Mort au champ d'étoiles @ 1970 éditions Marabout | Illustration de couverture @ Henri Lievens | Photo @ J.-M. Archaimbault, édition privée
Illustration et quatrième de couverture
- Les vertigineux attraits de demain
- De l'exploration à la Science-Fiction, une interview de Bernard Villaret
- Un des romans de Science-Fiction les plus originaux de ces dernières années
- Lisez en fin de volume le dossier Marabout
Fiche de lecture
En 1976, à trente-quatre ans, par curiosité vis-à-vis du futur et suite à une déception sentimentale qui lui a fait perdre toute attache avec ses proches, l’ethnologue Jacques Seurat a choisi l’hibernation. Lancée en grande pompe, l’opération tentée par cinquante courageux pionniers a vite été oubliée. En 2058, un banal court-circuit provoque le réveil des « endormis » mais seuls trente-cinq, dont Jacques, auront survécu à l’expérience.
Loin d’être traités comme des héros, les « bisâgés » sont considérés tels des fossiles vivants un peu gênants et gentiment mis à l’écart du reste de la société car, finalement, on ne sait pas trop quoi faire d’eux. Requalifié comme métallurgiste sur la base de vieilles études et de diplômes impossibles à retrouver, Jacques reprend possession de sa grande maison familiale, datant de 1820, dans un village entre Saint-Jean d’Angély et Niort, un hameau dont il est le seul et unique habitant.
Il retourne ainsi à la nature, à ses racines et à ses souvenirs du temps jadis où la campagne n’était pas dépeuplée. La découverte du monde du milieu du XXIe siècle lui procure surprise après surprise, étonnement après étonnement. La Terre a vu s’accomplir nombre de progrès, notamment technologiques, en parallèle à une régression considérable de la culture, des arts, des relations sociales, et à une réduction colossale de sa population. On ne travaille plus qu’un mois par an, les loisirs sont stéréotypés et artificiels, voire inexistants, l’ennui et la morosité dominent, la majorité des gens ont pour idéal de s’en aller vers d’autres planètes lointaines très prometteuses grâce au procédé miraculeux de la Téléportation. Inventé en 2020 par le génial John Couturier, le transfert instantané de matière est devenu opérationnel à grande échelle en 2045 et, en treize ans, quatre-vingts pour cent de la population mondiale ont migré vers les étoiles.
Autant dire que Jacques Seurat s’intègre difficilement dans ce nouveau contexte où bien des valeurs anciennes n’ont plus cours. Clara Savignac, femme-médecin seule habitante du plus proche village, l’aide par sa patience, ses connaissances et son amitié. Mais elle comprend mal ce qui confine l’homme du passé dans ses regrets des temps révolus et ce qui le bloque dans l’acceptation du monde actuel. Car plus Jacques en découvre sur cette déroutante époque, plus il se pose de questions sur ce qui a bien pu orienter ainsi l’évolution humaine, à contre-courant, entretenant les individus dans une apathie cotonneuse habilement contrôlée…
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Loin d’être traités comme des héros, les « bisâgés » sont considérés tels des fossiles vivants un peu gênants et gentiment mis à l’écart du reste de la société car, finalement, on ne sait pas trop quoi faire d’eux. Requalifié comme métallurgiste sur la base de vieilles études et de diplômes impossibles à retrouver, Jacques reprend possession de sa grande maison familiale, datant de 1820, dans un village entre Saint-Jean d’Angély et Niort, un hameau dont il est le seul et unique habitant.
Il retourne ainsi à la nature, à ses racines et à ses souvenirs du temps jadis où la campagne n’était pas dépeuplée. La découverte du monde du milieu du XXIe siècle lui procure surprise après surprise, étonnement après étonnement. La Terre a vu s’accomplir nombre de progrès, notamment technologiques, en parallèle à une régression considérable de la culture, des arts, des relations sociales, et à une réduction colossale de sa population. On ne travaille plus qu’un mois par an, les loisirs sont stéréotypés et artificiels, voire inexistants, l’ennui et la morosité dominent, la majorité des gens ont pour idéal de s’en aller vers d’autres planètes lointaines très prometteuses grâce au procédé miraculeux de la Téléportation. Inventé en 2020 par le génial John Couturier, le transfert instantané de matière est devenu opérationnel à grande échelle en 2045 et, en treize ans, quatre-vingts pour cent de la population mondiale ont migré vers les étoiles.
Autant dire que Jacques Seurat s’intègre difficilement dans ce nouveau contexte où bien des valeurs anciennes n’ont plus cours. Clara Savignac, femme-médecin seule habitante du plus proche village, l’aide par sa patience, ses connaissances et son amitié. Mais elle comprend mal ce qui confine l’homme du passé dans ses regrets des temps révolus et ce qui le bloque dans l’acceptation du monde actuel. Car plus Jacques en découvre sur cette déroutante époque, plus il se pose de questions sur ce qui a bien pu orienter ainsi l’évolution humaine, à contre-courant, entretenant les individus dans une apathie cotonneuse habilement contrôlée…
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Médecin et explorateur, Bernard Villaret (1909-2006) a publié en 1970 cette première incursion dans la science-fiction, un roman qui ne se focalise ni sur l’action, ni sur l’approfondissement historique des mutations subies par la planète en matière de géopolitique, de rapports internationaux, d’économie… Au contraire, l’auteur se préoccupe davantage de la psychologie du personnage principal et de ses réactions face à un futur aux antipodes de ce qu’il avait imaginé. Le livre n’a pas été très bien accueilli à sa sortie (voir la critique de Jean-Pierre Andrevon dans Fiction n°202, octobre 1970, consultable sur noosfere), les suivants de Bernard Villaret non plus et, tout comme ce « Mort au champ d’étoiles », ont pour ainsi dire sombré dans l’oubli. C’est quelque part bien dommage, à mon avis personnel…
Il y a un peu plus de cinquante ans, et aujourd’hui encore, ce roman fort bien écrit m’a tout d’abord marqué par ses facettes régionalistes et son ancrage dans un terroir qui m’est familier, le pays niortais, à la limite des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Projetant un siècle dans le futur ces petits villages déjà moribonds à l’époque où il rédige son livre, Bernard Villaret restitue avec justesse leur ambiance de solitude et de silence encore exacerbés. Niort et La Rochelle valent elles aussi le détour par maints détails bien imaginés. La perception, le ton, maints accents caractérisant le repli sur soi font un peu penser à Simak lorsqu’il évoque son Wisconsin natal et, c’est pour le moins étonnant sinon paradoxal, préfigurent le Jean-Pierre Andrevon du « Désert du monde ».
Certes, l’action est peut-être lente, voire quasi absente, nombre d’idées sur cet avenir maintenant proche et d’extrapolations sociologiques ou techniques ne sont pas d’une originalité fracassante, la visite rapide sur Mars est assez stéréotypée. Et le « deus ex machina » final, déjà vu ailleurs sous d’autres formes, fait son petit effet non dénué d’humour même s’il semble un peu plaqué dans les dernières pages… Mais « Mort au champ d’étoiles » a son charme, ses attraits, bénéficie d’un style bien maîtrisé, s’avère riche en connotations piquantes sur les travers de notre Humanité actuelle.
Ainsi : « À notre époque où les beaux-arts et la littérature se sont révélés peu à peu stériles et superflus dans un monde désabusé, les seuls artistes qui nous restent sont les plombiers. » (p.67)
Ou encore : « Une langue universelle s’est imposée presque partout (…) Avec son vocabulaire limité à mille mots, sa simplification grammaticale poussée à l’extrême, son absence d’abstraction, c’était exactement le moyen d’expression qui devait convenir à une Terre en décadence, ayant perdu toute curiosité intellectuelle. » (p.135)
Quant au « fond du problème », une fois dévoilé, il explique assez astucieusement, selon moi, l’état de notre pauvre monde en 2058.
Tout n’est pas parfait dans ce roman. Pourtant, le lecteur aura suivi avec plaisir et curiosité Jacques Seurat alors qu’il empile tout d’abord les interrogations puis collectionne les indices troublants, accumulant sans en avoir conscience certaines pièces maîtresses d’un puzzle complexe. Il se sera bien laissé entraîner dans son questionnement, ses désillusions, son nouvel échec sentimental (une péripétie non indispensable car passablement « téléphonée », comme l’on dit). Et il n’oubliera surtout pas la rapide excursion dans le sublime Marais Poitevin – hélas en grande partie retourné à l’état sauvage – où, au crépuscule, un spectacle pour le moins incongru orientera d’un seul coup notre héros vers la clef de l’énigme.
Si vous en avez l’occasion, n’hésitez donc pas, lisez ce sympathique et divertissant petit ouvrage !
Il y a un peu plus de cinquante ans, et aujourd’hui encore, ce roman fort bien écrit m’a tout d’abord marqué par ses facettes régionalistes et son ancrage dans un terroir qui m’est familier, le pays niortais, à la limite des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Projetant un siècle dans le futur ces petits villages déjà moribonds à l’époque où il rédige son livre, Bernard Villaret restitue avec justesse leur ambiance de solitude et de silence encore exacerbés. Niort et La Rochelle valent elles aussi le détour par maints détails bien imaginés. La perception, le ton, maints accents caractérisant le repli sur soi font un peu penser à Simak lorsqu’il évoque son Wisconsin natal et, c’est pour le moins étonnant sinon paradoxal, préfigurent le Jean-Pierre Andrevon du « Désert du monde ».
Certes, l’action est peut-être lente, voire quasi absente, nombre d’idées sur cet avenir maintenant proche et d’extrapolations sociologiques ou techniques ne sont pas d’une originalité fracassante, la visite rapide sur Mars est assez stéréotypée. Et le « deus ex machina » final, déjà vu ailleurs sous d’autres formes, fait son petit effet non dénué d’humour même s’il semble un peu plaqué dans les dernières pages… Mais « Mort au champ d’étoiles » a son charme, ses attraits, bénéficie d’un style bien maîtrisé, s’avère riche en connotations piquantes sur les travers de notre Humanité actuelle.
Ainsi : « À notre époque où les beaux-arts et la littérature se sont révélés peu à peu stériles et superflus dans un monde désabusé, les seuls artistes qui nous restent sont les plombiers. » (p.67)
Ou encore : « Une langue universelle s’est imposée presque partout (…) Avec son vocabulaire limité à mille mots, sa simplification grammaticale poussée à l’extrême, son absence d’abstraction, c’était exactement le moyen d’expression qui devait convenir à une Terre en décadence, ayant perdu toute curiosité intellectuelle. » (p.135)
Quant au « fond du problème », une fois dévoilé, il explique assez astucieusement, selon moi, l’état de notre pauvre monde en 2058.
Tout n’est pas parfait dans ce roman. Pourtant, le lecteur aura suivi avec plaisir et curiosité Jacques Seurat alors qu’il empile tout d’abord les interrogations puis collectionne les indices troublants, accumulant sans en avoir conscience certaines pièces maîtresses d’un puzzle complexe. Il se sera bien laissé entraîner dans son questionnement, ses désillusions, son nouvel échec sentimental (une péripétie non indispensable car passablement « téléphonée », comme l’on dit). Et il n’oubliera surtout pas la rapide excursion dans le sublime Marais Poitevin – hélas en grande partie retourné à l’état sauvage – où, au crépuscule, un spectacle pour le moins incongru orientera d’un seul coup notre héros vers la clef de l’énigme.
Si vous en avez l’occasion, n’hésitez donc pas, lisez ce sympathique et divertissant petit ouvrage !