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Une Ville flottante | Jules Verne | 1871

Par | 14/11/2011 | Lu 3935 fois




Le Great Eastern par Jules Férat | Par Jules Verne — http://jv.gilead.org.il/rpaul/Une%20ville%20flottante/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11595877
Le Great Eastern par Jules Férat | Par Jules Verne — http://jv.gilead.org.il/rpaul/Une%20ville%20flottante/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=11595877

Résumé

"Plus qu'un vaisseau, c'est une ville flottante. Si le Great Eastern n'est pas seulement une machine nautique, si c'est un microcosme, un observateur ne s'étonnera pas d'y rencontrer tous les instincts, tous les ridicules, toutes les passions des hommes."

Les rumeurs vont bon train quand on franchit le pont du Great Eastern : des cabines jusqu'aux cales, il est question d'inquiétantes disparitions...

Un des capitaines aurait péri noyé, un passager se serait égaré dans les profondeurs du navire, un mécanicien aurait même été soudé dans la boîte à vapeur !

Hypnotisé par la démesure du bâtiment, le narrateur embarque à son bord pour une traversée qui réserve bien des surprises.

Fiche de lecture

Ce roman de Jules Verne est paru en 1871. Il fait partie de la série « Voyages extraordinaires ». La ville flottante, c'est le Great Eastern, un énorme navire faisant la traversée Liverpool-New York, à bord duquel se trouvent plusieurs milliers de personnes, avec leurs caractères différents. C’est en somme un étalage de la société. Le personnage principal du récit, c’est le narrateur. On ignore son nom, mais je pense qu’il s’agit de Jules Verne, sachant qu’il a lui-même effectué une traversée à bord du Great Eastern. « Une Ville flottante » serait donc un hommage au navire.

Le Great Eastern était un paquebot transatlantique anglais lancé en 1858. A l’époque, c’était le premier paquebot géant et surtout, le plus grand navire jamais construit ! Il était célèbre pour avoir incarné le gigantisme des projets de Brunel, son concepteur, et de la Révolution industrielle du XIXème siècle. Mais il était aussi tristement connu pour les malheurs et échecs qui l’ont accompagné de sa construction à son exploitation, et pour les légendes macabres qui l’entouraient. On racontait que des ouvriers furent emmurés vivants dans sa double-coque... Bref, tout ceci lui valu d’avoir une réputation de « navire maudit ».

Ici, le narrateur embarque donc à Liverpool à bord du Great Eastern pour une traversée de l’Atlantique. Nous sommes en mars 1867. Après une vingtaine de traversées entre l’Angleterre et l’Amérique, dont une marquée par des accidents graves, l’exploitation du Great Eastern avait été abandonnée. Pourtant, le navire, au vu de ses dimensions extraordinaires, fut le seul capable de poser le câble télégraphique entre les deux continents. Ceci lui permit donc de regagner un peu de notoriété. Mais pour cette nouvelle tentative de croisière, il fallait donc qu’il soit remis à neuf et aménagé pour accueillir des passagers. Les travaux de rénovations n’étant pas achevés dans les temps, le bateau part avec quelques jours de retard. Lorsque les voyageurs embarquent, la peinture est encore tout fraîche et on termine de poser la tapisserie dans les salons. Ce n’est pas un bateau, c’est une ville flottante, un bout de continent amovible, qui accueille 4000 passagers ! Comme sur un immense théâtre, on y rencontre tous les genres de la société, ce qui amuse et divertit beaucoup le héros. Il va d’ailleurs faire la rencontre de l’extravagant Docteur Pitferge, qui deviendra son compagnon de voyage.

Le ton est donné lorsque le navire quitte Liverpool et remonte la Mersey avant de rejoindre l’océan. Un incident survient, tuant quatre personnes et en blessant gravement douze autres. « Un voyage qui commence bien ! », s’écrie Pitferge avec ironie, intimement convaincu que le Great Eastern coulera pendant sa traversée vers New York. A bord, se succèderont toute une série d’événements qui entraîneront le lecteur dans un voyage inoubliable.

Le récit est vraiment très sympa, mais plus que tout, ce qui m’a troublée dans ce roman, c’est que Jules Verne dit assez clairement que nul navire n’est insubmersible, et qu’il serait prétentieux que de croire le contraire, que d’imaginer que l’homme est capable de dompter les humeurs de l’océan, juste parce qu’il a conçu un énorme navire. Le narrateur dit également qu’à force de vouloir aller toujours plus vite pour effectuer une traversée, les capitaines de paquebot perdent tout bon sens. Ils prennent des risques qui mettent en péril leur paquebot et ses occupants, juste par défi de battre un record.

Chapitre 24, le Great Eastern est pris dans un cyclone :
« Cette obstination, cet entêtement du capitaine à lutter contre la mer m’étonnaient. [..] L’aspect de l’Atlantique était effrayant. A l’avant, les lames couvraient le navire en grand. Je regardais ce sublime spectacle, ce combat du colosse contre les flots. Je comprenais jusqu’à un certain point cette opiniâtreté du « maître après Dieu » qui ne voulait pas céder. Mais j’oubliais que la puissance de la mer est infinie, et que rien ne peut lui résister de ce qui est fait de la main de l’homme ! »

Lorsque qu’une voie d’eau se déclare dans les cales du Great Eastern, parce que la coque a été abîmée, le capitaine finit enfin par réagir. Il donne l’ordre de changer de cap, ce qui pour lui s’apparente à une fuite, et s’écrire, furieux : « Mon navire est déshonoré ! ».

Je pense que par ces deux extraits, Jules Verne nous donne un bon aperçu de ce qu’est l’arrogance humaine. Plus tard, il conclura ainsi :
« Répétons-le aussi, quelle que soit sa puissance, il ne faut pas opposer un navire sans raison à une mer démontée. Si grand qu’il soit, si fort qu’on le suppose, un navire n’est pas « déshonoré » parce qu’il fuit devant la tempête. Un commandant ne doit jamais oublier que la vie d’un homme vaut plus qu’une satisfaction d’amour-propre. En tout cas, s’obstiner est dangereux, s’entêter est blâmable, et un exemple récent, une déplorable catastrophe survenue à l’un des paquebots transocéaniens, prouve qu’un capitaine ne doit pas lutter outre mesure contre la mer, même quand il sent sur ses talons le navire d’une compagnie rivale. »

Si tout comme moi vous vous intéressez à l’histoire du Titanic, vous ne pourrez vous empêcher de faire des parallèles – même si les conditions ne sont pas tout à fait les mêmes - entre les mises en garde de Jules Verne et le naufrage du géant de la White Star qui a eu lieu trente ans plus tard, la nuit du 14 au 15 avril 1912…

« Une Ville flottante » est un livre que je vous recommande, en souhaitant que vous aurez tout autant de plaisir à le lire que moi j’en ai eu. A noter également que la chute est excellente ! Derrière cette histoire divertissante, teintée d’ironie et d’humour, force m’est de constater une fois de plus que Jules Verne était un visionnaire hors du commun.

Koyolite Tseila
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𝗟𝗘 𝗚𝗔𝗟𝗜𝗢𝗡 𝗗𝗘𝗦 𝗘𝗧𝗢𝗜𝗟𝗘𝗦 𝗘𝗦𝗧 𝗨𝗡 𝗦𝗜𝗧𝗘 𝗦𝗔𝗡𝗦 𝗣𝗨𝗕𝗟𝗜𝗖𝗜𝗧É. 𝗩𝗼𝘂𝘀 𝗮𝗶𝗺𝗲𝘇 𝗻𝗼𝘀 𝗮𝗿𝘁𝗶𝗰𝗹𝗲𝘀, 𝗺𝗮𝘁𝗲𝗹𝗼𝘁𝘀 ? 𝗩𝗼𝘂𝘀 𝗽𝗼𝘂𝘃𝗲𝘇 𝗳𝗮𝗶𝗿𝗲 𝘂𝗻 𝗱𝗼𝗻 𝗲𝘁 𝗮𝗶𝗻𝘀𝗶 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿 !

💬Commentaires

1.Posté par Frédéric le 03/03/2017 20:31 | Alerter
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Bonsoir,

je suis en pleine lecture de cet excellent roman de Jules Verne, bien meilleur à mon sens qu'"Autour de le Lune" (par exemple, le sentiment de promiscuité y est bien mieux rendu malgré les 4000 passagers).
Sur le passage dont vous parlez, je fais bien évidemment moi aussi le parallèle avec le Titanic, mais quand l'auteur parle d' "un exemple récent, une déplorable catastrophe survenue à l’un des paquebots transocéaniens", sachant que le livre a été édité en 1871, je me pose la question de quelle catastrophe il s'agit. Mes recherches sur internet (courtes je dois l'avouer) n'ont rien donné.
Peut-être pourrez-vous éclairer ma lanterne, ou plutôt mon fanal ?

Merci à vous.
Bien cordialement,
Fred

2.Posté par Koyolite TSEILA le 04/03/2017 09:31 | Alerter
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KoyoliteTseila
Bonjour Fred, en effet, cet ouvrage est excellent. La question que vous soulevez est intéressante, et je suis contente que celle-ci vous interpelle, car figurez-vous qu’à l’époque de ma lecture, j’ai fait aussi quelques recherches de mon côté, ma curiosité ayant été titillée.

En 1870, lorsque la White Star Line (fondée en 1845) tente de s’implanter sur le marché transatlantique, il y a déjà 4 autres compagnies bien implantées sur la ligne Liverpool – New York : la Cunard Line, la Guion Line, l’Inman Line et la National Line. On peut dès lors supposer que l’incident dont il est question se rapporte éventuellement à l’un des navires de l’une de ces quatre compagnies déjà bien implantées. On peut – je pense - exclure la White Star, sa première grande catastrophe maritime s’étant produite en 1873 avec le naufrage de l’Atlantic. La Guion Line – par exemple - a perdu 2 navires, l’un en 1868 et l’autre en 1869 (naufrages). L’Inman Line, de 1852 à 1870 a perdu pas moins de 6 navires, dont le Glasgow (1865) qui a coulé après un incendie en mer, et la catastrophe la plus récente en 1870 : la perte du City of Boston (177 disparus).

Voici donc à quoi mes recherches m’ont conduite, mais cela ne me permet malheureusement pas pour autant de définir avec certitude à quel paquebot Jules Verne fait allusion.

Cordialement
Koyolite Tseila

3.Posté par Christobal COLUMBUS le 18/10/2020 13:49 | Alerter
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ChristoColumbus
Si je devais utiliser le style d’écriture de Jules Verne, je dirais « Ce petit roman me fut fort plaisant ».
En effet, un passionné d’Histoire (avec un grand H) et de bateaux tel que je suis se devait de lire ce livre.
Naissance du roman :
En 1867, Jules Verne effectue un voyage au USA avec son frère Paul, à bord du premier et plus gros paquebot géant du Monde : le « Great Eastern ». Le navire d’une capacité de 4000 personnes fait 211m de long, 25m de large et est équipé en propulsion de 6 mâts, 1 moteur à hélice et 1 moteur pour les 2 gigantesques roues à aubes. Jules Verne dira que c’est une véritable ville flottante et en publiera un roman en 1870 dans lequel est sera narrateur et acteur de son histoire et dans laquelle il emploiera les véritables noms de quelques personnes rencontrées à bord.
Mon avis perso :
Bon... Tout d’abord je ne conseille pas de lire ce livre à celui qui n’est pas intéressé par les bateaux.
En effet, J.Verne explique - et même décortique - le navire dans ses moindres recoins et utilise assez souvent des détails techniques que moi-même ai difficile à assimiler.
Au fur et à mesure de la lecture, on ressent vraiment ce qu’a pu éprouver J.Verne à bord de ce transatlantique.
Les pages défilent rapidement et on a l’impression de réellement être à bord avec le narrateur, sur les différents ponts comme dans la salle de restaurant où tout compte fait, il ne s’y passe pas grand-chose.
Présence d’icebergs, incidents, accidents et tempêtes viennent d’ailleurs « animer » (si je peux m’exprimer ainsi) cette histoire quelque peu aussi romancée d’une histoire d’amour-jalousie-persécution mais je n’en dirai pas plus.
En entrant dans les derniers chapitres, on se demande un peu où veut aller l’auteur pour terminer son histoire et les détails deviennent même un peu longs et pénibles mais on n’est pas déçu de la fin.
En tout cas, on baigne vraiment dans cette période victorienne et ses mentalités. On réalise aussi ce que l’Homme est capable de faire en constructions, inventions, désir de ce gigantisme du « toujours plus grand, toujours plus vite, toujours fort… »
Le style d’écriture de Jules Verne est génial et je n’ai qu’un mot à dire à celui qui désire lire ce roman : « Bienvenue à bord du Great Eastern ! »
j'ai aussi fait mention de ce bateau dans l'un de mes trois articles "Une société de consommation partie-3 : consommation de la communication"

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