Le monde tel qu'il sera en l'an 3000 @ 2013 éditions Skol Vreizh | Dessin de couverture @ Octave Penguilly L'Haridon
En 1846 (20 ans avant "De la Terre à la Lune" de Jules Verne) paraît "Le monde tel qu’il sera", l’un des tous premiers romans d’anticipation.
C’est un voyage à la découverte d’un monde qui semble étrangement proche du nôtre : technique omniprésente, spécialisation et standardisation, argent roi, soif de pouvoir et corruption ; mais aussi, chirurgie esthétique, organes artificiels, tyrannie de la mode, cosmétique, domotique et architecture moderne, information en continu, éducation mécanisée et standardisée, nouveaux modes de transport…
Au coeur du XIXe siècle, avec l’avènement de la société industrielle, l’imagination du romancier est sans limite. Avec humour et dérision, il décrit un avenir où l’homme est formaté dès la naissance, où l’individualisme est roi suivant la maxime « Chacun chez soi, chacun pour soi ».
Souvestre, pétri d’humanisme chrétien, imagine les merveilles et les dangers que porte l’avenir. Il nous dépeint une société futuriste sortie du miroir de son siècle. Force est de constater qu’au début du XXIe siècle, les « prophéties » du romancier sont en partie réalisées.
Fiche de lecture
Entre les dernières années de François-René de Chateaubriand (mort en 1848, année du « Printemps des Peuples ») et les premiers écrits de Jules Verne, Emile Souvestre s’inscrit dans cette ambiance fin de siècle : l’épopée napoléonienne et le romantisme qu’elle entraîna à sa suite (cf. « La Confession d’un Enfant du Siècle » d’Alfred de Musset) fait place au progrès industriel et à l’ère de la machine.
Ce monde moderne, nous le visitons avec Marthe et Maurice, jeune couple parisien du XIXème siècle. Un soir de réflexion mélancolique, ils devisent sur ce monde tel qu’il sera. Mais ils n’imaginaient pas être entendus par M. John Progrès, un génie. Celui-ci les fera s’endormir pendant des siècles pour les retrouver en l’an 3000, dans une bien curieuse société. C’est dans ce contexte que Marthe et Maurice rencontrent toute une galerie de personnages caricaturaux jusque dans leurs noms (le couple Atout, Milady Ennui, l’Abbé Coulant ou l’aliéniste Manomane) mais surtout les divers aspects de ce monde de l’an 3000.
En trois « Journées » passées dans la cité de « Sans-Pair » située au sein de la « République des Intérêts-Unis », notre couple d’amoureux sera ballotté entre divers chaperons et guides béats du progrès humain, et y verra ses convictions chrétiennes ébranlées face à tant de progrès, tant de machinisme. Des transports aux documents d’identité, du spectacle à l’hôpital, de l’Observatoire astronomique à l’asile psychiatrique (ou est-ce la Chambre des députés?) toute la société et plus encore est disséquée.
Cet ouvrage porte indéniablement de la marque de son temps : le style est d’époque de même que bien des allusions. Cependant même si certaines m’échappent, je ne peux m’empêcher de penser au philosophe Alexis de Tocqueville qui dépeignit, dans « De la Démocratie en Amérique » sa vision d’une société despotique, dans laquelle l’Homme « […], retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. […] »
Souvestre nous plonge ainsi, avec une ironie voltairienne, dans un tel monde cruel où subsistent néanmoins encore quelques rares nobles âmes : nos héros, bien sûr, mais aussi Mademoiselle Romain, recueillant un vieillard et un « idiot » (un handicapé mental dirions-nous aujourd’hui), est de ces bonnes figures telles qu’on peut en voir chez les auteurs du XIXème siècle pétris de christianisme tels que Victor Hugo, la Comtesse de Ségur ou Chateaubriand.
Le Monde tel qu’il sera, reparu en format papier aux éditions bretonnes Skol Vreizh (sous le tire Le monde tel qu'il sera en l'an 3000) ainsi qu’en accès libre sur la Toile, est une lecture de grand intérêt, bien que très fataliste jusque dans son titre : jusqu’à son titre même, il traduit la certitude d’une évolution. Il n’y pas de rédemption, pas d’espoir, d’où le caractère tragique et dystopique du texte.
L’auteur avait-il raison ou tort de nourrir de telles certitudes ? J’ai mon avis. A vous de vous faire le vôtre en lisant le livre !
Ce monde moderne, nous le visitons avec Marthe et Maurice, jeune couple parisien du XIXème siècle. Un soir de réflexion mélancolique, ils devisent sur ce monde tel qu’il sera. Mais ils n’imaginaient pas être entendus par M. John Progrès, un génie. Celui-ci les fera s’endormir pendant des siècles pour les retrouver en l’an 3000, dans une bien curieuse société. C’est dans ce contexte que Marthe et Maurice rencontrent toute une galerie de personnages caricaturaux jusque dans leurs noms (le couple Atout, Milady Ennui, l’Abbé Coulant ou l’aliéniste Manomane) mais surtout les divers aspects de ce monde de l’an 3000.
En trois « Journées » passées dans la cité de « Sans-Pair » située au sein de la « République des Intérêts-Unis », notre couple d’amoureux sera ballotté entre divers chaperons et guides béats du progrès humain, et y verra ses convictions chrétiennes ébranlées face à tant de progrès, tant de machinisme. Des transports aux documents d’identité, du spectacle à l’hôpital, de l’Observatoire astronomique à l’asile psychiatrique (ou est-ce la Chambre des députés?) toute la société et plus encore est disséquée.
Cet ouvrage porte indéniablement de la marque de son temps : le style est d’époque de même que bien des allusions. Cependant même si certaines m’échappent, je ne peux m’empêcher de penser au philosophe Alexis de Tocqueville qui dépeignit, dans « De la Démocratie en Amérique » sa vision d’une société despotique, dans laquelle l’Homme « […], retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. […] »
Souvestre nous plonge ainsi, avec une ironie voltairienne, dans un tel monde cruel où subsistent néanmoins encore quelques rares nobles âmes : nos héros, bien sûr, mais aussi Mademoiselle Romain, recueillant un vieillard et un « idiot » (un handicapé mental dirions-nous aujourd’hui), est de ces bonnes figures telles qu’on peut en voir chez les auteurs du XIXème siècle pétris de christianisme tels que Victor Hugo, la Comtesse de Ségur ou Chateaubriand.
Le Monde tel qu’il sera, reparu en format papier aux éditions bretonnes Skol Vreizh (sous le tire Le monde tel qu'il sera en l'an 3000) ainsi qu’en accès libre sur la Toile, est une lecture de grand intérêt, bien que très fataliste jusque dans son titre : jusqu’à son titre même, il traduit la certitude d’une évolution. Il n’y pas de rédemption, pas d’espoir, d’où le caractère tragique et dystopique du texte.
L’auteur avait-il raison ou tort de nourrir de telles certitudes ? J’ai mon avis. A vous de vous faire le vôtre en lisant le livre !
Marthe et Maurice se réveillent en l'an 3000, découverts par des archéologues du futur | Dessin @ Prosper Saint-Germain | Source : https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57935017, domaine public
John Progrès, génie protecteur des temps modernes, à bord de sa « locomotive » | Dessin @ Octave Penguilly L'Haridon | Source : https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=57929109, domaine public