Affiche et synopsis
María et Ingvar vivent reclus avec leur troupeau de moutons dans une ferme en Islande. Lorsqu’ils découvrent un mystérieux nouveau-né, ils décident de le garder et de l'élever comme leur enfant. Cette nouvelle perspective apporte beaucoup de bonheur au couple, mais la nature leur réserve une dernière surprise…
Présentation
Le synopsis repris dans tous les articles est assez plat : deux éleveurs de moutons dans un coin reculé d’Islande se retrouvent avec un agneau qui vient de naître, et c’est très bizarre.
C’est bien le parti pris du bizarre qui anime le film : l’agneau a une tête d’agneau, le membre antérieur droit est également ovin et ongulé, le reste est humain, c’est une petite fille. Le couple n’a pas d’enfants et décide de l’élever, ils l’appellent Ada.
Un personnage tiers débarque, le frère du mari, une ancienne rockstar, un peu déglingué, fauché, et qui vient se mettre au vert.
Les critiques ciné n’ont pas été tendres, se focalisant sur le genre de l’épouvante, ou les longueurs, il me semble qu’on pouvait évoquer le réalisme magique et sous ce prisme lui accorder un certain crédit. Pour moi, on peut en faire également une lecture christique et animaliste de bout en bout, un plaidoyer pour le monde sauvage et contre la domesticité.
Attention spoilers
Premièrement, la brebis qui donne naissance à Ada reçoit la visite d’une entité mystérieuse le soir de Noël. On n’en connaît que le souffle rauque dans la neige islandaise, on sait seulement que les animaux ne le craignent pas vraiment.
Au printemps, la brebis accouche donc de cet étrange agneau, et ce n’est pas neutre au regard christique puisque Jésus est dénommé l’agneau de Dieu. L’être hybride, quand il se regarde dans un miroir, rappelle aussi le poème de William Blake, The Lamb, jouant sur la similitude de l’enfant innocent et de l’agneau (I a child and thou a lamb, We are called by His name).
Maria, la bergère, au prénom si bien choisi d’une mère qui n’a pas enfanté, miroir de celle qui a enfanté sans concevoir, décide de prendre l’enfant et de l’élever. La brebis, qui ne porte aucun nom, mais un numéro agrafé à son oreille (c’est Maria qui s’en charge), bêle sous la fenêtre des parents pour récupérer son petit. Cette protestation non violente s’achève quand Maria, une nuit, décroche le fusil et abat l’animal à bout portant. Il y a bien ce moment où leurs regards se croisent. On espère que Maria verra dans les yeux de la mère d’Ada le reflet d’elle-même, qu’elle lui prêtera une forme d’humanité, sinon de sensibilité, mais on comprend que l’humaine n’y voit rien du tout et tire sans émotion.
Plus tard, quand le beau-frère débarque dans ce drôle d’Eden (Maria et son mari Ingvar semblent quand même seuls au monde, on dirait Adam et Ève tout juste chassés du Paradis), il a quelque chose du serpent tentateur, mais c’est tout le contraire. Lui le libertaire en blouson de cuir et à la mèche désinvolte, réagit très mal en découvrant Ada : c’est un monstre, ils ne peuvent pas l’élever comme un humain.
La même scène de face-à-face se reproduit. Une nuit, le frère décroche le fusil, sort avec Ada, et la met en joue. Miracle, dans cette tête de mouton, il y a deux yeux innocents qui regardent l’homme et le font renoncer à son geste.
Les jours passent, assez tranquilles et doux, l’automne vient. Ada et son oncle vont pêcher, ce n’est pas la pêche miraculeuse, mais une scène paisible.
Puis vient la tentation et la précipitation dramatique. Au cours d’une soirée arrosée, Maria repousse son beau-frère, on comprend qu’ils ont eu une liaison il y a longtemps, mais c’est fini. Au même moment, le chien de la ferme, qui n’a pas de prénom non plus, défend la propriété d’un individu hostile qui s’approche. La proximité du chien avec l’homme est peut-être ce qui scelle le sort funeste de cette brave bête, tuée sur le coup.
Le dénouement arrive brusquement, quand Ingvar sort avec Ada pour aller réparer le tracteur en panne au milieu d’une vallée. Il est abattu du même fusil que précédemment, par un être surprenant. Sur un corps grand et musclé recouvert d’un duvet sombre, gronde une tête de bélier aux yeux flamboyants de rage. Dernier face-à-face au fusil, sans échange de regards, la nature personnifiée ne s’interroge plus, elle sanctionne, et repart avec Ada.
La morale de ce film est que l’homme, en domestiquant le monde sauvage, a créé des êtres hybrides, des monstres, coincés entre deux mondes. Maria s’accapare l’agneau comme s’il était sien, et tue l’être sensible qui l’a mis au monde. Le chien, si proche de son maître, meurt en petit soldat. Aussi humains et paisibles que soient ces braves bergers, qui ne font de mal à personne, voilà qu’ils se prennent la nature en pleine gueule. Reality is what kicks back, disait Stenger.
C’est bien le parti pris du bizarre qui anime le film : l’agneau a une tête d’agneau, le membre antérieur droit est également ovin et ongulé, le reste est humain, c’est une petite fille. Le couple n’a pas d’enfants et décide de l’élever, ils l’appellent Ada.
Un personnage tiers débarque, le frère du mari, une ancienne rockstar, un peu déglingué, fauché, et qui vient se mettre au vert.
Les critiques ciné n’ont pas été tendres, se focalisant sur le genre de l’épouvante, ou les longueurs, il me semble qu’on pouvait évoquer le réalisme magique et sous ce prisme lui accorder un certain crédit. Pour moi, on peut en faire également une lecture christique et animaliste de bout en bout, un plaidoyer pour le monde sauvage et contre la domesticité.
Attention spoilers
Premièrement, la brebis qui donne naissance à Ada reçoit la visite d’une entité mystérieuse le soir de Noël. On n’en connaît que le souffle rauque dans la neige islandaise, on sait seulement que les animaux ne le craignent pas vraiment.
Au printemps, la brebis accouche donc de cet étrange agneau, et ce n’est pas neutre au regard christique puisque Jésus est dénommé l’agneau de Dieu. L’être hybride, quand il se regarde dans un miroir, rappelle aussi le poème de William Blake, The Lamb, jouant sur la similitude de l’enfant innocent et de l’agneau (I a child and thou a lamb, We are called by His name).
Maria, la bergère, au prénom si bien choisi d’une mère qui n’a pas enfanté, miroir de celle qui a enfanté sans concevoir, décide de prendre l’enfant et de l’élever. La brebis, qui ne porte aucun nom, mais un numéro agrafé à son oreille (c’est Maria qui s’en charge), bêle sous la fenêtre des parents pour récupérer son petit. Cette protestation non violente s’achève quand Maria, une nuit, décroche le fusil et abat l’animal à bout portant. Il y a bien ce moment où leurs regards se croisent. On espère que Maria verra dans les yeux de la mère d’Ada le reflet d’elle-même, qu’elle lui prêtera une forme d’humanité, sinon de sensibilité, mais on comprend que l’humaine n’y voit rien du tout et tire sans émotion.
Plus tard, quand le beau-frère débarque dans ce drôle d’Eden (Maria et son mari Ingvar semblent quand même seuls au monde, on dirait Adam et Ève tout juste chassés du Paradis), il a quelque chose du serpent tentateur, mais c’est tout le contraire. Lui le libertaire en blouson de cuir et à la mèche désinvolte, réagit très mal en découvrant Ada : c’est un monstre, ils ne peuvent pas l’élever comme un humain.
La même scène de face-à-face se reproduit. Une nuit, le frère décroche le fusil, sort avec Ada, et la met en joue. Miracle, dans cette tête de mouton, il y a deux yeux innocents qui regardent l’homme et le font renoncer à son geste.
Les jours passent, assez tranquilles et doux, l’automne vient. Ada et son oncle vont pêcher, ce n’est pas la pêche miraculeuse, mais une scène paisible.
Puis vient la tentation et la précipitation dramatique. Au cours d’une soirée arrosée, Maria repousse son beau-frère, on comprend qu’ils ont eu une liaison il y a longtemps, mais c’est fini. Au même moment, le chien de la ferme, qui n’a pas de prénom non plus, défend la propriété d’un individu hostile qui s’approche. La proximité du chien avec l’homme est peut-être ce qui scelle le sort funeste de cette brave bête, tuée sur le coup.
Le dénouement arrive brusquement, quand Ingvar sort avec Ada pour aller réparer le tracteur en panne au milieu d’une vallée. Il est abattu du même fusil que précédemment, par un être surprenant. Sur un corps grand et musclé recouvert d’un duvet sombre, gronde une tête de bélier aux yeux flamboyants de rage. Dernier face-à-face au fusil, sans échange de regards, la nature personnifiée ne s’interroge plus, elle sanctionne, et repart avec Ada.
La morale de ce film est que l’homme, en domestiquant le monde sauvage, a créé des êtres hybrides, des monstres, coincés entre deux mondes. Maria s’accapare l’agneau comme s’il était sien, et tue l’être sensible qui l’a mis au monde. Le chien, si proche de son maître, meurt en petit soldat. Aussi humains et paisibles que soient ces braves bergers, qui ne font de mal à personne, voilà qu’ils se prennent la nature en pleine gueule. Reality is what kicks back, disait Stenger.