Sissoko, monsieur Poulet @ 2023 la force g éditions, collection Les agrafés | Photos @ Bruno Blanzat, édition privée | Montage @ Le Galion des Etoiles
Illustration et quatrième de couverture
Le Nigéria du futur est fier de ses tours alimentaires. Mais Sissoko Abazu, directeur d’une tour Poulet à Abuja, reste préoccupé. La famine pourrait revenir. Agriculture et élevage verticaux sont menacés du pire…
Fiche de lecture
Le charme des sujets inconnus. D’abord ce pays, le Nigeria, coincé entre le Bénin et le Cameroun, dans le Golfe de Guinée, et sa capitale créée de toutes pièces dans les années 80. C’est déjà un rêve futuriste en soi : faire sortir de terre une ville nouvelle, en territoire neutre, inventer une nouvelle manière de vivre ensemble.
Ici, l’économie est florissante, l’État fédéral a construit un modèle d’agro-industrie urbaine fondée sur des tours dédiées à chaque secteur d’activité : la tour Lapin, la tour Cucurbitacées, la tour Poisson. Mais « toutes les recettes ne sont pas forcément bonnes », m’avertit la dédicace.
Le héros principal est un ancien ministre en disgrâce, responsable de la tour Poulet. Sissoko Abazu est un sceptique à l’égard de ce parti pris politique de sortir définitivement de la production agricole traditionnelle, horizontale, de pleins champs. Un conservateur ? Un rétrograde ? Plutôt un pragmatique, sensible à la disparition d’un savoir-faire qui pourrait faire cruellement défaut en cas de catastrophe. Et l’histoire lui donne raison sous les traits de « la folle du Bénin » voisin.
Changement climatique oblige, il faut s’adapter. Les cargos à voile, les chèvres éboueuses, la ville optimisée dans son fonctionnement, et une orientation résolument technosolutionniste. Sissoko Abazu convoque en pensées Ulrich Beck, qui a forgé le concept de société du risque, ou comment une société s’oblige à gérer des situations extrêmes par ses propres choix (monoculture, monoindustrie…). On se souvient des éléments de langage durant la pandémie sur les bénéfices/risques : une manière de faire accepter à la population que certains seront impactés au profit de la majorité. L’universalisme a vécu. Nous ne cherchons plus à pérenniser collectivement nos modes vies, chacun se démerde avec son assureur.
Thierry Ribault est son Contre la résilience à Fukushima et ailleurs n’est pas loin non plus. Sissoko Abazu fulmine contre ceux qui se sont installés délibérément sur les flancs du volcan et entendent faire intérioriser la catastrophe en devenir à leurs contemporains (sans parler des générations futures). Idéologie à la croisée du politique et du scientifique, acceptation des sacrifices personnels, exigence d’être résistant sans opposer de résistance, transfert de la responsabilité vers les individus, fabrique de l’ignorance, technologie du consentement…
Gulzar P. Joby a une écriture précise et drôle, le phrasé franco-africain nous plonge directement dans cet ailleurs familier que nous quittons à regret. Je recommande cette collection des Agrafés, fort intéressante, « c’est conseil gratuit ».
Ici, l’économie est florissante, l’État fédéral a construit un modèle d’agro-industrie urbaine fondée sur des tours dédiées à chaque secteur d’activité : la tour Lapin, la tour Cucurbitacées, la tour Poisson. Mais « toutes les recettes ne sont pas forcément bonnes », m’avertit la dédicace.
Le héros principal est un ancien ministre en disgrâce, responsable de la tour Poulet. Sissoko Abazu est un sceptique à l’égard de ce parti pris politique de sortir définitivement de la production agricole traditionnelle, horizontale, de pleins champs. Un conservateur ? Un rétrograde ? Plutôt un pragmatique, sensible à la disparition d’un savoir-faire qui pourrait faire cruellement défaut en cas de catastrophe. Et l’histoire lui donne raison sous les traits de « la folle du Bénin » voisin.
Changement climatique oblige, il faut s’adapter. Les cargos à voile, les chèvres éboueuses, la ville optimisée dans son fonctionnement, et une orientation résolument technosolutionniste. Sissoko Abazu convoque en pensées Ulrich Beck, qui a forgé le concept de société du risque, ou comment une société s’oblige à gérer des situations extrêmes par ses propres choix (monoculture, monoindustrie…). On se souvient des éléments de langage durant la pandémie sur les bénéfices/risques : une manière de faire accepter à la population que certains seront impactés au profit de la majorité. L’universalisme a vécu. Nous ne cherchons plus à pérenniser collectivement nos modes vies, chacun se démerde avec son assureur.
Thierry Ribault est son Contre la résilience à Fukushima et ailleurs n’est pas loin non plus. Sissoko Abazu fulmine contre ceux qui se sont installés délibérément sur les flancs du volcan et entendent faire intérioriser la catastrophe en devenir à leurs contemporains (sans parler des générations futures). Idéologie à la croisée du politique et du scientifique, acceptation des sacrifices personnels, exigence d’être résistant sans opposer de résistance, transfert de la responsabilité vers les individus, fabrique de l’ignorance, technologie du consentement…
Gulzar P. Joby a une écriture précise et drôle, le phrasé franco-africain nous plonge directement dans cet ailleurs familier que nous quittons à regret. Je recommande cette collection des Agrafés, fort intéressante, « c’est conseil gratuit ».