrer ce monde tel qu'il est vu -et ressenti- par les femmes. Nous découvrons ainsi un monde dirigé par les hommes, où les femmes n'ont aucun droit, et sont méprisées (y compris les sorcières) par les mages. Nous découvrons aussi pourquoi les mages sont célibataires. Un tome où la magie est relativement absente (puisque l'on suit des personnages qui en sont dépourvus), mais toujours très bien fait du point de vue psychologie et scénario. Cependant, je reste un peu déçu par la fin qui arrive un peu brutalement (tout est plié sur un chapitre), même si l'on soupçonne quelque chose depuis un moment.

Contes de Terremer (Tales From Earthsea, 2001)

Terremer est un nom magique, mais Terremer est d'abord un lieu magique, ensorcelé, un chapelet d'îles. La plus étrange et la plus puissante est l'île de Roke, qui abrite l'école des sorciers. Car, dans le monde de Terremer, la sorcellerie est une science qui se pratique selon des règles strictes. Ursula Le Guin est revenue explorer sa création dans ces contes qui se situent avant, entre ou après les événements décrits dans Terremer, publié dans la même collection.

Fiche de lecture

Ce tome est un recueil de nouvelles d'Earthsea, à des époques plus ou moins lointaines du cours normal des autres tomes. De nouveau, les femmes y prennent une place importante, en dépit des efforts des mages pour les discréditer « Weak as women's magic, wicked as women's magic ». Leurs pouvoirs sont de fait souvent difficiles à définir, « Deep as the roots of trees » comme disait Auntie Moss dans Tehanu. Des histoires parfois un peu sombres, mais toutes touchantes. Note: bien que ces nouvelles se passent principalement avant les autres livres, ce tome n'est pas à lire avant. Il permet d'en apprendre plus sur le monde de Terremer, et sur certains événements auxquels il a parfois été fait référence.

Le Trouvier (The Finder, 2001) :

Cette nouvelle, qui se passe environ 300 ans avant le premier tome, mais de nombreuses années après l'époque d'Erreth-Akbe et de Morred, raconte les origines de l'école de Roke en des temps troublés dangereux. On suit l'histoire de Loutre, un jeune garçon doué, mais qui doit cacher son don, car il ne fait pas bon être sorcier sous le règne du pirate Losen et de son sorcier attitré Gelluk. Il faut être avec lui (sous la contrainte) ou contre lui (mais généralement peu longemps...). Heureusement, Loutre trouvera de l'aide en des endroits inattendus.

Rosenoire et Diamant (Darkrose and Diamond, 1999) :

Est-il possible de concilier les aspects contradictoires de sa vie, quand on a le Don, qu'on est fils d'un riche proriétaire terrien, qu'on est musicien et amoureux d'une sorcière ? Peut-être... ou peut-être pas...

Les Os de la Terre (The Bones of the earth, 2001) :

Où l'on apprend comment Ogion a calmé le tremblement de terre de l'île de Gont. On apprend en fait comment il a n'a pu le faire qu'avec l'aide de son maître Heleth, utilisant une magie plus ancienne que celle de Roke, une magie de Gont. Nouvelle se situant avant le tome 1, lorsqu'Ogion était encore jeune.

Dans le grand marais (On the High Marsh, 2001) :

Un soigneur arrive dans un marais où une peste sévit, décimant les troupeaux. Il va tenter de soigner les bêtes, mais il est en fait beaucoup plus qu'un soigneur: il est un mage, mais un mage brisé, à la personnalité morcelée, qui ne sait plus vraiment qui il est. Que lui est-il arrivé ? Trouvera-t-il la paix et la guérison dans ce petit village perdu ?

Libellule (Dragonfly, 1997) :

Nouvelle se situant à peu près à l'époque de Tehanu. Libellule est une jeune femme qui ne peut croire que son nom (Irian) soit son réellement vrai nom, car pour elle, il est le symbole du domaine déchu où elle vit. Lorsqu'Ivoire, un sorcier de Roke, lui propose de l'emmener dans l'école de Roke (ce qui est formellement interdit par les règles de l'école), elle accepte, espérant découvrir qui elle est vraiment. Mais Ivoire ne cherche en fait qu'à la séduire et à se venger de ses anciens maîtres... Cependant, la sorcière Rose le lui a dit : Libellule possède un pouvoir, un grand pouvoir, même si elle ignore lequel.

Le Vent d'Ailleurs (The Other Wind, 2001)

Aulne le sorcier fait chaque nuit le même rêve terrifiant qui le conduit le long du muret de pierres sèches qui borde le pays des morts. Et, alors qu'il espère y retrouver sa femme défunte, les morts viennent à lui. A l'ouest de Terremer, les dragons incendient maisons et récoltes, mettant fin à la trêve qu'ils observaient depuis le retour du roi Lebannen. C'est un temps de changements. Mais Ged, l'Archimage, ayant abandonné ses pouvoirs, Tenar son épouse, le roi Lebannen et tous les sorciers de Roke seront-ils assez puissants pour affronter ce temps des changements ? Et quel sera le rôle de Tehanu, la fille dragon ? Le Vent d'ailleurs est le quatrième tome du cycle de Terremer, après Terremer, Tehanu et les Contes de Terremer.

Fiche de lecture

Dernier tome du monde de Terremer, où l'on suit Alder (Aulne, mais j'aime mieux les noms anglais) un jeune sorcier de village, qui est appelé au pays des morts (The Dry Land), nuit après nuit, suite à la mort de sa femme. On en apprendra plus sur cet étrange et terrifiant pays des morts, hanté par des ombres sans vie (pas vraiment l'idée qu'on se fait du Paradis, et surtout d'un endroit où passer l'éternité). Pendant ce temps, Tenar et Tehanu ont été appelées au conseil de Lebannon car les dragons attaquent les îles, et Ged garde les chèvres. Bref, le nouveau roi a encore fort à faire, et pour trouver la solution à ces problèmes, l'aide de tous ne sera pas de trop.

Encore une fois, un roman assez étrange, pas de magie spectaculaire, un côté un peu mélancolique, des personnages tourmentés, des mystères que l'on pressent et dévoile petit à petit. Un bon final pour ce cycle.

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